«Robotisation, digitalisation, intelligence artificielle… il existe des milliers de possibilités pour maintenir notre croissance en en réduisant les effets négatifs», a argumenté Étienne Schneider. (Photo: Lala La Photo)

«Robotisation, digitalisation, intelligence artificielle… il existe des milliers de possibilités pour maintenir notre croissance en en réduisant les effets négatifs», a argumenté Étienne Schneider. (Photo: Lala La Photo)

Une fois n’est pas coutume. Étienne Schneider (LSAP) a tenu à s’exprimer dans sa langue natale devant l’assemblée très anglophone de la Journée de l’économie, un événement organisé chaque année par le ministère de l'Economie, la Chambre de commerce, la Fedil et PwC Luxembourg. L’auditoire s’est rué sur les appareils de traduction. «Pour une fois, les interprètes ne seront pas venus pour rien», a ironisé le ministre de l'Economie.

Mais le ton est vite redevenu sérieux ce jeudi, car c’est sur la croissance soutenable qu’est venu intervenir M. Schneider, un sujet qui l’anime toujours. «À l’approche des élections, les discussions autour de la direction que doit prendre notre économie sont schizophrènes», lance-t-il. «On veut toujours plus de prospérité et de confort, mais on parle de limiter la croissance.»

C’est un débat qui me dérange.

Étienne Schneider, ministre de l’Économie

Pour illustrer sa vision sur le sujet, le vice-premier ministre a pris trois exemples de projets industriels qui ont récemment fait la une de l’actualité et sur lesquels il est personnellement intervenu à plusieurs reprises: Knauf, Google et Fage. Trois entreprises dont la volonté d’investissement au Luxembourg, qui n’a toujours pas abouti, a pu être critiquée, voire remise en question dans la sphère publique et politique.

«C’est un débat qui me dérange», a-t-il indiqué. «On dit que la production de laine de roche par Knauf demande beaucoup d’énergie, mais nous réussirons à en économiser 200 fois plus quand nos maisons seront mieux isolées grâce à ce matériau.» Et sur la pollution liée au processus de fabrication: «Si l’entreprise décide de s’installer de l’autre côté de la frontière, nous souffrirons également des émissions polluantes.»

La semaine de 40h, un modèle du passé

Le constat est identique pour Google et Fage, selon le ministre. «À quoi bon critiquer ce qui pourrait être le plus gros investissement de l’histoire du pays (Google, ndlr) juste parce qu’il a besoin de trop de terrain, ou les plans d’investissement du producteur laitier Fage parce qu’il va utiliser trop d’eau et exporter une partie de sa production?», a-t-il questionné. «Veut-on que le Luxembourg soit juste une boîte aux lettres? Dans ce cas, autant être sincère et l’affirmer ouvertement.»

En pleine remise en question sur les fondements de son économie et de sa croissance jugée trop quantitative, le Luxembourg cherche sa voie. Le pouvoir politique comme la société civile sont d’accord pour réfléchir à un modèle différent. «La stratégie Rifkin est là pour ouvrir les discussions, lancer les débats et instaurer un dialogue pour une croissance plus durable», a argumenté le ministre qui s'était accordé récemment avec sa collègue en charge de l'Environnement, Carole Dieschbourg (Déi Gréng) autour de l'idée d'une croissance et d'une promotion économique plus sélective.

Nous ne voyons pas encore le bout du tunnel.

Étienne Schneider, ministre de l’Économie

Et de citer les efforts du gouvernement pour améliorer l’employabilité des travailleurs luxembourgeois, développer l’économie circulaire ou les énergies renouvelables. «Robotisation, digitalisation, intelligence artificielle… il existe des milliers de possibilités pour maintenir notre croissance en en réduisant les effets négatifs», a pointé Étienne Schneider. «Tout le monde doit comprendre l’intérêt de la croissance et en sentir les bénéfices.»

Une transition toute faite pour un des sujets de prédilection du ministre: la réduction du temps de travail. Évoquée en début d’année dernière, elle a été rapidement mise au banc par le Premier ministre, Xavier Bettel (DP). «Nous savons que la semaine de 40 heures n’est plus un modèle d’avenir et qu’il faut que l’augmentation de la productivité ne profite pas qu’aux patrons», a toutefois réitéré Étienne Schneider.

Et de lancer un large appel au débat dans une année électorale qui s’annonce animée. Mais pas un débat où l’on fait «peur» et où l’on diabolise la digitalisation. «Nous sommes en plein dans une transition économique majeure et nous ne voyons pas encore le bout du tunnel. Nous devons donc parler ouvertement de tout cela.»