Pour Paul Smillie: «Les marchés sous-estiment d’autres risques systémiques potentiellement plus graves pour l’économie chinoise.» (Photo: Columbia Threadneedle Investments)

Pour Paul Smillie: «Les marchés sous-estiment d’autres risques systémiques potentiellement plus graves pour l’économie chinoise.» (Photo: Columbia Threadneedle Investments)

Les experts l’annoncent pour bientôt, les professionnels du secteur s’y préparent. La prochaine secousse financière est-elle vraiment inévitable? La réponse de Paul Smillie, analyste marchés obligataires chez Columbia Threadneedle Investments.

Ces dernières semaines, la menace d’une guerre commerciale sino-américaine a monopolisé l’actualité et inquiété les marchés. La Chine en a particulièrement fait les frais, l’indice Shanghai Composite ayant perdu environ 10% par rapport à ses niveaux d’avril1.

Si la menace d’un conflit commercial est incontestable, nous avons cependant le sentiment que les marchés sous-estiment d’autres risques systémiques potentiellement plus graves pour l’économie chinoise, à savoir l’expansion rapide et inquiétante de la dette chinoise ces dernières années.

La croissance chinoise accuse un net ralentissement: à plus de 14% par an avant la crise financière, elle est aujourd’hui inférieure à 7%, une contraction notable pour la deuxième économie mondiale2. Les autorités ont réagi en ouvrant les vannes du crédit, stimulant ainsi l’économie en favorisant le recours à l’emprunt. Plus cette expansion du crédit se prolonge, plus cette stratégie perd en efficacité et la croissance de la dette devient insoutenable.

Prenons le ratio crédit/PIB, qui rapporte le volume de crédit à la taille de l’économie. Certains estiment qu’en Chine, ce ratio est monté à environ 300% depuis la crise financière, en partant d’une base proche de 150%.

Évolution de l’encours de crédit total par rapport au PIB en Chine. (Source: Banque populaire de Chine (PBOC), China Trustee Association, HKMA, BRI, CEIC, Wind, données d’entreprises, Autonomous Research, Bloomberg, estimations de Columbia Threadneedle, mai 2019)

Évolution de l’encours de crédit total par rapport au PIB en Chine. (Source: Banque populaire de Chine (PBOC), China Trustee Association, HKMA, BRI, CEIC, Wind, données d’entreprises, Autonomous Research, Bloomberg, estimations de Columbia Threadneedle, mai 2019)

Au total, le secteur bancaire chinois représente 36.000 milliards de dollars, soit environ 3,5 fois plus qu’en 20083. Les chiffres sont vertigineux.

Selon notre analyse, si un renflouement des établissements bancaires s’imposait à Pékin, cela propulserait les niveaux de la dette par rapport au PIB à plus de 70%, contre environ 48% actuellement. Ce ratio resterait globalement conforme à celui enregistré par bon nombre d’États occidentaux, mais un tel cap ne serait pas anodin. Les marchés peuvent donc s’attendre à des fluctuations encore plus marquées que celles qu’engendrent actuellement les craintes d’une guerre commerciale sino-américaine.

1 Bloomberg, juin 2019.

2 «Why the world is unprepared for the economic dangers ahead», New Statesman, 6 mars 2019.

3 Emerging Advisors Group, «Just How Big is China’s Financial System?», Crystal Cheng, janvier 2018/Autonomous Research/PBOC mars 2019.