Pour Cyril Benier, les entreprises familiales peuvent constituer une perspective d’investissement attractive pour les investisseurs, mais il faut adopter une approche active pour en profiter. (Photo: Pictet AM)

Pour Cyril Benier, les entreprises familiales peuvent constituer une perspective d’investissement attractive pour les investisseurs, mais il faut adopter une approche active pour en profiter. (Photo: Pictet AM)

Sur le long terme, les entreprises familiales sont plus performantes que les entreprises non familiales. La surperformance par rapport à l’indice de référence MSCI AC World atteint 88%. Cyril Benier, en charge de la stratégie Family chez Pictet AM, nous parle de cette stratégie d’investissement.

«Les entreprises familiales sont très importantes pour la société», introduit Cyril Benier. «Elles sont la colonne vertébrale de l’économie mondiale. Elles contribuent à hauteur de 50 à 70% au produit intérieur brut de leur pays et emploient la majorité de la population active», poursuit le gérant. En Italie, par exemple, les entreprises familiales pèsent pour plus de 90% de l’emploi privé. Du côté de chez Pictet AM, on parle d’entreprise familiale dès lors qu’un fondateur ou qu’une famille détient 30% au moins des droits de vote, «un seuil considéré comme donnant le contrôle effectif d’une société».

Cet univers d’investissement est beaucoup plus large qu’on pourrait l’imaginer.

On considère «souvent, à tort», que les entreprises familiales sont des PME, voire des TPE dont le capital est fermé et inaccessible aux investisseurs. «30% des sociétés réalisant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard de dollars sont des sociétés familiales. Et MSCI estime que 20% du revenu global des actions vient de sociétés où une famille détient une part importante du capital», rectifie Cyril Benier. Pour qui l’univers d’investissement pour son fonds, Pictet-Family, comprend environ 500 valeurs réparties dans tous les segments de l’économie. «Les entreprises familiales sont sous-représentées dans les secteurs de la finance et de l’énergie – des secteurs à forte intensité capitalistique – et surreprésentées au niveau de la consommation, de l’innovation liée à la partie IT, dans les services de communication, ainsi que dans beaucoup de secteurs de l’industrie. L’univers est donc très diversifié. Et cela est également vrai en termes de capitalisation et de répartition géographique.»

Les raisons pour lesquelles les entreprises familiales se tournent vers les marchés et ouvrent leur capital sont multiples. Les principales sont pour financer leur croissance, pour faciliter le retrait de certains membres de la famille pouvant souhaiter se retirer et, enfin, pour honorer leurs éventuelles obligations fiscales en matière de droits de succession. 

Capital socioémotionnel

À quoi attribuer la surperformance attachée aux entreprises familiales? «D’abord à l’activisme des actionnaires. Les familles sont des actionnaires très engagés au sein d’un capital», estime Cyril Benier, qui parle de «richesse socioémotionnelle particulière à des actionnaires qui amènent in fine une meilleure performance économique à long terme».

«La valeur entrepreneuriale est au cœur du sujet. Il y a la volonté d’innover, de créer une entreprise, de la développer et de la transmettre aux générations suivantes qui, elles, vont d’abord vouloir protéger cet actif, puis la développer avec succès pour ensuite la transmettre à la génération suivante. Tout cela donne une vision à très long terme de la gestion. L’objectif n’est pas de développer l’entreprise à 3-5 ans, mais de penser à la prochaine génération.» Autrement dit, la croissance est «disciplinée» et les profits sont plutôt affectés à l’investissement et au désendettement plutôt qu’aux dividendes et au salaire des dirigeants. S’ils peuvent être moindres par rapport aux entreprises «classiques», les dividendes ont l’avantage d’être constants. 

Résultat: les sociétés familiales cotées affichent une croissance des revenus plus solide que celle de leurs homologues, et donc une performance supérieure pour les actionnaires. Les sociétés familiales ont également des bilans plus conservateurs avec près de 20% d’endettement en moins et génèrent également des marges plus élevées.

Valeurs de qualité et de croissance

Conséquence de cette stratégie de «développement à petits pas», les entreprises familiales résistent mieux en temps de crise. «On a pu le constater durant la pandémie», indique Cyril Benier. En sortie de crise, les sociétés familiales sortent renforcés grâce à un bilan solide et un réinvestissement plus fort que les non-familiales ce qui leur permet de gagner des parts de marchés. Elles ont de facto tendance à surperformer en bourse excepté pendant la période courte de fort rebond cyclique du PIB. Pour lui, cela est principalement dû au fait que les entreprises familiales ont en général moins des valeurs cycliques avec des bilans détériorés que des valeurs de qualité et de croissance.

La performance n’est pas uniquement financière. Pour ce qui est de la performance ESG et de la durabilité, Cyril Benier ne relève pas une différence fondamentale avec les entreprises classiques. Mais il insiste sur le fait que les entreprises familiales sont très sensibles aux risques de controverse et de leur impact sur l’image de la famille.

Pour bien profiter de ces opportunités, Cyril Benier insiste sur l’importance de la gouvernance. «Certaines familles d’actionnaires dominants peuvent avoir des particularités qui peuvent se révéler néfastes aux entreprises, comme le népotisme et la tendance à confondre le patrimoine familial et la richesse de l’entreprise. C’est pourquoi il faut avoir une approche d’investissement qui permette de tenir compte des spécificités des cultures familiales.»