Selon Gergely Majoros, le momentum des mois à venir sera moins bon que celui des mois passés. (Photo: Carmignac/Jean-Charles Caslot)

Selon Gergely Majoros, le momentum des mois à venir sera moins bon que celui des mois passés. (Photo: Carmignac/Jean-Charles Caslot)

Pour l’analyste Gergely Majoros, membre du comité d’investissement de Carmignac, nous entrons dans une phase de ralentissement du cycle économique global. Une toile de fond sur laquelle les valeurs de croissance sont à privilégier.

«Après un très fort rebond économique de sortie de crise, nous arrivons dans une phase de ralentissement du cycle économique global», pose comme constat Gergely Majoros. Pour qui, si les taux de croissance restent bons, «le momentum des mois à venir sera moins bon que celui des mois passés». En soulignant qu’au sein des trois régions économiquement importantes dans le monde, des divergences majeures en termes de croissance et d’inflation sont à prendre en considération.

Pour la Chine, il s’attend à une croissance de l’ordre de 8,2% en 2021, puis de 5,3% les deux années suivantes. «La Chine est sortie de crise avant les autres et est entrée la première dans cette phase de ralentissement. Un ralentissement très relatif. Notamment parce qu’elle a fait moins d’accommodations fiscales et monétaires qu’en Europe et qu’aux États-Unis. C’était un choix politique et elle a en plus bénéficié de nos plans de relance pour sortir plus rapidement de la crise.»

Du côté des États-Unis, le rebond a été porté par des politiques fiscales et monétaires très accommodantes. Avec, à la clé, une prévision de croissance pour 2021 de 5,7%. Mais le pays entre également dans une phase de ralentissement. La croissance pour 2022 est estimée à 4%, et celle de 2023 à 2,3%.

Quant à l’Europe, qui est sortie de crise la dernière, Gergely Majoros l’estime encore en phase de rattrapage. La croissance, cette année, est estimée à 4,5%, et à 4,1% l’année prochaine.

La grande différence avec les États-Unis, c’est qu’en Europe, en ayant moins fait sur le plan des stimulus fiscaux, la question de l’inflation sera moins présente qu’outre-Atlantique où il y a des risques de surchauffe avec, comme conséquence, le fait que l’inflation ne redescendra pas avec le cycle comme en Europe, mais sera plus durable. «En 2022, l’inflation aux États-Unis pourrait être durablement plus élevée que ce que la Fed et le marché attendent.»

Priorité aux valeurs de croissance

Le décor posé, Carmignac continue de privilégier les actions en se refocalisant sur les valeurs de croissance (santé, technologie, consommation…) afin de bénéficier d’une croissance organique relativement indépendamment du cycle.

Sur les marchés de taux, la sélectivité, comme la prudence, est de mise. «Il est trop tôt pour se positionner sur les taux cœurs – les bons du Trésor américain ou allemand, principalement – car leur rendement dépend de l’évolution incertaine de facteurs comme l’inflation ou l’orientation des politiques des banques centrales. Gergely Majoros privilégie les produits de «spreads» – «tout ce qui est crédit, marchés émergents, périphérie en Europe» – qui offrent une prime de risque attractive. Pour lui, Jerome Powell, à Jackson Hole, a fait passer le message selon lequel seront dissociées les décisions de «tapering» et de remontée des taux. Dans la tête des investisseurs, les deux sont liés: qui dit «tapering» implique mécaniquement une hausse des taux derrière. Ce ne sera pas le cas. «Pour moi, nous allons vers une normalisation très lente qui permettra aux détenteurs de produits à ‘spreads’ d’avoir plus de temps pour encaisser leurs coupons.»

Le risque politique chinois est un risque politique dans le sens réglementaire.
Gergely Majoros

Gergely Majorosmembre du comité d’investissementCarmignac

Et la Chine? Les perspectives semblent brouillées par le risque politique. «Le risque politique chinois est un risque politique dans le sens réglementaire», nuance Gergely Majoros. «L’intervention réglementaire récente visant en particulier certains segments de la nouvelle économie chinoise est sensiblement plus sévère que les fois précédentes, en 2015 et 2018. Elle s’est attaquée à plusieurs sous-secteurs de la nouvelle économie en peu de temps, et elle a pour objectif de corriger un certain nombre d’excès de façon durable (positions dominantes, inégalités sociales…). L’impact sur les valorisations a été significatif. Faut-il pour autant anticiper qu’au nom de l’objectif de prospérité commune ou au nom de la rivalité stratégique américano-chinoise dans la tech, les autorités de Pékin affaiblissent durablement les grandes sociétés internet, s’attaquent à la propriété privée et aux structures légales créées pour permettre les cotations étrangères de sociétés chinoises? Nous sommes convaincus que non.»

Pour l’analyste, «la Chine reste un marché dans lequel on peut parfaitement continuer d’investir», sous réserve de se montrer très sélectif. «Nous maintenons ainsi nos convictions sur une sélection de valeurs de la nouvelle économie chinoise. Notre approche reste fondée sur l’identification de sociétés à fort potentiel de croissance, bien gérées et avec des bilans sains, bénéficiant de tendances longues et visibles. Enfin, vu la rapidité et l’évolution récente des annonces, il nous semble de plus en plus plausible de penser que la visibilité sur le nouvel environnement réglementaire devrait s’améliorer progressivement. Cela permettra aux investisseurs de commencer à intégrer les nouvelles informations dans les valorisations et de juger par eux-mêmes de l’attractivité élevée de ces sociétés.»

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Finance, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.