Romain Schneider: «Il reste un fort potentiel de réduction de la différence entre l’âge légal et l’âge effectif de départ à la retraite.» (Photo: Nader Ghavami/Archives)

Romain Schneider: «Il reste un fort potentiel de réduction de la différence entre l’âge légal et l’âge effectif de départ à la retraite.» (Photo: Nader Ghavami/Archives)

Le système des pensions n’est pas dans une situation inquiétante, selon le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider (LSAP). Si aucune réforme n’est sur la table actuellement, le gouvernement dit vouloir rester attentif, tout en veillant à préserver les revenus des retraités au regard du niveau de vie «très élevé» au Luxembourg.

L’Ageing Working Group de la Commission européenne prévoit que les dépenses des pensions vont passer de 9,2% du PIB en 2019 à 18% en 2070 au Luxembourg. Soit la plus forte hausse au sein de l’Union européenne. Cela vous inquiète-t-il?

– «Un tel rapport est toujours important. Mais l’échéance est encore lointaine. L’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) fait également des rapports, tous les 5 ans, sur une période de 10 ans, qui reflètent bien la situation des pensions au niveau national. Or, le moment où le taux de 24% concernant les dépenses serait dépassé n’arriverait pas en 2025, mais en 2027 ou 2028, ou peut-être même encore plus tard. Et l’épuisement des réserves est actuellement prévu en 2070. C’est tout de même une longue période. Or, nous avons bien vu par le passé, notamment lors de la pandémie, à quel point les recettes et les dépenses peuvent parfois vite varier.

Donc je ne suis pas tellement inquiet. ­D’autant qu’au 31 décembre 2020, la réserve était presque de 24 milliards d’euros, ce qui représente 4,8 an­nées de dépenses qui sont couvertes sans dépenser un euro de cotisations. C’est tout de même une situation agréable à gérer: si, avec le temps, nous voyons qu’il y a une diminution des recettes ou une augmentation encore plus poussée des dépenses, nous pouvons réagir à temps.

Aucune réforme n’est donc prévue?

«Au niveau du programme gouvernemental, une réforme des pensions n’est pas prévue. Mais le gouvernement doit bien sûr rester attentif. Cela est d’ailleurs prévu dans la loi sur les pensions où nous avons fixé que, tous les 5 ans, l’IGSS doit présenter un rapport. Le prochain rapport sera d’ailleurs établi au ­premier trimestre 2022. Il sera discuté au sein du gouvernement et il lui reviendra de ­décider s’il est nécessaire de mettre en place un groupe de travail technique sur les pensions, afin d’analyser quelles pourraient être les mesures à prendre pour garder l’équilibre pour les années à venir.

La Commission européenne propose, pour maintenir cet équilibre, de faire passer l’âge légal de la retraite de 65 à 72 ans. Cela vous paraît-il envisageable?

«Je suis plutôt sceptique. Il faut noter que l’âge effectif de départ à la retraite a déjà augmenté ces dernières années à une moyenne de 61,3 ans. Mais il reste encore un fort potentiel de réduction de la différence entre l’âge légal et l’âge effectif. Par ailleurs, si je prends un salarié dans une entreprise de construction, qui a un travail assez lourd, je ne vois pas ­comment il pourrait encore repousser son âge de départ au-delà de 65 ans. Lors de la réforme de 2012, nous avons mis en place une formule hybride, avec la possibilité, lorsqu’on est à la retraite, de continuer à travailler. Ce sont des modèles qui pourraient être exploités.

Le 1er pilier est très généreux au Luxembourg. Cela doit-il être remis en question dans les prochaines années?

«Il faut des pensions correctes vu le niveau de vie très élevé au Luxembourg. Et la majorité des pensions est à un niveau correct. Il ­faudrait cependant pouvoir réfléchir à augmenter les pensions de bas niveau.

Certaines pensions s’élèvent parfois à plus de 9.000 euros. Est-ce le rôle de l’État de prendre en charge de tels montants?

«Le système est basé sur la solidarité: ceux qui paient aujourd’hui des cotisations paient aussi les pensions de demain. Dans ce sens, il faut plafonner, ce que nous avons fait. Or ce plafond n’est pas exagéré, il est à un niveau correct par rapport aux salaires qui sont payés.

Les 2e et 3e piliers, qui concernent les régimes complémentaires de pension, sont par ailleurs sous-développés. Ne s’agit-il pas d’un levier pour réduire les dépenses?

«C’est sûrement un moyen. Nous avons fait une réforme de la pension complémentaire des entreprises il y a quelques années, en adaptant le montant déductible des impôts et en donnant des incitatifs pour le 3e pilier. Mais tout le monde n’a pas les moyens de cotiser pour une pension complémentaire en dehors de son salaire. Donc le 1er pilier doit être fort pour permettre à chaque citoyen de vivre dans les meilleures conditions.

La trajectoire du portefeuille du Fonds de compensation (FDC), qui gère la réserve des pensions, se situerait entre 2°C et 3°C, selon le rapport d’investisseur responsable 2020 du FDC. Comment expliquez-vous cette contradiction avec la politique climatique du pays?

«Le FDC a été créé pour gérer la réserve des pensions dans l’optique d’avoir un rendement effectif avec une diversification pour minimiser le risque. Il faut donc un équilibre entre cette diversification d’un côté et des investissements durables de l’autre. Mais il faut savoir que 1,6% des investissements du FDC va vers le secteur des énergies fossiles, ce qui est minime. Je crois donc que le Fonds gère la réserve d’une manière très durable et très responsable.»

Cet article a été rédigé pour l’ parue le 25 novembre 2021.

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