Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenzini: «Un bon conseil d’administration doit être composé d’une diversité de compétences à même de challenger le CEO et son comité exécutif et de travailler dans l’intérêt de toutes les parties prenantes d’une organisation.»  (Photo: DR)

Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenzini: «Un bon conseil d’administration doit être composé d’une diversité de compétences à même de challenger le CEO et son comité exécutif et de travailler dans l’intérêt de toutes les parties prenantes d’une organisation.»  (Photo: DR)

Dans le cadre du 10x6 Women on board organisé par le Paperjam Club le jeudi 27 février, l’une des oratrices, Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenzini (independent director and independent advisor) partage ses réflexions autour de la place des femmes dans les conseils d’administration.

Quel a été votre parcours pour devenir administratrice? Avez-vous rencontré des difficultés pour atteindre cette fonction? Lesquelles?

. – «Avant de devenir administrateur, j’ai effectué l’essentiel de ma carrière auprès de PwC. J’ai commencé comme assistante d’audit, je suis devenue associée en 1987, en charge du bureau de Luxembourg. Lors de la fusion entre Coopers&Lybrand et Price Waterhouse, les associés des 2 cabinets (tous des hommes) m’ont élue managing partner, fonction que j’ai occupée jusqu’en 2007.

Parallèlement à ma responsabilité de managing partner de PwC Luxembourg, j’étais également responsable de la coordination des services PwC au secteur d’activité Investment Managment pour EMEA, puis coresponsable Ressources humaines au niveau global, et à ce titre, membre du Comité exécutif global de PwC. Dès l’annonce de mon départ de PwC, j’ai été contactée par plusieurs sociétés pour être leur conseiller ou entrer dans leur conseil d’administration.

C’est ainsi que j’ai rejoint le cabinet d’avocats Arendt & Medernach en tant que conseiller du comité de direction, et que je suis rentrée au Conseil d’administration de Kneip Communication. Au fil des années, mes mandats ont évolué, et je suis aujourd’hui administrateur et président du comité d’audit de plusieurs sociétés financières à Luxembourg, ainsi que d’associations et de fondations à but non lucratif.

Je n’ai eu aucune difficulté à occuper des fonctions d’administrateur. Mon expérience dans l’audit, dans la gestion du plus grand cabinet d’audit et de conseil de Luxembourg, et mes responsabilités au niveau global, ainsi que mon âge, m’y ont conduite assez naturellement.
Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenzini

Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenziniindependent director and independent advisor

Je n’ai eu aucune difficulté à occuper des fonctions d’administrateur. Mon expérience dans l’audit, dans la gestion du plus grand cabinet d’audit et de conseil de Luxembourg, et mes responsabilités au niveau global, ainsi que mon âge, m’y ont conduite assez naturellement. Ceci étant, j’ai encore eu droit très récemment, lors de ma nomination au Conseil d’une importante Banque de la Place, à un: ‘Tu as eu le mandat parce que tu es une femme.’ Les préjugés ont décidément la vie dure… à moins que ce ne soit de la jalousie!!

Au quotidien, quels sont vos principaux combats?

«Pas sûre d’avoir vraiment des combats, à part gérer mes conflits d’agenda et refuser des mandats d’administrateur, car j’ai l’impression que tout le monde recherche des femmes pour rejoindre un CA… mais évidemment, avec beaucoup d’expérience et peut être une carrière semblable à celle d’un homme! Ceci étant, je suis très engagée dans le support des femmes.

C’est ainsi que j’ai créé et développé au fil des années un réseau de femmes dans le monde des affaires au Luxembourg ‘Women in business’, dont le but est de partager nos expériences et de nous entraider dans le développement de nos carrières. Je suis également engagée dans une association qui œuvre en faveur de l’éducation des filles au Cambodge, ‘Toutes à L’École’.

Pourquoi est-il important d’apporter de la diversité dans les conseils d’administration, et quels conseils donner aux femmes qui aimeraient rejoindre un conseil d’administration?

«La problématique des femmes dans les conseils d’administration n’est pas une question de diversité. C’est une question de juste place des femmes et d’équilibre dans le monde du travail et de la société. Les femmes représentent 50% de la population mondiale et 50% de la population active dans le monde.

Aujourd’hui, plus personne n’ose poser la question de la place des femmes dans le domaine économique, et beaucoup de sociétés se sont organisées, ou s’organisent, pour qu’elles puissent y occuper leur place à part entière, et donc logiquement, elles devraient occuper 50% des postes d’administrateur dans les conseils. Le monde politique et les services publics y sont pratiquement parvenus en imposant des quotas et des objectifs clairs sur lesquels on communique.

Les femmes ne manquent pas de compétences, bien au contraire, mais elles hésitent encore trop souvent à le faire savoir et à utiliser les bons leviers et réseaux.

Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenziniindependent director and independent advisor

C’est le cas au Luxembourg, dans les entreprises publiques, où l’État a réussi à imposer 40% de femmes dans les conseils. Aujourd’hui, la BCE, le FMI ou la Commission européenne ont à leur tête une femme.

Concernant les conseils: aux femmes, bien sûr, mais surtout aux hommes, car ce sont eux qui ont encore très souvent le pouvoir de choisir et de proposer des femmes ou des hommes au Conseil.

Je commencerais donc par mes conseils aux dirigeants: avoir une politique de ressources humaines qui permette à tous les talents d’accéder aux plus hautes responsabilités dans leurs organisations.

Mes conseils aux femmes: depuis quelques années, les Conseils d’administration ont bien évolué et ne sont plus de simples comités d’enregistrement pour lesquels on se cooptait entre soi, et donc très souvent entre hommes.

Un bon Conseil d’administration doit être composé d’une diversité de compétences à même de challenger le CEO et son comité exécutif et de travailler dans l’intérêt de toutes les parties prenantes d’une organisation. Les femmes ne manquent pas de compétences, bien au contraire, mais elles hésitent encore trop souvent à le faire savoir et à utiliser les bons leviers et réseaux pour accéder aux comités exécutifs, ce qui les amènera plus naturellement aux Conseils d’administration.»

Les inscriptions au 10x6 Women on board sont ouvertes .