Pour Philippe Ledent: «Dans une économie financiarisée comme l’est l’économie mondiale actuellement, les conséquences financières sont toujours à redouter.» (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne/Archives)

Pour Philippe Ledent: «Dans une économie financiarisée comme l’est l’économie mondiale actuellement, les conséquences financières sont toujours à redouter.» (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne/Archives)

Les experts l’annoncent pour bientôt, les professionnels du secteur s’y préparent. La prochaine secousse financière est-elle vraiment inévitable? La réponse de Philippe Ledent, expert economist chez ING Belgique-Luxembourg.

Près de onze ans après la chute de Lehman Brothers, la crise économique et financière est encore dans toutes les mémoires. Une question demeure donc à l’esprit: quand aura lieu la prochaine crise?

De l’humilité…

Restons humble: on parle ici du futur, et par essence, le futur est incertain. Prédire avec précision où et quand interviendra la prochaine crise est simplement impossible. Et celui qui y arriverait aurait juste eu de la chance. Concrètement, il existe à tout moment des éléments sociaux, politiques et économiques pouvant justifier une crise économique et/ou financière.

Le défi de la prévision économique n’est donc pas de repérer «les éléments» qui peuvent engendrer une crise. Cette tâche est triviale, car il y en a tout le temps. Non, le défi est d’estimer leur probabilité et comprendre comment ils pourraient se combiner avec les conditions macroéconomiques pour générer une crise économique.

… et de l’analyse…

Justement, sur le plan purement conjoncturel, il est indéniable que l’économie mondiale est dans une phase de ralentissement. Même si cette phase peut durer longtemps, elle devrait inévitablement mener à une récession, et ce, sans qu’un choc négatif soit nécessaire. De plus, le fait que l’économie mondiale ne soit pas au mieux de sa forme l’expose davantage aux conséquences négatives d’éventuels chocs: tensions commerciales, Brexit, crise de l’endettement du secteur privé américain ou chinois.

Ceci étant, d’autres éléments soutiennent l’économie. On pense notamment à l’attitude particulièrement prudente des banques centrales. Elles semblent vouloir agir pour éviter une dégradation supplémentaire de la situation économique. Or, le niveau des taux est un élément crucial de la «dangerosité» d’une crise: c’est notamment en raison de taux élevés qu’un endettement important et un ralentissement économique peuvent mener à une crise financière. Les taux devraient rester très bas cette fois. Ce n’est pas une garantie contre une crise financière, mais c’est un élément très important dont il faut aussi tenir compte pour évaluer le risque d’une nouvelle crise.

… pour forger une conviction

En prenant en compte l’ensemble de ces éléments, on peut partir du principe que le cycle économique devrait tôt ou tard «mourir» dans les 18 prochains mois. On pourrait alors enregistrer des taux de croissance négatifs. Toute tentative de prolonger artificiellement le cycle (par des impulsions monétaires ou fiscales) ne ferait que retarder l’échéance, mais sans plus.

Cette récession mènera-t-elle nécessairement à une crise financière similaire à celle de 2008? Dans une économie financiarisée comme l’est l’économie mondiale actuellement, les conséquences financières sont toujours à redouter. Mais n’oublions pas que la régulation bancaire a évolué, et surtout que la configuration des taux d’intérêt est très différente, ce qui diminue clairement le risque d’un tsunami financier. Le voyant en la matière est donc à l’orange, mais pas au rouge.