Dans un horizon encore à déterminer, le Royaume-Uni quittera l’Union européenne. Conséquence directe du choix des électeurs britanniques qui ont choisi à 51,9% de reprendre leur indépendance vis-à-vis de Bruxelles, la décision prise le 23 juin aura un impact sur l’ensemble de l’économie européenne. Au-delà de la chute des cours des Bourses européennes et la dévaluation de la livre sterling observées vendredi, le Brexit devrait faire perdre des plumes à bon nombre de pays, dont le Luxembourg. Avec son économie ouverte, le pays possède ainsi «une vulnérabilité» parmi les plus élevés au sein de l’UE selon Standard and Poor’s qui estime à 73,3% du PIB les avoirs luxembourgeois placés à la City. Seule l’Irlande serait plus exposée aux conséquences concrètes du Brexit, à en croire l’agence de notation américaine.

Selon Fitch, le Grand-Duché exporte ainsi plus de 8% de ses biens et services vers le Royaume-Uni. Mais si certains analystes évoquent les risques pour le pays, d’autres voient dans cette situation nouvelle des opportunités. Notamment celle de voir venir s’implanter de nouvelles structures financières sur la Place, suite aux restrictions imposées par Bruxelles à la City, prochainement en-dehors du marché unique européen. Même mineur à l’échelle de ce qui est encore la plus grande place financière européenne, tout mouvement vers le Grand-Duché afin de bénéficier du passeport européen aurait un impact conséquent au niveau local.

Quelques jours avant le référendum, l’ABBL indiquait que le pays allait «jouer la carte du headquartering» à destination principalement des établissements spécialisés dans la gestion de fortune et les fonds d’investissement. L’activité de banque d’affaires, elle, serait laissée à d’autres centres financiers, tel que Paris. Selon The Times, HSBC et J.P. Morgan auraient ainsi envisagé un transfert d’activités sur les rives de la Pétrusse. De 143 établissements bancaires actuellement, leur nombre pourrait ainsi grossir dans les mois à venir. Et qui sait, peut-être s’approcher du niveau enregistré au milieu des années 1990, âge d’or du secteur bancaire en termes de nombre d’entités présentes sur le sol luxembourgeois.

Vendredi, jour de publication des résultats officiels du référendum, les différents acteurs de la Place - Alfi et ABBL en tête - ont fait valoir leur souhait d’une «clarification politique rapide» destinée à lever les incertitudes jugées peu propices à la mise en place du «level playing field» si cher au Luxembourg depuis l’affaire LuxLeaks. Impossible à prévoir, le mouvement d’implantation d’établissements bancaires ne devrait cependant pas engendrer l’arrivée massive de nouveaux acteurs sur la Place, plusieurs analystes tablant sur quelques centaines de personnes le long de l’avenue Kennedy ou du Boulevard Royal. De quoi compenser, voire légèrement dépasser en nombre, le départ des fonctionnaires européens britanniques, appelés eux à prendre le chemin inverse.

Présents au sein du secrétariat général du Parlement européen (quelque 140 personnes), de la Cour des comptes européenne (environ 50), de la Cour de justice de l’Union européenne (entre 50 et 100) et de la BEI (220), ces sujets de Sa Majesté devraient, dans un avenir plus ou moins proche, être amenés à faire leur valise. Cependant, les conséquences de ce retrait devraient aller bien au-delà du fonctionnement des différentes institutions européennes puisqu’il pourrait impacter l’école européenne. En constante hausse ces dernières années, les sections anglophones devraient également voir le nombre d’enseignants britanniques, envoyés par Londres en raison de ses obligations vis-à-vis de Bruxelles, nettement se réduire. La question de l’enseignement de l’anglais par des professeurs insulaires élevés dans la langue de Shakespeare pourrait également impacter le système scolaire luxembourgeois.

Selon une enquête du ministère de l’Éducation nationale, publiée en février 2016, l’offre de scolarisation des enfants de salariés expatriés en anglais est jugée essentielle. 51% des sondés jugent ce critère primordial. Bien que secondaire, ce problème pourrait prendre de l’ampleur dans les années à venir en lien direct avec le besoin du pays en spécialistes ICT, dans la plupart des cas anglophones. Au 1er janvier 2016, le nombre de citoyens britanniques sur le sol luxembourgeois s’établit à quelque 6.100 personnes sur les 576.250 que comptait le pays.