Guy Verhofstadt regrette que les Européens n’aient pas été aussi efficaces que les Américains dans les réformes à apporter suite à la crise financière de 2009. (Photo: Paperjam)

Guy Verhofstadt regrette que les Européens n’aient pas été aussi efficaces que les Américains dans les réformes à apporter suite à la crise financière de 2009. (Photo: Paperjam)

Le coordinateur du Parlement européen pour le Brexit était de passage jeudi à Luxembourg. Guy Verhofstadt voit dans la sortie du Royaume-Uni la chance d’un sursaut pour le projet européen. À condition de mener des réformes dans deux, voire trois ans.

Ne lui demandez pas de ne pas parler du Brexit. Invité jeudi 10 octobre par l’association des professionnels de l’immobilier, Luxreal, pour s’exprimer sur les enjeux européens, Guy Verhofstadt n’a pu s’empêcher de digresser en début d’intervention sur son sujet quasi quotidien: la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

L’ancien Premier ministre belge, figure de proue des eurodéputés libéraux, a aussi endossé le rôle de coordinateur du Parlement européen pour le Brexit. Avec sa verve caractéristique, il n’hésite pas à donner son avis sur l’État de l’UE.

Pour livrer un diagnostic quelque peu manichéen, l’homme politique belge a effectué un comparatif: ce que les Européens et les Américains ont été capables d’entreprendre après la crise financière de 2009. «Les Américains ont été capables de lancer une fusée à trois étages en neuf mois – remettre à plat les banques, un programme d’investissement et des mesures d’assouplissement quantitatif –, alors que nous sommes encore occupés avec cela en Europe neuf ans plus tard.»

La règle de l’unanimité comme obstacle

Et de se demander comment une telle lenteur est possible. «Nous ne sommes pas préparés à la prochaine crise financière qui arrivera, sans savoir quand, ni quelle sera son origine. Nous n’avons pas une Union qui est effective», ajoute Guy Verhofstadt.

Son souhait: que chacun se raccroche à un agenda ambitieux, commun… qui passera par une certaine acceptation du compromis. Et donc par la fin de la règle de l’unanimité. «Vous ne pouvez pas gérer un continent sur base de la règle de l’unanimité», tance Guy Verhofstadt. «Si l’Europe veut survivre, elle doit se départir de cette règle dans tous ses ressorts politiques et en partie en matière économique et monétaire.»

Le gouvernement luxembourgeois appréciera. Lui qui défend l’unanimité comme rempart pour préserver le Grand-Duché d’intérêts contraires aux siens, en provenance notamment de plus grand pays dans des matières comme la fiscalité.

L’Europe produit les datas, les États-Unis en tirent des profits.

Guy Verhofstadtdéputé européen

S’appuyant sur ce qu’il estime être une réussite, à savoir la politique commerciale de l’UE, Guy Verhofstadt en appelle à finaliser ou à mettre en place de réels marchés intégrés dans le secteur bancaire, de l’énergie ou encore des télécoms.

«L’Europe produit les datas, les États-Unis en tirent des profits», observe-t-il encore. La faute selon lui à un morcèlement de la législation et de la régulation qui freine les projets paneuropéens ambitieux. Sans parler des projets avortés de création de champions industriels européens dans un monde dominé par ce qu’il qualifie «d’empires», comme les États-Unis, la Chine ou encore l’Inde.

D’une confédération à une véritable union?

Face à l’Europe qui piétine et aux enjeux nationaux parfois contradictoires, Guy Verhofstadt prévient: «Si nous ne réussissons pas dans deux, voire trois ans à changer de cap, nous verrons le retour du populisme, ce qui pourrait signifier la fin de l’Union européenne.»

Le salut viendra-t-il, une fois de plus, de l’urgence ou de l’absurde? En début d’intervention, l’homme politique déclarait devant les 200 personnes présentes que le Brexit avait créé un sursaut pro-européen. Non pas pour l’Union européenne dans son fonctionnement actuel, mais bien pour un projet commun.

«Les prédictions de Nigel Farage (figure de proue des ‘leave’ au moment du référendum britannique de 2016) qui pensait que d’autres pays allaient suivre le mouvement ne se sont pas réalisées», se félicite M. Verhofstadt.

Mais le retour entre-temps du populisme et des extrêmes, voire l’accession au pouvoir de ses représentants en Autriche ou encore en Italie, ne plonge pas, loin de là, le libéral flamand dans l’euphorie. Il pose plutôt une question en forme d’agenda politique: «Serons-nous capables, dans les prochaines années, après le Brexit, après la crise financière et migratoire, de transformer l’Union européenne en véritable union, alors qu’aujourd’hui il s’agit d’une confédération d’États?»

L’ultimatum est posé. Guy Verhofstadt a certainement aussi sa part de responsabilité dans la situation actuelle qu’il décrit. Et la possibilité, à son niveau, de faire évoluer la situation.