Frédéric Hessler: «Je représente à la fois des œuvres d’artistes décédés, mais aussi d’artistes vivants dont l’œuvre est moins connue, pas estimée à sa juste valeur.» (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

Frédéric Hessler: «Je représente à la fois des œuvres d’artistes décédés, mais aussi d’artistes vivants dont l’œuvre est moins connue, pas estimée à sa juste valeur.» (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

Depuis plus de 20 ans, Frédéric Hessler est actif sur le marché de l’art au Luxembourg. Avec sa galerie située à Belair, dans la capitale, la Galerie F. Hessler, il a pignon sur rue, mais il intervient aussi en coulisse en tant que courtier et expert.

Tout commence alors que Frédéric Hessler est à la fin de son adolescence. Issu d’une famille luxembourgeoise, l’art a toujours fait partie de son quotidien. «Mes parents m’ont emmené voir des expositions ou visiter des musées tout au long de mon enfance. J’ai baigné dans cet univers dès mon plus jeune âge, se souvient Frédéric Hessler. À la maison, il y avait toujours des magazines et des livres d’art.» Après ses études au lycée à Luxembourg, Frédéric Hessler cherche un peu sa voie, mais s’aperçoit vite que l’art compte beaucoup dans sa vie et fait partie de ses intérêts. Dans Le Journal des Arts, il voit alors une publicité pour l’IESA et découvre que cette école propose des cours à la fois sur l’histoire et le marché de l’art. Cela l’intéresse, et il décide de partir à Paris pour suivre cette formation.

«J’ai trouvé ces années d’études absolument passionnantes! Nous avions l’occasion de côtoyer de grands noms du secteur et de nous plonger pleinement dans cette discipline si riche.» Il profite de ces années parisiennes pour fréquenter de manière très assidue les salles de vente, Drouot en particulier. «J’ai beaucoup appris à l’hôtel des ventes, j’y ai vu des milliers de tableaux. À cette époque, il était possible de tout prendre en main, de voir le dos des tableaux. J’y passais des heures et regardais tout ce que je pouvais. J’ai beaucoup appris aussi au contact des experts qui venaient à Drouot.»

Le marché et l’histoire de l’art

À côté de cet apprentissage sur le tas, il plonge en profondeur dans l’étude des carrières ­d’artistes. Il admire Yves Klein, Francis Bacon, Alberto Giacometti, Amedeo Modigliani… Il visite aussi les expositions et les musées et acquiert de solides bases en histoire de l’art. «Je me suis rendu compte que, pour exercer dans ce secteur, il vaut mieux avoir une solide base en histoire de l’art. Sans cela, vous n’êtes pas crédible et vous ne pouvez pas bien faire votre métier.» Mais le goût du marché prend le dessus. «Je me suis vite pris au jeu du marché, avoue-t-il. Rapidement, j’ai acheté des petites pièces, que je revendais par la suite. Je me suis forgé une petite expérience.»

Une fois son diplôme en poche, il revient au Grand-Duché et peaufine ses connaissances et son expérience auprès de galeristes installés à Luxembourg: Christiane Worré à la galerie La Cité et Jean Aulner à la Galerie de Luxembourg. Mais, en 1999, il décide de voler de ses propres ailes et crée Art Collection. «Mon objectif avec cette entreprise était de devenir marchand et de développer mon réseau à partir de Luxembourg. Mais je n’hésitais pas non plus à beaucoup voyager pour trouver des œuvres ou à aller en voir en salle des ventes. Luxembourg était un bon point de départ pour rayonner plus largement.»

Cette sculpture de Wim Delvoye et ce tableau de Simon Hantaï seront présentés sur le stand de la galerie à l’occasion de Luxembourg Art Week. (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

Cette sculpture de Wim Delvoye et ce tableau de Simon Hantaï seront présentés sur le stand de la galerie à l’occasion de Luxembourg Art Week. (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

Marchand, conseiller… et galeriste

Dès le début, il a la chance de pouvoir vendre des œuvres à des musées. «Je me souviens d’avoir vendu des œuvres au MNHA à l’époque où Paul Reiles et Jean-Luc Koltz y travaillaient. Cela m’a fait une bonne publicité et m’a permis de rencontrer plus facilement les collectionneurs.»

