Face aux dissensions internes du gouvernement britannique, le flou autour de l’avenir de la politique d’immigration post-Brexit pose bon nombre de questions de part et d’autre de la Manche. (Photo: Licence C.C.)

Face aux dissensions internes du gouvernement britannique, le flou autour de l’avenir de la politique d’immigration post-Brexit pose bon nombre de questions de part et d’autre de la Manche. (Photo: Licence C.C.)

Le flou en vigueur à Londres autour de la ligne à suivre sur l’épineuse question de l’immigration post-Brexit semble s’épaissir un peu plus. Destinée à apaiser les inquiétudes des dirigeants d’entreprises sur les possibilités envisagées quant à l’embauche de salariés issus de l’Union européenne à compter d’avril 2019, la sortie médiatique d’Amber Rudd, ministre britannique de l’Intérieur, n’a fait que mettre une fois de plus en valeur les différences d’approche sur ce thème au sein du gouvernement.

Dans une tribune publiée jeudi dans le Financial Times, Amber Rudd assurait pourtant «partager» la volonté des entreprises de «continuer à accueillir ceux qui aident à faire du Royaume-Uni un pays prospère» et annonçait pour cela qu’il n’y aurait pas de «rupture brutale» au moment de la sortie effective du pays de l’Union européenne. Pour cela, la ministre de l’Intérieur annonçait la mise en place d’un comité indépendant chargé de réaliser «une étude détaillée des migrations en provenance de l’Union européenne et de l’Espace économique européen vers les économies d’Angleterre, d’Écosse, du Pays de Galles et d’Irlande du Nord».

La liberté de circulation des travailleurs européens prendra fin avec le Brexit.

Brandon Lewis, secrétaire d’État britannique à l’Immigration

Et la ministre de laisser entendre que les entreprises britanniques pourraient bénéficier d’une période de transition, comprise entre deux et quatre ans, au cours de laquelle la liberté de circulation des travailleurs serait maintenue. Cette initiative, qui ne devrait pas aboutir à une publication avant septembre 2018, apparaît d’ores et déjà comme trop tardive, selon l’opposition travailliste qui juge «hallucinant» le timing choisi et dénonce «le manque total de préparation» du gouvernement de Theresa May. La CBI, principale organisation patronale britannique, elle, salue «une première étape de bon sens», mais souligne dans le même temps le besoin «urgent» de précision sur la politique migratoire qui sera appliquée après 2019.

Une demande qui, à ce stade, semble prématurée au vu des dissensions internes exprimées publiquement par plusieurs membres du gouvernement. Le jour même de la déclaration de sa collègue du gouvernement, partisane du maintien du Royaume-Uni dans l’UE lors de la campagne référendaire, Brandon Lewis, secrétaire d’État à l’Immigration, indiquait pour sa part que «la liberté de circulation des travailleurs européens prendra fin avec le Brexit». Interrogé sur la BBC, ce dernier a assuré que le gouvernement était «très clair sur ce point» et précise qu’un projet de loi sur l’immigration serait présenté dans le courant de l’année 2018, destiné à entrer en vigueur au printemps 2019, lors du Brexit. Vendredi, le ministre des Finances, Philip Hammond, a lui plaidé pour une transition d'une durée de trois ans et qui devrait prendre fin «au moment des prochaines élections législatives (britanniques, ndlr) qui se tiendront en juin 2022.»

50% des employeurs britanniques pensent que rien ne changera

Ce calendrier se superpose à celui que Bruxelles souhaite imposer à Londres, Michel Barnier ayant indiqué à plusieurs reprises vouloir boucler les négociations en octobre 2018, afin de laisser le temps au Parlement européen et ratifier l’accord de retrait. À en croire une récente étude Deloitte, publiée début juillet, l’incertitude politique actuelle au Royaume-Uni pousserait près de la moitié des salariés hautement qualifiés originaires des pays de l’UE à quitter le pays au cours des cinq prochaines années. Et plus d’un tiers des autres salariés envisageraient de faire de même. Une analyse qui pousse le cabinet d’audit et de conseil à évoquer «un déficit potentiel de compétences dans les années à venir».

Un sondage réalisé en juin dernier auprès de 500 entreprises britanniques employant des ressortissants européens indiquait d’ailleurs que la moitié des employeurs pensait qu’aucun changement ne surviendrait au cours des 12 prochains mois. La donne s’apprête donc à changer…