L’objectif du gouvernement est d’arriver à électrifier 49% du parc automobile luxembourgeois d’ici 2030. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

L’objectif du gouvernement est d’arriver à électrifier 49% du parc automobile luxembourgeois d’ici 2030. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

L’Automobile Club Luxembourg (ACL) et la House of Automobile (HOA) ne sont pas satisfaits après l’annonce des nouvelles aides financières pour l’achat d’un véhicule électrifié. Pour la HOA, le gouvernement ne rend pas service à l’électromobilité alors que l’ACL veut être à la table des décisions.

, porte-parole de la House of Automobile, n’y va pas par quatre chemins: «J’ai l’impression que le ministère a deux à trois années de retard face à l’évolution rapide de l’électromobilité. Nous avons pourtant attiré l’attention de la ministre (déi Gréng) sur les effets négatifs des nouvelles aides pour l’achat d’un véhicule électrifié. Elle n’en a pas tenu compte. Je dois malheureusement dire que ces nouvelles aides ne sont pas en faveur de l’électromobilité». Il ajoute: «Désormais, on stigmatise les personnes qui font le choix d’un véhicule 100% électrique d’une catégorie supérieure en leur disant qu’elles consomment trop.»

Pour rappel, . Au-delà d’une consommation de 18kWh/100km, la prime passe de 8.000 à 3.000 euros. Pour sa défense, Carole Dieschbourg (déi Gréng) a expliqué que 75% des véhicules 100% électriques immatriculés l’année dernière étaient en dessous de cette valeur. «C’est vrai, mais le ministère n’a pas pris en compte que, pour le moment, sur le marché, il existe seulement deux catégories de voitures électriques: les gros véhicules et les petits véhicules. Ce qui manque encore dans toutes les gammes des constructeurs, ce sont les voitures moyennes. C’est-à-dire la catégorie fournissant les gros volumes aux constructeurs. Une catégorie qui va arriver et qui sera au-dessus de cette valeur», explique Gerry Wagner. 

Une prime pour la Tesla, pas pour la Zoé

Déjà maintenant, cette valeur engendre certaines incohérences. «Sur les 1.500 voitures 100% électriques immatriculées l’année dernière, on y trouve un peu plus de 400 Tesla 3, un modèle à plus de 60.000 euros. Ce qui est très bien pour Tesla. Par ailleurs, on trouve des 208, des Mini, des Zoé et autres. Donc des petites voitures. Si l’on s’attarde sur les véhicules qui sont au-dessus des 18kWh/100km, on trouve un tiers de Zoé. Idem pour les Smart Forfour. Donc pour une Smart, on peut bénéficier d’une prime de seulement 3.000 euros, alors que pour une Tesla à plus 60.000 euros, l’automobiliste bénéficie de 8.000 euros», pointe Gerry Wagner. 

Si la tendance à l’électrique a pris de l’ampleur l’année dernière et cette année, une voiture électrique coûte entre 10.000 et 16.000 euros de plus qu’un modèle équivalent. Même avec la prime de 3.000 à 8.000 euros, la voiture électrique engendre encore un surcoût trop élevé pour la très grande majorité des automobilistes. «Pour le moment, il s’agit des ‘early adopters’ et des personnes aux convictions environnementales très fortes qui ont fait le choix de l’électrique. Ce n’est pas la majorité des automobilistes, qui, eux, se disent pourquoi pas, mais pas à ce prix. C’est en tout cas le retour du terrain. Certaines personnes du ministère vivent dans une bulle. Elles pensent que c’est gagné après avoir constaté une augmentation des voitures électrifiées. Mais l’engouement va ralentir, surtout sans incitatifs. C’est ça qui est dommage, d’autant plus que l’on a prévenu le ministère. Mais encore une fois, il vit dans une bulle. Il faut amener les gens vers l’électromobilité. Il ne faut pas les forcer au risque de les dégoûter», peste encore Gerry Wagner. 