En parallèle de son activité de marchand, ­Frédéric Hessler est aussi conseiller. «Entre 1999 et 2005, j’ai principalement exercé ces deux activités. Mais, au fur et à mesure, j’ai ressenti l’envie de développer un troisième pilier et d’ouvrir une galerie, d’avoir un lieu d’exposition qui me permette de faire des accrochages réguliers et d’éditer des catalogues.»

Il n’hésite pas à intervenir sur le premier et le second marché en même temps, «deux marchés qui se complètent très bien», selon lui. «Je représente à la fois des œuvres d’artistes décédés, mais aussi d’artistes vivants dont l’œuvre est moins connue, pas estimée à sa juste valeur.» C’est comme cela qu’il vend des œuvres de Takesada ­Matsutani, du groupe Gutaï, notamment.

«Je travaille souvent avec des artistes qui ont déjà une carrière derrière eux et les aide à trouver une place plus importante sur le marché, à mieux valoriser leur travail, qui est parfois peu ou pas connu. C’est ce que je fais, par exemple, avec ­l’artiste luxembourgeois Arthur Unger, que j’ai découvert grâce à Michel Tapié.» C’est ainsi que Frédéric Hessler s’est particulièrement intéressé à certains courants et artistes, dont beaucoup sont issus de l’École de Paris, de l’art informel, d’un art autre, de la figuration narrative ou encore du mouvement Cobra. Sur les murs de sa ­galerie, on peut voir des œuvres de Jean Fautrier, ­Maurice Estève, Serge Poliakoff, Jean Fautrier, Gustave Singier, Pierre Soulages… «Je montre ce que j’aime et je recherche toujours des pièces de qualité. Cela demande un grand travail de recherche, mais j’ai l’habitude de faire cela pour mes missions de conseiller ou de courtier, ce n’est pas un problème.» Pour ces deux métiers, d’ailleurs, il a réussi à se faire une certaine renommée sur le marché luxembourgeois. «Je dois dire que j’ai fait de belles rencontres et que la confiance se construit sur le long terme.»

Quand il regarde sa clientèle avec un peu de recul, il reconnaît deux types de collectionneurs: «Ceux qui ont une collection statique, des passionnés qui ne revendent pas mais avancent dans leur collection et la complètent, et les collectionneurs pour qui ça bouge, dont la collection évolue au fil des années, et qui ont souvent besoin de conseils pour savoir s’ils possèdent la bonne pièce ou s’ils doivent revendre telle pièce…» Il lui est arrivé d’avoir en charge la revente de très belles œuvres. «En tant que marchands, nous ne pratiquons pas les mêmes retenues que les maisons de vente par exemple. Aussi, il y a de la place pour tout le monde.» Une place qu’il a su faire sienne. Il se voit même parfois confier la mission de ­choisir une œuvre en ayant carte blanche.

Vue de la galerie de Frédéric Hessler qui se situe à Luxembourg-Belair. (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

Vue de la galerie de Frédéric Hessler qui se situe à Luxembourg-Belair. (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

Luxembourg, marché en évolution

Frédéric Hessler a aussi suivi de près l’évolution de la scène culturelle au Luxembourg. «Je participe à Luxembourg Art Week depuis plusieurs années et je dois reconnaître que c’est vraiment un temps fort pour ma galerie, que je prépare bien en amont, en prévenant mes collectionneurs, en leur présentant ce que je vais y vendre. Je m’y suis fait de nombreux nouveaux contacts, j’ai rencontré de grands collectionneurs. Je suis étonné, positivement, du niveau de connaissance des visiteurs et de leur niveau de collection. Aussi, j’ai remarqué que la clientèle au Luxembourg a beaucoup évolué, elle s’est internationalisée.»

Quant à la place d’internet, elle a évidemment révolutionné sa pratique. «Il m’est arrivé, il y a quelques semaines, de vendre une œuvre à un collectionneur basé aux Philippines. ­Internet est une vitrine formidable, qui a complètement bouleversé notre manière de travailler. Et l’argent est disponible partout dans le monde. C’est pourquoi je me suis inscrit à des plateformes comme Artsy, car beaucoup de nouveaux contacts peuvent se faire via cette plateforme, et certains d’entre eux se concrétisent vraiment par des ventes.» Un biais de vente qui vient donc compléter les expositions dans sa galerie, qu’il ne compte pas du tout abandonner, comme en témoigne celle qu’il prépare pour décembre 2021 autour des artistes que défend Michel Tapié.

Cet article a été rédigé pour le supplément «Luxembourg Art Week», de l’ parue le 28 octobre 2021.

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