Guy Hoffmann: «La digitalisation nous procure des opportunités tout autant que des défis. Un des défis de taille est de protéger le système financier.» (Photo: Mike Zenari / archives)

Guy Hoffmann: «La digitalisation nous procure des opportunités tout autant que des défis. Un des défis de taille est de protéger le système financier.» (Photo: Mike Zenari / archives)

Dix ans après la crise, force est de constater que l’Union européenne fonctionne. C’est la leçon la plus importante que nous pouvons tirer. En un temps record, les partenaires européens se sont accordés sur une protection accrue pour les épargnants et un renforcement du système de surveillance du système financier. Ils ont parlé d’une voix au plan international en vue de renforcer l’intégrité du système financier. 

Tout en soutenant les objectifs des réglementations, la communauté bancaire a regretté à plusieurs reprises la façon dont les différentes législations ont été modelées, développées, introduites et articulées les unes par rapport aux autres. La réglementation est nécessaire pour protéger le système financier, les consommateurs et les investisseurs. Mais il faut aussi veiller à ne pas trop impacter la capacité des banques à financer la croissance.

Le bilan du gouvernement DP-LSAP-Déi Gréng

Alors que les électeurs seront amenés à se rendre aux urnes, il faut reconnaître que ce gouvernement a débuté avec la volonté de changement et d’innovation. Le souhait de moderniser le Luxembourg a été palpable. Un souhait d’ailleurs partagé par les acteurs de la place financière. En 2013, le ministère des Finances avait une charge titanesque devant lui.

Notre grande force et notre plus grand gain ont toujours été de tisser des relations internationales.

Guy Hoffmann, président de l’Association des banques et banquiers (ABBL)

À l’instar des banques, le changement réglementaire, dérivé de la législation européenne et internationale, battait de plein fouet. Des dizaines de nouvelles directives ont dû être implémentées dans des délais souvent relativement restreints. S’y ajoutaient la digitalisation et ses effets sur notre écosystème, l’emploi et les consommateurs.

Sans parler des défis en matière environnementale. Compte tenu des ressources disponibles au ministère des Finances, le résultat a été remarquable. Je ne dis pas que nous avons été contents de chaque mesure prise. Mais notre grande force et notre plus grand gain ont toujours été de tisser des relations internationales. Et ce fut, ces dernières années, un succès. Il faut continuer dans cette direction. 

Des souhaits à formuler

À l’aune de la prochaine mandature, nous formulons plusieurs souhaits, à commencer par le renforcement des ressources du ministère des Finances. Ce ministère-clé pour nous emploie des personnes hautement compétentes. Mais pas suffisamment nombreuses à nos yeux pour faire à face à un nombre de défis croissant.

Nous souhaiterions que plus de ressources soient allouées au ministère des Finances.

Guy Hoffmann, président de l’Association des banques et banquiers (ABBL)

Compte tenu de l’importance du secteur pour notre pays, nous souhaiterions que plus de ressources soient allouées au ministère des Finances. J’ai eu l’occasion d’accompagner plusieurs missions financières organisées par Luxembourg for Finance sous le leadership du ministre des Finances.

Ce sont des rencontres tellement importantes pour le développement de notre place financière, un secteur économique primordial pour notre pays, que le ministre devrait avoir encore plus de ressources et de temps pour se consacrer au développement de nos relations internationales, tellement sa présence est bénéfique à tous les niveaux de ces rencontres et entrevues.

Pour cette raison, nous plaidons pour un poste de secrétaire d’État pour épauler le ministre dans des dossiers nationaux. Nous souhaiterions également voir un renforcement du Haut Comité de la place financière en tant que laboratoire de développement et d’amélioration des produits et services dont les acteurs de la place financière ont besoin. 

Des défis du secteur

Car les banques ne manquent pas de défis. Elles sont de plus en plus confrontées à une pénurie de talents. Nous ressentons lourdement la concurrence déloyale sur le marché du travail entre le secteur privé et public. Nous cherchons des spécialistes et talents pour affronter les défis, mais aussi pour explorer et façonner les opportunités qui se créent.

L’Université du Luxembourg devrait prendre plus en considération les besoins du marché du travail.

