Si le marché «second hand» est considéré comme tendance et est très développé dans des villes européennes comme Berlin, Bruxelles ou Porto, le Luxembourg reste très en retard dans ce domaine. (Illustration: Maison Moderne)

Si le marché «second hand» est considéré comme tendance et est très développé dans des villes européennes comme Berlin, Bruxelles ou Porto, le Luxembourg reste très en retard dans ce domaine. (Illustration: Maison Moderne)

L’industrie textile, bloquée dans une logique de surconsommation court-termiste, est parmi les plus polluantes de la planète. À défaut de pouvoir la réformer, un des leviers est de sensibiliser le consommateur et de l’inciter à s’habiller de manière plus «durable».

11.000 litres d’eau pour produire un jeans: le chiffre est effrayant. Il n’est pourtant pas une exception dans le monde de l’industrie textile. Si l’on prend en compte l’intégralité de la chaîne de production – qui comprend plus d’une centaine d’étapes –, il s’agit d’une des industries les plus polluantes et les plus émettrices de CO2 au monde.

Certains chiffres sont parlants: la fabrication de nos vêtements est responsable de 20% de la pollution de l’eau dans le monde, selon la Banque mondiale. La culture du coton – la ressource la plus utilisée – est la plus grande consommatrice de pesticides, avec 11% de la totalité des pesticides utilisés dans le monde, pour seulement 2,5% de la surface agricole mondiale. Et en 2015, 78% de la superficie cotonnière mondiale était plantée de semences génétiquement modifiées.

Logique linéaire

C’est sans compter les étapes suivantes: transport, emballage, et même ce qui advient après l’achat, à savoir les lavages récurrents (qui relâchent quantité de microparticules dans l’environnement) et le devenir final en tant que déchets, qui terminent brûlés ou dans des décharges.

«La logique est linéaire: on achète beaucoup, on utilise peu et on jette», synthétise Ana Luisa Teixeira, responsable de la campagne «Rethink your clothes» chez Caritas. Cette campagne, réalisée par Caritas et Fairtrade Lëtzebuerg et diligentée par le ministère des Affaires étrangères, vise à sensibiliser aux enjeux sociaux et environnementaux de l’industrie textile.

Complexe recyclage

Agir sur les habitudes du consommateur semble, du moins à court terme, le chemin le plus direct pour répondre à l’urgence climatique. Car, côté production, «le changement de l’industrie ne va pas se produire du jour au lendemain», admet Ana Luisa Teixeira.

Et le recyclage, qui semble une solution à portée de main, est un processus complexe. «Actuellement, il est impossible de recycler un jeans ou un t-shirt», explique Ana Luisa Teixeira. «Ils sont composés de coton, de polyester et de différentes matières. Or, pour recycler, il ne faut qu’une seule matière.»

Il s’agit en outre d’un processus industriel qui n’est pas neutre d’un point de vue environnemental. Si «toutes les alternatives sont utiles», , par exemple, a un impact lourd en CO2.

Acheter moins et mieux

C’est donc sur le consommateur que la campagne «Rethink your clothes» dirige ses efforts. «En tant que citoyens, nous avons un rôle important à jouer», insiste Ana Luisa Teixeira. Et l’enjeu n’est pas des moindres: «Une grande partie des 9,5 millions de tonnes de textiles que les citoyens de l’UE achètent chaque année est jetée avant même d’être portée. Et plus de 30% de ce qui pend dans nos armoires n’a pas été porté depuis au moins un an», informe ainsi le communiqué de la campagne.

En premier lieu, le consommateur doit acheter moins. Mais aussi acheter mieux, c’est-à-dire des produits labellisés ou de seconde main. Côté label, la chaîne d’approvisionnement est si longue que, bien souvent, il reste très difficile de la retracer dans son intégralité. Mais certains labels sont très rigoureux – entre autres, le label GOTS, un label international pour le textile biologique, aussi intégré dans la législation européenne.

Plus localement, pas moins de 25 acteurs au Luxembourg proposent des vêtements et accessoires certifiés Fairtrade et recommandés par l’ONG, qui assure que l’empreinte écologique de son coton est cinq fois moindre que la moyenne.

La seconde main locale

La seconde main est aussi une solution viable – mais seulement si elle reste locale. Or, si ce marché est considéré comme tendance et est très développé dans des villes européennes comme Berlin, Bruxelles ou Porto, «le Luxembourg est très en retard» dans ce domaine, déplore Ana Luisa Teixeira. «C’est encore une découverte dans le pays. La fonction sociale du vêtement reste très ancrée au Luxembourg. Tout comme l’idée que la seconde main est quelque chose de vieux et de sale persiste», explique-t-elle.

Récemment, des pop-up stores comme PardonMyCloset ou des événements comme VinoKilo à Luxexpo ont malgré tout rencontré du succès. «Cela commence à changer», remarque Ana Luisa Teixeira, même s’«il manque peut-être des étudiants pour vraiment tirer le marché vers le haut».

Réparer ses vêtements

Au-delà de mieux ou moins consommer, l’autre méthode consiste à faire durer ses vêtements plus longtemps, en les réparant, en les donnant, en les échangeant, ou même en les transformant avec l’upcycling. Caritas va d’ailleurs ouvrir un nouveau local dans le centre-ville de la capitale, selon un concept proche des «Repair Cafés», chers à l’économie circulaire, mais dédié aux vêtements: ateliers de couture ou expos-ventes de créateurs durables et éthiques permettront ainsi d’accompagner le citoyen qui le souhaite vers une consommation plus raisonnable.

Reste à savoir si de telles initiatives seront suffisantes pour inverser la tendance, qui prend la direction inverse. Ces 15 dernières années, la consommation de vêtements a augmenté de 60%, pour une durée de vie divisée par deux, et avec la possibilité d’en acheter deux fois plus pour quatre fois moins cher…

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Green, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité verte au Luxembourg.