La politique de la porte ouverte: le CEO de Tokeny, Luc Falempin, a favorisé dialogue et compréhension… et profité d’un nouveau contexte, propice à une start-up. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

La politique de la porte ouverte: le CEO de Tokeny, Luc Falempin, a favorisé dialogue et compréhension… et profité d’un nouveau contexte, propice à une start-up. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

À la tête d’une des fintech les plus prometteuses du Luxembourg, Tokeny, Luc Falempin a davantage communiqué en interne et profité des opportunités en externe, pour passer le cap du Covid le mieux possible.

Paperjam a été à la rencontre de CEO, chairmans ou managers pour qu’ils nous évoquent la manière dont ils avaient affronté la crise sanitaire, depuis les premières heures. Entre moments de doute et d’espoir, ils reviennent sur cette période qui aura secoué le monde de l’entreprise à bien des égards. Luc Falempin, CEO de Tokeny, a été le premier à se confier sur ce qu’il a vécu avec ses équipes au cours de ces deux dernières années.

Deux ans après le début de la pandémie, quel est le souvenir le plus marquant que vous gardez?

«C’est peut-être un peu personnel, mais ma fiancée est partie deux semaines avant (le confinement au Luxembourg, ndlr) pour la Bolivie. Je me suis retrouvé tout seul, enfermé chez moi, à travailler 15 heures par jour. Donc j’ai bien avancé! Elle est finalement rentrée au mois de juin 2021, plus d’un an plus tard. Nous nous sommes mariés en octobre. L’ambassade en Bolivie qui représente le Luxembourg est l’ambassade d’Espagne, qui ne travaillait pas, donc on a fini par envoyer son dossier au Pérou, à l’ambassade de Belgique, pour qu’elle ait le papier dans son passeport. Heureusement qu’il y avait le décalage horaire qui me permettait de finir ma journée et d’être en contact avec elle.

C’est aussi très difficile de ‘brainstormer’ par vidéo. Quand il y a des tâches claires, c’est très simple, mais quand il faut innover, c’est plus facile de se voir et de se dire les choses, de voir la réaction des gens… toutes ces interactions qui manquent un petit peu en ligne.
Luc Falempin

Luc FalempinCEOTokeny

Racontez-moi.. Nous sommes en mars 2020, que se passe-t-il?

«Nous avons directement switché vers du ‘remote’. Ce n’était pas trop dur parce que nous avions déjà une partie de l’équipe qui était en Espagne. Nous étions déjà organisés pour travailler en ligne, avec tous les outils et les bonnes pratiques. Ça a été assez vite. Nous avons fait un gros gain de productivité au début parce qu’on allait de réunion en réunion beaucoup plus rapidement, parce que nous n’étions pas confrontés au trafic le matin… Par contre, sur le long terme, ce qu’on voit, c’est que c’est plus dur de garder la motivation des gens, de cadencer, de séparer le personnel du professionnel. C’est aussi très difficile de ‘brainstormer’ par vidéo. Quand il y a des tâches claires, c’est très simple, mais quand il faut innover, c’est plus facile de se voir et de se dire les choses, de voir la réaction des gens… toutes ces interactions qui manquent un petit peu en ligne.

Quand vous êtes confronté à leurs inquiétudes, que faites-vous?

«On passe beaucoup de temps à parler. Nous avons plus de sessions d’information de l’équipe. Tous les mois, nous avons un point, je présente ce qu’on a fait et où on va. Nous avons rajouté, aussi, une fois par mois, mais en décalé avec l’autre rendez-vous, une session de questions-réponses, pendant une demi-heure, une heure. Tout le monde peut poser les questions qu’il veut. Ça permet de percer les abcès sur pas mal de choses. Nous venons de finir une levée de fonds, donc toutes les questions fusent. Nous avons ajouté des petites choses, notamment sur Slack. Nous avons un ‘random coffee’, un petit bot qui choisit avec qui on doit prendre un café cette semaine, ce qui force les gens à voir d’autres gens sans forcément parler du travail. Ça remet un petit peu de vie sociale dans l’entreprise. On fait aussi des ‘talkeros’, des petits apéros, une fois par mois, avec des petits jeux.

Combien êtes-vous?

«Nous étions 22, et nous embauchons 8 personnes. On se débrouille pas mal parce qu’on ne recherche pas les profils que tout le monde recherche. Par exemple, toutes les banques cherchent des blockchain developers. Aucun ne va se retrouver sur le marché, mais nous, nous sommes bien équipés sur ce genre de profils. Avant, on avait des fonctions assez standards, mais nous sommes dans une industrie qui attire beaucoup. C’est du travail, de trouver les bonnes personnes.

Dès que quelqu’un faisait son vaccin ou avait des symptômes de Covid, nous lui disions de prendre son après-midi ou sa journée. Pour être sûr que ça ne devienne pas un handicap, pour être sûr que les gens ne se sentent pas coupables d’être malades.
Luc Falempin

Luc FalempinCEOTokeny

Est-ce qu’ils comprennent les stratégies déployées par les différentes autorités parce que vous travaillez dans différents pays?

«Nous avons 13 nationalités, la plupart au Luxembourg, en Espagne, en Turquie, en Grèce, en France et au Brésil. Un petit peu partout, quand même. Moi, j’essaie de me tenir informé sur les règles un peu partout et de les aiguiller. Mais c’est à eux de faire leurs propres recherches. On essaie de garder à l’œil tout ce qui se passe. Nous avons été très ouverts sur les vaccins. Dès que quelqu’un faisait son vaccin ou avait des symptômes de Covid, nous lui disions de prendre son après-midi ou sa journée. Pour être sûr que ça ne devienne pas un handicap, pour être sûr que les gens ne se sentent pas coupables d’être malades. Une bonne moitié de l’équipe a eu le Covid… ça a été difficile pour ceux qui ont des enfants, pour s’organiser, les avoir non-stop à la maison sans pouvoir se concentrer pendant deux heures correctement. D’un autre côté, ils apprécient qu’on soit une structure un peu plus flexible. Tant que c’est pire ailleurs!

En deux ans, vous avez quand même bien avancé et conclu beaucoup de deals.

«Ça nous a fait énormément progresser. Tout le monde est passé en ‘remote’ du jour au lendemain, notamment les grandes institutions financières, qui étaient très difficilement approchables sans rendez-vous physiques… Les grands groupes font beaucoup de réunions… Là, un peu du jour au lendemain, tout le monde faisait des calls en ligne, et nous pouvions plus facilement organiser un call de 30 minutes, une heure, sans aller à droite ou à gauche.

Est-ce que c’est plus dur d’avoir des contacts «sincères» avec des prospects, ou est-ce qu’on évite le déchet, c’est plus direct?

«Un peu des deux. Les institutions financières sont de plus en plus intéressées par la blockchain, elles ont des équipes qui travaillent sur ces sujets, mais elles ont besoin de nous pour comprendre et pour avoir des solutions à implémenter rapidement. C’est très facile d’avoir les premiers calls, se présenter, présenter nos solutions. On comprend très bien, entre les lignes, ce qu’ils espèrent. Mais après, c’est difficile de créer une relation pour être sûr qu’on ait les petites informations les plus importantes pour leur proposer des solutions qui correspondent vraiment à leurs besoins.

D’autant que ce que vous faites n’est pas forcément accessible à n’importe qui…

«Ça fait aussi partie de notre rôle, d’éduquer le marché, de montrer les composants importants, selon nous. On commence à refaire un peu d’événements, et ce sera vraiment important pour nous d’inviter les gens avec qui on discute toutes les semaines. Pour voir ce qu’on fait.»