En 2020, Daniel Křetínský a cédé 53% de ses parts dans l’énergéticien tchèque détenues, via une société luxembourgeoise, à sa nouvelle holding tchèque pour 2,4 milliards d’euros. (Photo: EPH)

En 2020, Daniel Křetínský a cédé 53% de ses parts dans l’énergéticien tchèque détenues, via une société luxembourgeoise, à sa nouvelle holding tchèque pour 2,4 milliards d’euros. (Photo: EPH)

Jamais avares d’enquêtes sur l’optimisation fiscale au Luxembourg, les journalistes du Monde pourraient s’arrêter une minute sur les comptes d’un de leurs actionnaires, le Tchèque Daniel Křetínský, qui à l’occasion de la réorganisation de son groupe, a réalisé une belle opération fiscale en 2020.

Les quatre unités britanniques de production d’électricité de Daniel Křetínský lui ont fait perdre 23,1 millions d’euros l’an dernier, s’alarment les journalistes du Times, dans un article, ce lundi. Qu’ils se rassurent, le milliardaire tchèque poursuit son «marché», principalement selon deux axes, l’énergie et la grande distribution.

Rien que ses 9,99% dans Sainsbury’s, détenus via la luxembourgeoise Vesa Equity (qui abrite aussi des parts de Casino, Foot Locker, Macy’s, Royal Mail ou PostNL) ont compensé ce manque à gagner depuis que le géant des supermarchés est l’objet des convoitises des fonds d’investissement depuis fin août. Et ce n’est qu’une partie de l’image, comme en témoignent les comptes de ses sociétés luxembourgeoises.

Mi-décembre 2020, l’actionnaire du Monde que l’on a surnommé le «sphinx tchèque» a officialisé une réorganisation de son groupe déjà bien entamée dans le tintamarre du Covid. «Energetický a průmyslový Corporate Group (EPCG) acquerra progressivement les intérêts directs et indirects de Daniel Křetínský et de la direction d’EPH [la société holding actuelle, ndlr] dans les sociétés stratégiques susmentionnées, à savoir EPH (énergie), EPGC (vente en gros et cash & carry), CMI (médias), ECI (e-commerce), EPRE (immobilier). EP Corporate Group a déjà été créé et a son siège en République tchèque. EPH et tous les autres membres actuels et futurs du groupe EP continueront à mettre en œuvre le cloisonnement, étant financièrement séparés et indépendants», indique le communiqué de presse. «Les parts actuelles du top management d’EPH dans le groupe seront transformées en une part de 10,7% dans EPCG; les 89,3% restants, associés à la gestion de l’entreprise, resteront la propriété de Daniel Křetínský.»

Une nouvelle holding pour chaque horizon d’investissement

Et, de l’autre côté, «EP Equity Investment (EPEI) obtiendra progressivement le contrôle total de Vesa Equity Investment et donc indirectement également des participations minoritaires dans Royal Mail, Foot Locker, Casino Guichard Perrachon et Sainsbury’s. En outre, il a été convenu avec d’autres actionnaires de CMI qu’EPEI achètera également les actions ProSiebenSat.1 actuellement détenues par CMI. EPEI sera contrôlée par Daniel Křetínský et codétenue par Patrik Tkáč et la direction d’EPH.»

«L’incorporation d’EP Corporate Group et d’EP Equity Investment est une étape logique qui reflète le fait qu’une part de plus en plus importante de nos activités se situe en dehors du secteur de l’énergie. Dans cette situation, il est nécessaire de préciser qu’EPH a été et restera purement un service public d’énergie et n’est pas une entité qui investit dans d’autres segments. Dans le même temps, nous séparons les investissements stratégiques à long terme concentrés sous EPCG des positions de marché dans des sociétés cotées qui sont également principalement conçues comme à long terme, cependant, nous préférons conserver une flexibilité totale concernant l’horizon d’investissement et la gestion de ces positions de marché en général», explique Daniel Křetínský, président du conseil d’administration d’EPH et fondateur d’EP Corporate Group et d’EP Equity Investment.

 «En ce qui concerne la future stratégie d’EPCG, nous allons nous concentrer sur le développement des segments existants. De plus, le domaine-clé, géré directement par notre équipe de direction principale, restera bien entendu le secteur de l’énergie. Néanmoins, en ce qui concerne le fait que la croissance future se concentrera probablement davantage sur d’autres segments, le commerce de gros et de détail, y compris les activités hors ligne et en ligne, pourrait rapidement devenir un pilier avec une force économique similaire. Nous anticipons également le développement des investissements dans les médias. Nos activités immobilières se concentreront principalement sur le développement de nos propres sites libérés dans le cadre du développement d’autres sociétés du groupe, notamment EPH. Nous suivrons de près les opportunités de croissance dans le secteur de la logistique, où nous sommes déjà très actifs au sein d’EPH d’une part (navires, transport ferroviaire et routier de marchandises) et des activités de commerce électronique d’autre part.»

Gros bénéfice, petit impôt

Au Luxembourg, cette réorganisation s’est par exemple traduite par une augmentation des bénéfices reportés d’EP Investment de 809 millions d’euros en 2019 à 3,47 milliards d’euros l’an dernier. Les parts de la holding énergétique tchèque, Energetický a průmyslový, acquises pour 650 millions d’euros, ont ainsi été cédées à la nouvelle holding tchèque pour 2,4 milliards d’euros. La société, qui n’a pas d’activité au Luxembourg, mais donne du travail aux avocats et autres comptables (pour 211.000 euros, enregistrés en pertes annuelles), n’a eu besoin de s’acquitter que de 1,7 million d’euros d’impôt au Luxembourg en 2020, soit 0,07% de la valeur de la transaction.

Les chiffres-miroirs dans l’autre sàrl, EP Investment II, où est logé le reste des actions de l’énergéticien ne sont pas connus, ses résultats pour 2021 n’ont pas encore été déposés au registre du commerce. Tout comme les résultats des EP Equity Investments.