Trop peu d’artistes profitent de la manne de 131 milliards de dollars du streaming. De quoi aiguiser les appétits de nouveaux acteurs comme ANote Music… quitte à passer par les NFT pour attirer des artistes. (Photo: Shutterstock)

Trop peu d’artistes profitent de la manne de 131 milliards de dollars du streaming. De quoi aiguiser les appétits de nouveaux acteurs comme ANote Music… quitte à passer par les NFT pour attirer des artistes. (Photo: Shutterstock)

Et si le leader mondial du streaming musical, Spotify, se faisait doubler par le développement des NFT, ces objets numériques bien plus rentables pour la grande majorité des artistes que les revenus du streaming?

Tout va bien pour Spotify. Avec 356 millions d’utilisateurs, dont 158 millions prêts à payer pour écouter un des 70 millions de morceaux disponibles, et à raison de 40.000 nouveaux morceaux de musique par jour, le leader mondial du streaming a quasiment deux fois plus de parts de marché que son dauphin, Apple Music.

Tout allait bien pour Spotify, en réalité. Parce que les artistes, payés quelques millièmes d’euros par stream, ne s’y retrouvent pas. Sur 1,6 million d’artistes présents sur la plateforme, 57.000 d’entre eux concentrent 90% des streams et 16.000 empochent 90% des revenus, certes en hausse à 5 milliards de dollars en 2020 (contre 3,3 milliards d’euros en 2017), mais cela laisse beaucoup de monde sur le bord de la route. Même la récente manifestation de certains d’entre eux, aux États-Unis, pour réclamer une revalorisation de leur revenu par stream, a fait sourire les analystes: si Spotify doublait la mise, cela ne changerait rien pour eux.

Apple, qui a bien compris les enjeux, notamment le besoin d’avoir une masse de musique pour attirer des clients, a annoncé elle-même qu’elle paierait 1 centime de dollar par stream, deux fois plus que son concurrent.

Les droits de Vianney vendus depuis Luxembourg

Comment gagner plus pour les exclus? D’abord en confiant ses droits musicaux à ces plateformes d’un nouveau genre, qui les considèrent comme un asset financier. Au Luxembourg, poursuit son développement. La start-up, encore au Technoport il y a peu, commercialise des droits d’EL Éditions, comme les morceaux de Vianney ou de Boulevard des Airs.

«L’industrie musicale profite d’une période de croissance, car l’augmentation du volume du streaming dépasse à présent la diminution de celui des ventes physiques. Il est estimé que le marché mondial de l’industrie musicale pourrait atteindre 131 milliards de dollars d’ici 2030, soit le double de sa valeur de 2017. Ces perspectives encourageantes, ainsi que l’attrait universel de la musique, expliquent pourquoi la classe d’actifs alternatifs que constituent les droits musicaux devient de plus en plus populaire à l’échelle de la planète», se réjouit déjà Marzio F. Schena, fondateur et CEO d’ANote Music.

«Depuis 2018, le catalogue musical d’EL Éditions génère des redevances supérieures à 300.000 euros par an. Les 5% de son flux de redevances d’édition, mis aux enchères pour 60.000 euros, fixent la cotation à un multiple d’entrée de 7 sur les redevances des 12 derniers mois, ce qui donne un rendement attendu pour les investisseurs de 7,07%», promet ANote dans son communiqué de presse. «La liste elle-même a une maturité de 10 ans et donne une exposition à une opportunité de croissance remarquable, avec un retour des activités de tournée, ainsi que l’inclusion de pistes futures. Les premières distributions sont attendues dans les trois mois suivant la date de clôture des enchères.»

Algorand, la blockchain qui monte

Mais le deuxième développement, annoncé cette semaine, est nettement plus spectaculaire, même s’il est encore difficile à comprendre pour le grand public. La start-up a décidé d’utiliser la blockchain d’Algorand pour commercialiser aussi des NFT, ces objets d’art numériques uniques très à la mode pour… les artistes en manque de redevances ou de ventes de leurs œuvres. Le marché des NFT a bondi l’an dernier à 350 millions de dollars.

L’artiste canadien . pour son premier album en NFT. Au point que d’autres stars – sur le retour – comme Snoop Dogg ou Lionel Richie s’y intéressent aussi.

 Une des huit pièces proposées par Snoop Dogg pour son «A journey with the Dogg» dans sa première série de NFT. (Photo: Crypto.com)

 Une des huit pièces proposées par Snoop Dogg pour son «A journey with the Dogg» dans sa première série de NFT. (Photo: Crypto.com)

Lancée par l’Italien Silvio Micali, lauréat du prestigieux prix Turing – considéré comme le prix Nobel de l’informatique – et professeur au MIT, Algorand, star de la récente première Luxembourg Blockchain Week, est en passe de régler quelques problèmes majeurs des blockchains utilisées pour miner du bitcoin ou de l’ether. Mais il faut pousser la porte un peu plus: au lieu de s’extasier de la possibilité de posséder un NFT (une session acoustique inédite, un morceau absent d’un album, des photos exclusives signées par les membres d’un groupe, etc.), Algorand a pris un autre pari avec la Société italienne des auteurs et des éditeurs (SIAE): représenter les droits d’auteur comme des actifs numériques. 

Fin mars, Algorand a créé 4 millions de NFT pour les 95.000 artistes italiens membres de la SIAE. «Assurer la protection de la créativité est la mission du SIAE depuis 139 ans, et ce projet démontre que notre objectif est de continuer à la garantir pour les 139 prochaines années», a déclaré Gaetano Blandini, directeur général du SIAE. «Nous ne sommes pas intéressés par la construction d’infrastructures technologiques pour générer des profits. Au lieu de cela, notre objectif a été et sera toujours de créer de la valeur ajoutée pour nos membres. C’est pourquoi nous pouvons nous permettre de parler d’infrastructures ouvertes et de mettre à disposition tout notre savoir-faire. La technologie blockchain est définitivement un volet intéressant à explorer en raison de sa transparence et de son efficacité – de par sa conception – des fonctionnalités, qui sont fondamentales pour ceux qui, comme nous, gèrent le salaire du travail acharné des autres.»

Car la différence est là. Pour l’instant, les NFT ne donnent pas accès aux droits des artistes eux-mêmes. Sauf si une évolution venait à mettre en place un dispositif réglementaire. ANote Music se retrouverait au premier plan… à condition d’étoffer son catalogue de droits musicaux, le nerf de la guerre. 

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