«Je crois que la gestion d’une crise comme le Covid-19 nécessite toujours de trouver le bon équilibre entre les libertés individuelles d’un côté et les bonnes mesures de protection de la santé de tout le monde, et je crois que nous avons réussi tout de même à trouver cet équilibre.» (Photo: archives/Maison Moderne)

«Je crois que la gestion d’une crise comme le Covid-19 nécessite toujours de trouver le bon équilibre entre les libertés individuelles d’un côté et les bonnes mesures de protection de la santé de tout le monde, et je crois que nous avons réussi tout de même à trouver cet équilibre.» (Photo: archives/Maison Moderne)

Alors que l’année parlementaire se clôture avant une reprise prévue en septembre, Fernand Etgen (DP), président de la Chambre des députés, revient sur cette session 2020-2021.

Quel bilan faites-vous de cette deuxième année parlementaire placée sous le signe de la pandémie? . – «Comparée à la session précédente, cette année s’est davantage rapprochée d’une session normale, bien que la pandémie soit toujours présente dans tous les domaines, même sur des sujets qui ne la concernent pas de prime abord. Pour ce qui est de la pandémie, nous adaptons la loi Covid toutes les trois semaines, et contrairement aux autres Parlements dans le monde, la Chambre des députés a été pleinement associée et impliquée dans les débats concernant la gestion de la crise. Je salue cette dynamique démocratique; il s’agit bien sûr aussi d’une responsabilité pour le Parlement. Pour être à la hauteur de ce défi politique pour les députés, et aussi pour la Chambre en tant qu’institution, nous avons continué à remplir nos fonctions législatives et de contrôle du gouvernement. Depuis le début de la pandémie, la loi sur le Covid-19 a été adaptée à quinze reprises, et je crois que plus de cinquante lois ont été votées en relation plus ou moins directe avec la pandémie. L’année a donc été ponctuée de sujets en lien avec le Covid.

Quel impact a eu la crise sanitaire sur le travail des députés? «La pandémie a un impact sur la Chambre à tous les niveaux, puisqu’on a dû installer des systèmes de visioconférence, réorganiser les séances plénières, etc. C’est une façon tout à fait différente de travailler. Mais nous avons réussi à garder un dialogue fort avec le gouvernement, avec des réunions quasi hebdomadaires au niveau du bureau de la Chambre des députés et de la conférence des présidents avec le Premier ministre, la ministre de la Santé et les représentants du ministère, notamment le directeur de la Santé. Je crois que cela a bien fonctionné, et c’est grâce au réflexe démocratique du gouvernement, qui a impliqué la Chambre des députés dès le début de l’état de crise, et même avant que l’état de crise ne soit décidé.

Les députés et vous-même êtes conseillés par des scientifiques sur le sujet du Covid-19? «La Chambre des députés a pu disposer des informations et conseils des scientifiques du gouvernement, nous recevons des rapports de manière hebdomadaire. Les avis divergent toutefois au sein des députés, car certains pensent que nous devrions disposer d’encore plus d’informations. Mais le manque d’expertise interne sur ce type de sujets scientifiques s’est clairement fait ressentir. Nous disposons d’une excellente expertise constitutionnelle, mais j’ai proposé au bureau de la Chambre des députés de créer une cellule scientifique au sein du Parlement. Depuis lors, nous avons déjà recruté un biologiste, une vétérinaire spécialisée en matière de virus, une juriste, et cette cellule va encore s’élargir dans les prochains mois. Il est important de disposer de sa propre expertise, non seulement en période de crise, mais aussi parce que la politique devient de plus en plus complexe. Pour des questions relatives au changement climatique par exemple, ou dans les dossiers européens qui sont d’une grande importance pour la Chambre des députés, il est nécessaire de disposer de cette expertise interne. L’idée est d’avoir, au sein de cette cellule, des spécialistes de plusieurs domaines. C’était un sujet évoqué depuis plusieurs années, et le Covid en a montré la nécessité absolue.

Une cellule scientifique au sein du Parlement.
Fernand Etgen

Fernand Etgenprésident de la Chambre des députésDP

Travailler en temps de pandémie est-il plus contraignant? «Je crois que les derniers mois ont été durs pour tout le monde. Il ne faut pas oublier que la pandémie touche toutes les générations, chacun souffre à sa façon, et j’ai une pensée particulière pour les victimes du Covid-19 et leurs familles, et tous ceux qui ont été malades, ou qui luttent encore contre des séquelles. En ce qui concerne la Chambre des députés, la charge de travail a été et est toujours lourde vu le nombre de réunions, de questions parlementaires, de séances publiques, qui ont même eu lieu pendant les vacances parlementaires, le samedi, etc. Cela démontre que le Parlement a été opérationnel à chaque instant et je crois que le fait que le Parlement ait été si intensivement impliqué dans ce processus a contribué à une meilleure acceptation des citoyens des différentes mesures qui ont été prises, car nous représentons le peuple.

