Le quartier du Dernier Sol à Luxembourg est en complète transformation. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Le quartier du Dernier Sol à Luxembourg est en complète transformation. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

L’îlot situé entre la route de Thionville et la rue Dernier Sol, à Luxembourg-Bonnevoie, est en phase de reconversion profonde. Plusieurs projets sont en cours sur ces parcelles, dont certains comprenant de l’habitat.

Depuis plusieurs années, le quartier de la gare est en mutation. Il y a eu le grand projet «Porte de Hollerich» qui aboutit aujourd’hui dans le projet Nei Hollerich, ainsi que le projet (concours remporté en 2005 par JSWD Architekten + Planer BDA – Atelier d’architecture Chaix & Morel Associés), qui ne s’est jamais concrétisé. Pour rappel, ce projet prévoyait de recouvrir les voies et la Rocade par un parc public qui aboutissait à Bonnevoie. Ce projet a, pendant longtemps, contraint le redéveloppement de l’îlot Dernier Sol, situé entre la route de Thionville et la rue du Dernier Sol, juste de l’autre côté des voies de chemin de fer.

Pendant 18 ans, les propriétaires des terrains sur cet îlot ont essayé de développer un nouveau Plan d’Aménagement Particulier (PAP) et plusieurs urbanistes y ont travaillé d’arrachepied, mais sans succès, entre autres parce que la découpe urbaine demandée par la Ville de Luxembourg ne trouvait pas de correspondance avec le parcellaire. Le temps passant, la Ville de Luxembourg a fait le deuil du projet Gare de 2005 et a lancé la refonte de son Plan d’Aménagement Général (PAG). Le déploiement du tram et de son tracé sont également entrés dans la discussion et ont fait bouger les lignes.

C’est ainsi qu’en 2017, une toute nouvelle constellation était en place. ProGroup a été mandé par un groupement de propriétaires pour piloter l’élaboration du PAP dont le développement urbanistique a été confié à Laruade architecte et urbaniste. Le travail à mener avec les différentes administrations concernées par les infrastructures et la voirie a été confié au bureau d’ingénieurs-conseils Icone.

Vue de l’îlot concerné par le PAP Dernier Sol à Luxembourg-Bonnevoie. (Photo: Google Earth)

Vue de l’îlot concerné par le PAP Dernier Sol à Luxembourg-Bonnevoie. (Photo: Google Earth)

Un contexte difficile

L’environnement de ce PAP, d’une superficie de 1,02ha, est marqué par un contexte particulier et hétérogène. À commencer par la présence très marquée de différentes infrastructures de transport, comme la voie de chemin de fer des CFL pour accéder à la Gare Centrale (la gare est à 750m), le débouché de la rocade sud d’accès au centre-ville et le carrefour avec la route de Thionville (N3).

De plus, il faut compter que le tram est prévu le long de cette N3 et que celle-ci doit faire l’objet de réaménagement pour accueillir les nouveaux rails ainsi qu’une piste cyclable.

À cela s’ajoute un ensemble d’équipements publics ou parapublics dont les utilisateurs sont très variés, puisqu’on parle de la Piscine de Bonnevoie, d’un centre culturel, de la Bannanefabrik, de la Fixerstuff, du centre d’accueil et d’hébergement d’urgence Ulysse de Caritas…

Point positif, le quartier présente déjà de nombreux commerces et on peut dire qu’une vie de quartier existe. Il faut toutefois souligner que le tissu bâti est lui aussi hétérogène, avec des maisons en bande et des immeubles résidentiels, d’autres disqualifiés, des entrepôts ou des garages sans valeur architecturale parfois en attente de reconversion ou encore des terrains assimilables à des friches. Ce PAP est donc, en quelque sorte, un trait d’union entre le tissu morcelé par les infrastructures de transport et un quartier urbain vivant et bigarré.