Guy Hoffmann, président de l’Association des banques et banquiers (ABBL)

Ce qui s’avère très dur si vous concurrencez un secteur public, qui paie jusqu’à 30% de plus de salaires de départ. Un autre sujet étroitement lié au précédent et qui nous tient à cœur est la flexibilité insuffisante du droit du travail actuel. Celui-ci n’est plus adapté au monde d’aujourd’hui et constitue un frein à l’établissement d’entreprises étrangères au Luxembourg.

Finalement, pour rester dans le domaine du travail, la formation académique est également un facteur-clé. L’Université du Luxembourg devrait prendre plus en considération les besoins du marché du travail national. Notre constat est actuellement que l’Université n’enseigne pas assez ni de façon suffisamment ciblée dans ces domaines importants pour nous. Cela doit changer.

De l’éducation financière

Outre les cursus, il est primordial d’inculquer une culture de l’éducation financière de la population. Le Luxembourg ne fournit pas les connaissances de base, que ce soit dans l’enseignement fondamental ou secondaire, pour comprendre le contexte économique. Qu’est-ce que l’argent? Comment puis-je éviter de tomber dans un piège de surendettement? Quels sont les taux fixes, quels sont les taux d’intérêt variables?

Une éducation financière accrue pourrait également améliorer l’orientation professionnelle des étudiants.

Guy Hoffmann, président de l’Association des banques et banquiers (ABBL)

Ces connaissances de base sont sous-développées chez nous. La «Woch vun de Suen» de l’ABBL souhaite attirer l’attention sur cette situation. De telles actions devraient être institutionnalisées. Dans l’enseignement secondaire, une éducation financière accrue pourrait également améliorer l’orientation professionnelle des étudiants et constituer un début afin de réduire les difficultés rencontrées par le secteur financier dans la recherche de talents. 

Une transformation digitale à accompagner

Autre sujet-clé pour l’avenir: la digitalisation nous procure des opportunités tout autant que des défis. Un des défis de taille est de protéger le système financier. Le gouvernement et les acteurs de la Place ont investi dans des ressources humaines et financières considérables afin de protéger le système financier.

Selon une étude récente de l’Autorité bancaire européenne, près de 40% des nouveaux entrants restent en dehors du champ d’application de toutes les réglementations, ce qui entraîne des risques pour le secteur des services financiers, et par conséquent pour ses clients.

Il est donc important à mes yeux de garantir que tous les prestataires de services financiers, indépendamment de leur origine, soient réglementés et supervisés de manière égale pour garantir des conditions de concurrence équitables. Les mêmes services, comportant les mêmes risques, devraient être soumis aux mêmes règles et à la même supervision.

Nous avons trop de taxes différentes.

Guy Hoffmann, président de l’Association des banques et banquiers (ABBL)

Simplifier le système fiscal

Notre système fiscal ne doit pas être oublié dans les discussions post-élections à venir, car il doit être fondamentalement revu et simplifié. Nous avons trop de taxes différentes. L’impôt sur la fortune, par exemple, est une relique qui devrait être abolie. Cet impôt pénalise une entreprise qui investit. Il est très difficile d’expliquer aux investisseurs étrangers notre système fiscal compliqué.

Et n’oublions pas le taux global d’imposition des collectivités, qui est aussi un facteur important pour les investisseurs. Le débat sur la réduction du taux global d’imposition est important! Il s’agit de mieux positionner le pays par rapport à nos concurrents directs. Le taux moyen au sein de l’UE, à savoir 21%, nous paraît constituer le maximum admissible en matière d’imposition des entreprises. Je suis surpris que seulement deux partis politiques mentionnent ce sujet important dans leurs programmes électoraux.

Du futur de la Place

Dix ans après la crise, force est de constater que la place financière est solide et dispose de bonnes bases sur lesquelles nous pouvons construire des solutions innovantes. Il y a des développements notables dans le secteur de la fintech ou dans l’important domaine de la finance durable, où le Luxembourg s’est fait connaître sur la scène internationale.

Si chacun est prêt à faire face aux nombreux défis d’aujourd’hui et de demain et à travailler ensemble de manière constructive, je vois des opportunités pour un développement positif et durable de notre centre financier et du pays. En tant qu’acteur social, l’ABBL souhaite prendre ses responsabilités et contribuer à ce changement.