L’Association des artistes plasticiens du Luxembourg (AAPL) œuvre dans le but de défendre les intérêts des artistes. Depuis plusieurs années, elle bataillait auprès du ministère de la Culture pour parvenir à obtenir des ateliers d’artistes qui puissent être loués à des prix abordables. «Chacun sait que les prix de l’immobilier au Luxembourg sont très élevés. Actuellement, il est impossible pour les artistes d’envisager de louer des ateliers aux prix du marché. D’autant plus que les artistes travaillent souvent de manière cyclique, avec des commandes plus ou moins régulières, ce qui rend parfois les paiements de loyers mensuels difficiles», explique Gery Oth, coprésident de l’association.
Plusieurs démarches et de multiples mises en relation ont été établies afin de trouver de nouveaux locaux pouvant être transformés en ateliers ou en accueillir. Un chemin qui n’a pas été sans difficulté. D’ailleurs, cette pénurie d’espaces de travail adéquats pour les artistes et créateurs au Luxembourg a été mise en évidence dans le Kulturentwécklungsplang (KEP) 2018-2028, par la recommandation 18 qui stipule qu’il est nécessaire d’«améliorer les conditions de travail pour les artistes et créateurs», avec comme objectif de «mettre à disposition des ateliers d’artistes abordables et adéquats».
Finalement, après de nombreuses recherches et négociations, une solution a été trouvée grâce au travail volontaire de l’AAPL, dont l’une des missions est d’améliorer les conditions de travail des artistes plasticiens. «La ministre de la Culture, (déi Gréng), a prêté une oreille attentive à nos démarches et nous a encouragés dans nos recherches. Il s’est avéré qu’un ancien bâtiment de l’école de police représentait un lieu potentiel pour y développer des ateliers. Ce bâtiment, qui date d’une cinquantaine d’années, appartient à l’État et est géré par l’Administration des bâtiments publics. Il est situé à Bonnevoie-Verlorenkost, aux 7-9, rue Auguste Lumière, dans un rayon proche des institutions culturelles et des galeries d’art, mais aussi à proximité des transports en commun ou encore des commerces. Des atouts non négligeables pour les futurs artistes occupants», développe Gery Oth.
Quelques aménagements avant l’installation
C’est ainsi qu’avec l’effort conjoint de trois ministères, une occupation temporaire pour des ateliers d’artistes a pu être envisagée: le ministère des Finances a autorisé la mise à disposition des bâtiments, le ministère de la Mobilité et des Travaux publics, à travers l’Administration des bâtiments publics, assure la gestion foncière du bien, et le ministère de la Culture apporte un soutien financier qui a permis de réaliser la mise en conformité des lieux ainsi que d’engager une gérante administrative des ateliers et un responsable technique pour assurer l’entretien journalier du bâtiment. «Comme il s’agissait d’anciens logements, les travaux de mise en conformité n’étaient pas trop lourds et concernaient surtout les normes anti-feu, explique Gery Oth. Nous avons aussi ajouté quelques mesures de sécurité, comme l’installation d’un digicode par exemple, ou un peu de confort et de technologie, avec la mise en place d’un réseau wifi.» C’est ainsi que, depuis janvier 2021, 45 ateliers ont pu être mis en location par l’intermédiaire de l’AAPL.
Simples, mais essentiels
Les ateliers n’ont pas tous la même taille, les plus petits faisant environ 10m² et les plus grands environ 24m². «Le confort est simple, mais nous avons tout le nécessaire pour travailler: nous avons de l’électricité, de l’eau, du chauffage, internet et des lavabos adaptés à la pratique de la peinture, détaille le coprésident. Grâce à l’Administration des bâtiments publics qui met à notre disposition le bâtiment, nous pouvons louer ces espaces de travail à un tarif très raisonnable, environ 11€/m². Le but de l’association n’étant pas de faire du profit, le prix de la location couvre simplement les charges liées à l’utilisation du bâtiment.»
Afin de répondre aux besoins qui sont divers, les artistes peuvent louer à court terme, le temps de la réalisation d’un projet par exemple, ou à long terme, pour ceux qui ont besoin d’un espace dans la durée. «Nous disposons aussi d’espaces communs tels qu’une cuisine ou un espace de stockage partagé. Nous avons aussi une salle de réunion qui peut être louée à l’heure ou à la journée, ainsi que des ateliers qui peuvent être partagés par trois ou cinq personnes.»
Toutefois, quelques restrictions existent. Les plafonds étant à 2,50m, il n’est pas envisageable d’avoir de très grandes installations, le lieu ne s’y prêtant pas. «Nous avons aussi limité la pratique du travail du métal et du bois, car les locaux ne sont pas adaptés pour le travail de ce type de matériaux. Par contre, nous pouvons pratiquer la peinture, le dessin, la photo, la couture…»
Les artistes qui occupent ces ateliers représentent une grande mixité, que ce soit dans leur pratique, dans leur âge – certains sont très jeunes, d’autres plus âgés –, dans leur avancée professionnelle – plusieurs sortent de l’école, d’autres sont plus établis – ou encore par rapport à leurs origines et nationalités.
S’ouvrir aux autres
Les ateliers sont, certes, un espace de travail réservé aux artistes, mais ils sont aussi un lieu d’échange et de partage. «À l’avenir, nous aimerions aussi mener des collaborations avec des écoles étrangères. Nous souhaitons pouvoir soutenir les jeunes qui sortent de l’école et qui souhaitent s’investir dans leur carrière professionnelle, précise Gery Oth. Nous aimerions aussi mettre en place deux unités de résidence qui nous permettraient d’accueillir des artistes étrangers et de faire partir certains de nos artistes en échange. Cette démarche est actuellement en discussion au sein de l’association et nous espérons qu’elle pourra rapidement se concrétiser.» Par ailleurs, il est prévu qu’une journée portes ouvertes soit prochainement organisée. «Nous avons commencé à accueillir nos premiers locataires pendant la crise sanitaire. Impossible pour nous, dans ces conditions, de présenter le lieu aux voisins ou au public d’une manière générale. Aussi, dès que nous le pourrons, nous allons ouvrir nos portes pour faire découvrir ces lieux de création, ou au moins organiser une fête des voisins!», assure Gery Oth dans un sourire.
«La mise à disposition de ces locaux est une belle étape pour nous. Elle permet de sortir au fur et à mesure les artistes d’une démarche qui relèverait, pour certains, d’une demande ‘sociale’ et permet d’aller vers la reconnaissance de leur valeur de travail. Car le travail des artistes est une valeur ajoutée, ce qui a été heureusement un peu plus reconnu pendant le confinement et la crise sanitaire. Il est important pour nous de rester dans cette perspective», conclut le coprésident.
Cet article a été rédigé pour le supplément «Luxembourg Art Week», de l’ parue le 28 octobre 2021.
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