De nouveaux objectifs

L’objectif de ce nouveau PAP est d’apporter une nouvelle qualité urbaine à cet îlot, de proposer de nouvelles offres d’habitat, tout en conservant le caractère mixte du quartier et de créer de nouveaux espaces de rencontres. Il faut répondre toutefois à plusieurs défis, comme se rattacher au bâti existant, dialoguer avec la route de Thionville et le passage du tram, désenclaver le cœur d’îlot, trouver une solution pour que la rue du Dernier Sol ne soit pas un cul-de-sac, et déterminer une gestion de l’eau conforme aux attentes de l’administration concernée. Ceci tout en satisfaisant les intérêts de multiples propriétaires.

Pour parvenir à cela, il a été décidé de désenclaver le cœur d’îlot en créant une nouvelle rue, d’y placer des bâtiments d’habitation de manière perpendiculaire pour profiter d’une bonne orientation, et de créer une placette en bout d’îlot pour faire le lien avec l’arrêt du tram, encadrée par des bâtiments de tête avec des commerces ou services en rez de ville.

Partie graphique du PAP Dernier Sol (Illustration: Laruade architecte et urbaniste)

Partie graphique du PAP Dernier Sol (Illustration: Laruade architecte et urbaniste)

Après toutes ces années de travail et de rebondissement, le nouveau PAP a été accepté en juin 2019. Au total, il représente 18.982m2 de surface constructible brute et 35% de la surface des terrains est consacrée à la voirie (ce qui est conséquent puisqu’en moyenne il s’agit plutôt de 25%). Depuis, le développement des terrains a pu commencer et les changements commencent aujourd’hui à être visibles.

De nouveaux acteurs

Certains propriétaires ont choisi de revendre leur terrain et Eaglestone s’est positionné sur l’ensemble des terrains à l’exception d’un lot. Ce développeur a choisi d’y développer le projet dénommé «Brooklyn» et dont la mission architecturale a été confiée à M3 architectes. 

Voici à quoi ressemblera la nouvelle rue passant au cœur du projet Brooklyn mené par Eaglestone. (Illustration: Eaglestone)

Voici à quoi ressemblera la nouvelle rue passant au cœur du projet Brooklyn mené par Eaglestone. (Illustration: Eaglestone)

Le long de la nouvelle ruelle, quatre résidences vont être construites, représentant une surface cumulée d’environ 6.000m2. Au bout, au niveau de la placette, se développera un immeuble administratif de 4.500m2. Enfin, en liaison avec le bâti existant, ce sera un ensemble mixte de 2.800m2 avec commerces, bureaux et logements. Au total, sept nouveaux bâtiments avec 120 unités de logement – dont du logement à coût modéré – verront le jour. Ce seront principalement des petites surfaces d’habitation qui seront construites, répondant ainsi aux besoins actuels du marché résidentiel en ville.

C’est aussi le bureau M3 Architectes qui concevra le lot sept appartenant à un propriétaire privé. Il est prévu d’y développer un immeuble administratif de 4950m2 bruts avec peut-être du commerce au rez-de-chaussée, l’ensemble étant entièrement voué à la location. Ainsi, sans être identique, une cohérence architecturale se dégagera des nouvelles constructions sur l’ensemble des huit lots qui composent le PAP.

L’aménagement paysager de la placette est confié à l’ingénieur paysagiste Carlo Mersch. 

Des alentours aussi en mutation

Le développement se poursuit aussi en dehors du PAP Dernier Sol. En face des résidences développées par Eaglestone, le terrain a été vendu à Creahaus qui prévoit d’y réaliser un projet, mais sur lequel nous n’avons pas pu avoir plus d’informations.

 La résidence entrera prochainement en commercialisation.

The Agency construit également deux nouvelles résidences, Elidia au 65, route de Thionville et Teva au 122, route de Thionville qui seront livrées respectivement au 1er trimestre 2023 et au 1er trimestre 2024.

Malgré les rumeurs, les concessions Losch ne semblent pas avoir prévu de quitter les lieux, ou ne souhaitent pas le confirmer pour le moment. Et le déménagement de la Fixerstuff ne semble pas non plus avoir beaucoup progressé. À moyen ou long terme, le front de la route de Thionville sera aussi certainement amené à être remodelé.

Cet article est issu de la newsletter hebdomadaire Paperjam Architecture + Real Estate, le rendez-vous pour suivre l’actualité de l’architecture et l’immobilier au Luxembourg. Vous pouvez vous y abonner