Il y a ces chefs dont on a parfois du mal à cerner l’approche ou l’évolution, et puis il y a les «dans-ta-face» constants, qui savent ce qu’ils aiment, ce qu’ils veulent et qui gardent un cap franc sans s’en excuser. Celles et ceux qui connaissent Arnaud Deparis, truculent chef «miaou» du restaurant L’Avenue au Kirchberg, savent qu’il fait partie de cette dernière catégorie. Qu’il pourrait même en être l’illustration dans un hypothétique «Petit Larousse» du métier...
En ce plein automne, on se doutait donc qu’il allait plutôt tenter les gourmands avec du gros gibier bien canaille plutôt qu’avec des racines oubliées – qu’on adore tout autant, cependant! On ne s’était pas trompé, le garnement s’est décidé sur une recette ô combien allégorique du répertoire de la grande cuisine française: le lièvre à la royale, m’sieurs dames. Il fallait donc lui rendre une petite visite, parce que, bon…
Le décor de L’Avenue est inchangé mais fonctionne toujours bien, avec ses grandes baies vitrées, sa hauteur sous plafond impressionnante et son mobilier contemporain et chaleureux grâce au bois abondant. Alors qu’on sirote une coupette de crémant luxembourgeois – Alice Hartmann pour les uns, Gales pour les autres –, Deparis envoie presque discrètement deux amuse-bouche. Et pourquoi faire compliqué quand on peut annoncer la couleur tout de go? C’est donc parti pour un excellent brisket (poitrine de bœuf) en deux façons: l’une fondante, cuite à basse température pendant 48h, et l’autre en mini-croque truffé. Rien que ça...
Alors oui, chers amis végétariens, végans et plant-based, on vous invite respectueusement à passer votre chemin: comme il aime le répéter avec la tempérance qui est sienne: «On n’est pas là pour sucer des feuilles!»
Avant de se voir servir la pièce de résistance – la raison de notre venue –, on voit tout de même passer une très belle assiette de thon pané à la pistache, chou-fleur, gel et suprêmes de pamplemousse. Ça a l’air frais et délicat au dernier degré, comme quoi le chef aime encore varier les plaisirs!
Arrive enfin le lièvre à la royale, très joliment nappé, voire laqué de sa sauce à la couleur chocolat emblématique. On sent qu’il y a eu de la préparation et que les produits sont frais. La viande est excellente, tout comme la sauce – assaisonnée, au poil – dans laquelle Arnaud Deparis nous confie avoir ajouté effectivement du chocolat pour lui apporter encore plus de brillance et d’onctuosité.
Le foie gras farci trouve un écho avec la petite escalope poêlée sur le dessus, parsemé de belles lamelles de truffe d’automne... Le tout est arrosé d’un joyeux rouge du Larzac, L’Émotion 2018 du Mas de l’Écriture, qui tombe dessus à pic comme Colt Seavers. Mais oui, c’est ça qu’on voulait, on ne s’est pas déplacés pour rien!
Après tout ça, il reste à peine la place pour un bon petit café/pousse-café. On découvre un très bon blue gin français et on rentre repu, heureux – mais en se disant qu’on va tourner tout le lendemain au bouillon de céleri. En bref, on a été accueillis comme des princes (le repas, tout compris, a été facturé environ 90€ par tête) pour un lièvre royal. «That makes sense»...
L’Avenue: 41b, avenue John F. Kennedy, Luxembourg (Kirchberg), T. 28 99 29 29
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