Avez-vous des regrets pour autant, notamment dans la gestion des maisons de soins? «Je crois que la gestion d’une crise comme le Covid-19 nécessite toujours de trouver le bon équilibre entre les libertés individuelles d’un côté et les bonnes mesures de protection de la santé de tout le monde, et je crois que nous avons réussi tout de même à trouver cet équilibre. À un certain moment, toutes les écoles ont été fermées durant de longs mois dans nos pays voisins, alors que nous avons réussi à les fermer seulement sur une période assez courte. Toutes les générations ont été impactées par cette crise.

En dehors du Covid-19, quels dossiers vous ont marqué durant cette année parlementaire? «Je crois que la Chambre des députés a continué à faire son travail, il y a eu beaucoup de dossiers importants. Un dossier qui m’a notamment marqué est le vote de la loi sur le climat en décembre. Cela constitue un pas décisif dans le domaine de l’écologie en ce qui concerne les défis liés au changement climatique, nous sommes un des premiers pays d’Europe à avoir rempli nos devoirs dans ce domaine, on a réussi à ficeler une loi qui est très ambitieuse et qui servira de modèle. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de sa récente venue au Luxembourg, avait expliqué que le pays avait montré le bon exemple en ce qui concerne le Green Deal et le défi de l’automobile. Nous avons également eu beaucoup d’interpellations sur différents sujets, nous avons pleinement associé la Chambre à ce que seront les priorités du pays dans un avenir proche.

Le processus démocratique a toujours une certaine lenteur, et surtout sur un sujet aussi important que la révision de la Constitution. Il était très important d’avoir un consensus, de prendre le temps de créer des groupes, d’impliquer les gens.
Fernand Etgen

Fernand Etgenprésident de la Chambre des députésDP

S’agit-il d’une spécificité luxembourgeoise? «Je crois que c’est très important effectivement que la Chambre des députés soit impliquée dans ces discussions, parce qu’on remarque dans certains pays, comme la France, que la participation électorale a été très basse, et donc que l’esprit démocratique fait défaut. Je crois qu’au Luxembourg, nous avons toujours su sensibiliser la grande majorité des citoyens au débat politique. Cela montre aussi que la Chambre des députés est ouverte à tout le monde, c’est pourquoi nous donnons une très grande importance au Parlement des jeunes, et nous faisons participer les citoyens au débat politique, notamment avec l’instrument de participation des pétitions publiques, qui est un énorme succès dans le pays.

Comment expliquez-vous ce succès? «L’introduction des pétitions publiques a été un succès dès le début, il y a sept ans, mais ces derniers temps, leur nombre a encore augmenté. Beaucoup de pétitions étaient en lien avec la pandémie, et je crois que le succès des pétitions est basé sur le fait que le citoyen peut thématiser des sujets qui lui sont chers ou importants, et qui ne l’auraient jamais été à l’intérieur de la Chambre des députés si l’instrument de la pétition n’existait pas. Si la pétition atteint les 4.500 signatures requises, il y a même un débat public, et même si elle n’atteint pas ce seuil, c’est tout de même important d’avoir une réponse du gouvernement.

Nous devrions également assister, avant la fin de cette mandature, au vote de la révision de la Constitution? «Les travaux sur la nouvelle Constitution ont progressé à un rythme très élevé, le quatrième volet a été déposé, et dès la reprise de la rentrée parlementaire, le débat en séance publique pourra avoir lieu. Je crois que durant l’année 2022, nous allons finaliser ce dossier, et c’est important, après 18 ans de discussions sur une nouvelle Constitution, que l’on arrive à se mettre d’accord sur un texte qui réponde aux exigences du 21e siècle.

Vous vous dites «enfin»? «Le processus démocratique a toujours une certaine lenteur, et surtout sur un sujet aussi important que la révision de la Constitution. Il était très important d’avoir un consensus, de prendre le temps de créer des groupes, d’impliquer les gens. On a beaucoup investi pour entendre ce que les citoyens veulent, ce que la Constitution doit changer, et une fois que le consensus a été trouvé, on a réussi à avancer ces derniers mois.

Pourquoi cela a-t-il été aussi long pour en arriver là? «Je crois que c’est dans l’ADN du fonctionnement d’une démocratie, on doit prendre au sérieux la révision d’une Constitution, et cela prend du temps. Et je pense que c’est aussi dans l’ADN du peuple luxembourgeois de réfléchir à tous les niveaux, et c’est ainsi que l’on a su ficeler un texte qui est compréhensible. Quand les gens pensent à la Constitution, ils croient que c’est une loi compliquée, mais en fait, la Constitution est une loi avec un texte très simple, qui doit être compréhensible de tous, et je crois que l’on a réussi ce défi.

D’autres grands dossiers vont prendre le dessus l’année prochaine également? «Le problème du logement reste un défi pour le Luxembourg et doit rester une priorité absolue. Sur ce sujet, les attentes des citoyens sont énormes, parce que les inégalités sont de plus en plus grandes.»