En effet, les nouvelles aides sont limitées dans le temps, ce qui est également un problème, selon Gerry Wagner. «Les délais sont très longs pour les véhicules électriques du fait des problèmes d’approvisionnement des microprocesseurs. Il faut compter au moins six mois pour une voiture électrique», assure-t-il, alors que certaines aides sont conditionnées à une date d’immatriculation avant la fin de l’année.

Ne pas miser que sur l’électrique

Du côté de l’ACL, on regrette la stratégie du ministère de se focaliser sur l’électrique. «Des constructeurs, comme Porsche, travaillent sur des carburants de synthèse. Il y a également l’hydrogène qui pourrait être une solution. Le gouvernement est concentré uniquement sur l’électrique au détriment d’autres solutions réalistes. En ce qui concerne l’électrique, la question de l’infrastructure m’interpelle», lance , directeur de l'Automobile Club Luxembourg.  Le patron de l’ACL demande également des garanties sur le prix de l’électricité. «L’année dernière, le coût de l’électricité sur une borne Chargy est passé de 0,20 euro à 0,26 euro, soit une augmentation de 30%», souligne Jean-Claude Juchem. 

L’ambition du gouvernement est d’avoir un parc automobile d’ici 2030 avec 49% de voitures électriques. «C’est dans neuf ans, bientôt huit. Actuellement, sur le parking de l’ACL, je dispose de trois bornes de recharge. Si je souhaite en installer une quatrième, je dois investir dans un transformateur et entre 300.000 et 500.000 euros, car le réseau est sous-dimensionné dans notre zone à Bertrange. Le problème est le même à 300 mètres sur le parking de 1.500 places du City Concorde, qui dispose de six bornes, donc 12 points de recharge», pointe Jean-Claude Juchem. Ce dernier fustige le manque d’aides pour les entreprises voulant installer des bornes de recharge. Il pointe également clairement le problème d’infrastructures dans le pays, alors que le gouvernement persiste dans son ambition. «La SNHBM est en train de construire son plus grand projet près de Capellen. Le projet Elmen à Olm, avec 400 maisons unifamiliales et 400 appartements. Il est prévu seulement 20 bornes de recharge. Cela montre bien la problématique du réseau», lance le directeur de l’ACL.

Les décisions se prennent unilatéralement à la place de l’Europe au Kirchberg, sans concertation avec les acteurs, comme l’ACL qui pourtant ne demande qu’à participer à construire l’avenir de la mobilité. 
Jean-Claude Juchem

Jean-Claude Juchemdirecteur Automobile Club Luxembourg

Concernant cet objectif d’arriver à électrifier 49% du parc automobile luxembourgeois d’ici 2030, Jean-Claude Juchem propose un calcul. «Le gouvernement parle d’un objectif ambitieux. D’ici 2030, donc dans huit ans, il faudra remplacer 210.000 véhicules par des véhicules électriques, soit 26.250 nouvelles voitures électriques par an. Pour le moment, le nombre de nouveaux véhicules électriques est de 2.500. À chacun de considérer cela comme étant un objectif ambitieux ou réaliste», souligne Jean-Claude Juchem. 

Pour rappel, avant la pandémie, les nouvelles immatriculations étaient d’un peu plus de 50.000 unités. Dès maintenant, il faudrait donc qu’une voiture nouvellement immatriculée sur deux soit électrique. De plus, les véhicules électrifiés ne représentent que 3 à 4% du parc automobile pour le moment. «Si l’on se limite à l’électrique, l’objectif sera très difficile à atteindre. Au Luxembourg, du fait de sa taille, ce n’est pas la politique qui va décider avec quel type de véhicule l’on va rouler, mais bien l’industrie. Et c’est le marché, donc l’automobiliste, qui va accepter ce qui aura du succès ou non», insiste le directeur de l’ACL, qui compte 190.000 membres. 

Visiblement remonté, Jean-Claude Juchem termine en soulignant que, pour le moment, «les décisions se prennent unilatéralement à la place de l’Europe au Kirchberg, sans concertation avec les acteurs, comme l’ACL qui pourtant ne demande qu’à participer à construire l’avenir de la mobilité».