Alexander Kristiansen et Marianne Jacobs de l’ANF travaillent à la protection du castor et à son avenir au Luxembourg. (Photo: Jess Bauldry)

Alexander Kristiansen et Marianne Jacobs de l’ANF travaillent à la protection du castor et à son avenir au Luxembourg. (Photo: Jess Bauldry)

L’un des plus grands défenseurs de la nature au Luxembourg travaille sans relâche toute l’année sans recevoir de salaire: le castor. Ses collègues de l’Administration de la nature et des forêts expliquent pourquoi le retour du castor est si important pour la biodiversité.

Je suis face à un castor dans le sous-sol de l’Administration de la nature et des forêts, l’ANF, à Diekirch. Mon ami en peluche fait partie d’une douzaine d’animaux qui ont été empaillés et montés à des fins pédagogiques. «Ils ont tous été retrouvés morts», rassure Marianne Jacobs de l’ANF. Après avoir été chassé jusqu’à l’extinction pour sa fourrure, sa chair et son «geil», une sécrétion glandulaire curative, il y a deux siècles, la seule façon de voir un castor au Luxembourg, jusqu’à récemment, était sous forme empaillée ou photographiée.

Grâce aux efforts déployés pour réintroduire le castor d’Europe dans les pays voisins et interdire la chasse, leur nombre a augmenté pour atteindre 600 à 800 individus au Luxembourg, passant de neuf sites, ou familles, signalés en 2009 à 80 aujourd’hui. C’est une bonne nouvelle, et pas seulement si vous êtes un castor.

«Les castors ont le plus grand impact de toutes les espèces sur la biodiversité», explique Alexander Kristiansen, qui dirige une équipe sur le terrain pour l’ANF. «Nous disons qu’un castor est comme un ingénieur néerlandais avec ses barrages, un bûcheron norvégien et un ouvrier portugais. Ils savent exactement comment scanner le paysage et, avec le moindre effort, construire un barrage pour inonder quelques hectares.»

Un barrage de castors et un marécage, en Slovaquie.  (Photo: Shutterstock)

Un barrage de castors et un marécage, en Slovaquie.  (Photo: Shutterstock)

Les barrages, explique-t-il, constituent leur habitat: les castors se sentent en sécurité dans l’eau et ils doivent élever le niveau pour que l’entrée de leur gîte soit submergée. À partir du barrage, ils peuvent également construire un canal jusqu’à un arbre sur lequel ils peuvent faire flotter le bois. «Une fois que vous construisez un barrage, les zones sont inondées, les arbres meurent, les oiseaux nichent dans ces arbres qui deviennent des hôtels pour les insectes. Vous avez une végétation différente qui est bonne pour les poissons et qui filtre l’eau», explique Alexander Kristiansen. Ils permettent même de limiter l’impact des inondations naturelles, car les barrages ralentissent le débit de l’eau en aval. «Même un demi-mètre peut faire une grande différence», affirme Marianne Jacobs.

L’appellation «espèce-clé» est logique. Et pourtant, les castors restent massivement méconnus au Luxembourg, c’est pourquoi l’ANF fait un gros travail de sensibilisation.

«Beaucoup de gens pensent que les castors ne se trouvent qu’au Canada», explique M. Kristiansen. À moins de savoir ce qu’il faut chercher, il est peu probable que vous en voyiez un dans la nature, même s’il peut atteindre 1,3 mètre de long, queue comprise.

M. Kristiansen a récemment été contacté par un homme qui a vérifié la maison de ses parents alors qu’ils étaient en vacances et a constaté que des arbres récemment plantés avaient été complètement abattus. «Il ne savait pas ce que c’était, car il ne savait pas que nous avions des castors ici!».

Comment ne pas aimer le «biber»? (Photo: Jess Bauldry)

Comment ne pas aimer le «biber»? (Photo: Jess Bauldry)

«Personne ne craint le castor»

La plupart du temps, le castor bénéficie de bonnes relations publiques grâce à son apparence. «Personne ne craint le castor. Pour nous, ils ont l’air mignons, et c’est plus facile de les protéger», explique Mme Jacobs.

Néanmoins, il existe des tensions. Il y a environ 15 ans, une communauté de castors à Larochette a été empoisonnée. Des personnes mal informées agissent à tort par crainte que les castors abattent tous les arbres ou privent les pêcheurs de poissons – sans compter que les castors sont végétariens.

Le plus grand risque réel pour les personnes est le creusement de tunnels, qui peut entraîner l’effondrement de terres agricoles ou la chute d’arbres sur les routes ou les voies ferrées. Dans ces cas-là, M. Kristiansen cherchera des solutions par le biais d’incitations à ne pas cultiver la parcelle de terre située à côté d’une voie navigable, par exemple, ou par l’achat de terres. Les meilleures solutions impliquent que les propriétaires fonciers s’engagent d’une manière ou d’une autre, par exemple en plantant une culture dont les castors peuvent se nourrir. Un agriculteur qui a suivi ce conseil «a emmené sa famille voir les castors, et maintenant, ils les adorent. C’est la meilleure stratégie; quand vous emmenez les enfants et que leurs yeux brillent, le père ne peut plus rien dire», sourit M. Kristiansen.

Une menace moins facile à maîtriser est la météo. Les deux membres de l’ANF pensent que les inondations des 14 et 15 juillet ont tué tous les castors âgés de moins d’un an. Un mécanisme de survie chez les jeunes fait qu’ils «flottent comme un bouchon» lorsqu’ils sont placés dans l’eau. Mais comme les huttes se sont remplies d’eau, les jeunes auraient été piégés à l’intérieur et se seraient très probablement noyés. L’ampleur des pertes ne sera pas connue avant le prochain contrôle, à l’automne. On craint maintenant que les pluies torrentielles et les inondations ne se reproduisent plus fréquemment, ce qui pourrait déstabiliser cette espèce-clé.

Où voir un castor au Luxembourg

Le dernier lac de Kockelscheuer est un site bien établi pour les castors. Sinon, téléchargez l’et entrez «castor» dans le moteur de recherche pour trouver les sites de castors signalés. Le meilleur moment pour repérer un castor de loin est l’automne, lorsque la végétation est moins dense et que les sites sont donc plus accessibles.