En Chine, WeChat, non seulement app de messagerie mais aussi de paiement, est dotée d’un million de mini-services pour que les utilisateurs n’aillent jamais chercher ce dont ils ont besoin ou envie ailleurs. (Photo: Shutterstock)

En Chine, WeChat, non seulement app de messagerie mais aussi de paiement, est dotée d’un million de mini-services pour que les utilisateurs n’aillent jamais chercher ce dont ils ont besoin ou envie ailleurs. (Photo: Shutterstock)

Avec une moyenne de 43 applications téléchargées sur chaque smartphone en 2020, l’idée de la super app, lancée en 2010, revient avec force sur le tapis. Chez PayPal ou Revolut, pourtant à des années-lumière de WeChat la méconnue.

Une application de messagerie pour attirer l’utilisateur, une application de paiement pour le fidéliser et un million de mini-applications pour «l’inviter» à ne jamais quitter l’écosystème: bienvenue sur WeChat, la super app chinoise largement méconnue dans le monde occidental… parce que la plupart de ces applications auxquelles l’utilisateur peut accéder sans n’avoir rien à télécharger de plus ne sont pas disponibles ailleurs que dans l’empire du Milieu.

Le modèle le plus avancé en dehors de Chine, qui en profite au passage pour collecter toutes les données dont il a besoin pour surveiller chacune de ses ouailles, est l’indienne Paytm, qui a levé en mai 3 milliards de dollars en bourse en Inde – un record historique – pour atteindre son objectif de servir 500 millions d’Indiens à court terme (environ 300 millions aujourd’hui). L’ancienne solution de recharge de téléphones mobiles n’a jamais cessé d’ajouter des services au fur et à mesure de ses développements, de la billetterie des bus au paiement de la scolarité des enfants en passant par l’achat d’or, le commerce en ligne, la plateforme de messagerie, les jeux mobiles ou la gestion mobile de patrimoine. Signe de l’intérêt qu’elle représente, PayPal et Google ont tour à tour essayé de lui faire des misères sans y parvenir: elle compte Softbank, Berkshire Hathaway, Alibaba et Ant Financial/Alipay parmi ses investisseurs.

L’autre super app à surveiller est l’indonésienne Gojek, née comme une sorte de Uber à moto, et devenue une licorne – ces start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars l’an dernier – grâce à ses trois applications, une pour les utilisateurs, une pour les conducteurs et une pour les commerçants. Téléchargée à 190 millions de reprises dans quatre pays, elle compte 2 millions de conducteurs et près d’un million de commerçants autour de 20 services selon cinq axes, le transport et la logistique (GoRide, GoCar, GoBluebird, GoBox, GoSend, Go Transit), l’alimentation et le shopping (GoFood, GoShop, GoMall, GoMart), les infos et le divertissement (GoNews, GoTix, GoGames, GoPlay), les usages quotidiens (GoService, GoFitness et GoMed) et l’environnement (GoGreener Carbon Offset).

Des super apps sur de gros marchés

20 services contre un million pour le leader chinois, avouez qu’il existe encore une marge de progression. À la fois dans l’agrégation de services selon une UX éprouvée et disciplinée et quand on regarde les statistiques d’App Annie, selon lesquelles 248 millions d’applications ont été téléchargées dans le monde en 2020, soit plus de 40 par smartphone, et 143 milliards de dollars dépensés dans des apps mobiles (+20% en un an!).

Le point commun à toutes ces applications est le marché auquel elles s’adressent, des marchés en centaines de millions de clients potentiels et unifiés au niveau des règles (mais pas toujours des langues, Paytm a dû travailler sur la question spécifique des langues régionales indiennes). 

C’est sur cette caractéristique que le nouvel Eldorado des super apps prospère:  et sont «mobile first». Ce qui explique en particulier les résultats de la colombienne Rappi, qui a progressivement ajouté des couches de services à son idée de livraison de repas à domicile, avec le soutien financier des investisseurs originaux de Facebook et de Softbank. Il y a 10 jours, la société qui travaille dans neuf pays a levé 500 millions de dollars, qui la valorisent à plus de 5 milliards de dollars. Elle est présente dans 200 villes de neuf pays (Colombie, Brésil, Mexique, Argentine, Chili, Uruguay, Pérou, Équateur et Costa Rica) et compte plus de 7 millions d’utilisateurs en Amérique latine.

PayPal à coup de partenariats

Dans un univers très fragmenté, tandis que la vieille Europe se félicite qu’avec sa directive sur les services de paiement, des banques puissent ajouter de nouveaux services, deux acteurs ne cachent pas leurs ambitions: PayPal et Revolut, à des niveaux différents.

«Il y a trop d’applications financières. Ce qu’une super application veut faire, c’est transformer toutes ces applications distinctes en un écosystème connecté où vous pouvez rationaliser et contrôler les données et les informations entre ces applications, entre l’acte d’achat et l’acte de payer pour cela», a déclaré le CEO de PayPal, Dan Schulman. «Et puis vous avez cette plateforme commune et des données communes qui permettent à l’apprentissage automatique et à l’intelligence artificielle de démarrer et de donner des recommandations personnalisées à ces consommateurs.»

En déployant sa vision de la super app que PayPal entend devenir à coup de partenariats, M. Schulman a indiqué qu’il ne s’agissait «pas seulement» d’inclure «n’importe quelle institution financière, carte de crédit, carte de débit, ACH, mais nous inclurons également des éléments tels que le rachat de points de récompense, l’utilisation de la cryptomonnaie comme instrument de financement, l’utilisation de devises numériques émises par la Banque centrale, lorsque cela deviendra une réalité.»

S’il n’a pas indiqué comment il comptait nouer ces partenariats, PayPal représente 377 millions de comptes qui effectuent en moyenne 42,7 paiements, qui lui ont permis de générer plus de 21 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour un bénéfice de plus de 5 milliards.

De son côté, Revolut, valorisée à 33 milliards de dollars, a entamé un pas de côté par rapport à son focus sur les services financiers: Stays permet aux Britanniques, pour l’instant, de réserver un hôtel ou un hébergement sans quitter l’application et de toucher 10% de ristourne. L’opération de «cashback» pourrait en tenter plus d’un de quitter Booking, Expedia ou TripAdvisor. Après un lancement en Europe dans les mois qui viennent, les fonctionnalités seront progressivement étendues aux vols, aux locations de voiture et à d’autres options de voyage.

L’idée de la super app est née en 2010 du fondateur de BlackBerry, Mike Lazaridis, qui décrivait la super app, à ce moment-là, comme «un écosystème fermé de nombreuses applications que les gens utiliseraient tous les jours parce qu’elles offrent un environnement transparent, intégré et contextualisé et une expérience efficace». Selon lui, elle doit aussi répondre à une triple exigence: être inclusive, avoir un niveau de responsabilité sociale très élevée et assurer la confidentialité des données.