Antoine Deltour a été condamné à une peine de six mois de prison avec sursis et 1.500 euros d’amende par la Cour d’appel. (Photo: Maison Moderne)

Antoine Deltour a été condamné à une peine de six mois de prison avec sursis et 1.500 euros d’amende par la Cour d’appel. (Photo: Maison Moderne)

Les juges de la 10e chambre correctionnelle de la Cour d’appel ont allégé les peines prononcées en première instance mais ne sont, d’après Me William Bourdon, avocat d’Antoine Deltour, pas allés «jusqu’au bout de la dynamique de leur raisonnement». La Cour a en effet considéré que l’ancien auditeur devait être acquitté concernant la violation du secret professionnel – infraction phare pour un lanceur d’alerte – puisque lui était reconnue la cause justificative du lanceur d’alerte. «C’est très important pour Antoine Deltour et ceux qui l’ont soutenu depuis des années car le combat qu’il a mené aujourd’hui apporte une pierre très importante dans cet édifice très compliqué qu’est la protection des lanceurs d’alerte à l’échelon européen», réagit Me Bourdon.

Voleur et lanceur d’alerte

Ce dernier concède «un sentiment mitigé» puisque la Cour n’a toutefois pas reconnu cette qualité au moment du vol des documents chez PwC, d’où l’infraction retenue pour vol domestique et la condamnation à une peine de prison avec sursis. «Au moment où je donne les documents [au journaliste Édouard Perrin], je suis un lanceur d’alerte au sens de la Cour européenne des droits de l’homme, mais au moment où je les soustrais, je suis un voleur et condamné à ce titre», résume le Vosgien. «Le seul jugement satisfaisant aurait été un acquittement, mais cela reste une grande victoire» alors que le tribunal d’arrondissement l’avait condamné à une peine de 12 mois d’emprisonnement assortie du sursis et d’une amende de 1.500 euros.

De son côté, Raphaël Halet a estimé qu’«une autre étape [avait] été franchie». Condamné à une peine d’emprisonnement de neuf mois avec sursis et à une amende de 1.000 euros en première instance, il n’écope plus que d’une amende. «Le vrai procès qui n’a pas eu lieu, c’est celui de l’évasion fiscale qui représente 80 milliards d’euros en France et 1.000 milliards en Europe.»

L’euro symbolique à PwC confirmé

Les deux prévenus, condamnés à verser solidairement un euro symbolique à leur ancien employeur PwC au titre du préjudice moral, se réservent le droit de se pourvoir en cassation. Ils souhaitent prendre le temps d’analyser l’arrêt de la Cour d’appel avant de prendre cette décision qui prolongerait un combat judiciaire qui dure depuis plus de 4 ans.

Antoine Deltour avait copié, la veille de son départ de PwC où il travaillait comme auditeur, des centaines de documents et des dizaines de milliers de pages détaillant les rulings élaborés par son employeur pour des clients aussi prestigieux qu’Amazon, Ikea ou encore Apple. Des documents utilisés par le journaliste Édouard Perrin dans son enquête sur les pratiques fiscales des multinationales diffusée en mai 2012 dans l’émission Cash Investigation, et publiés par l’ICIJ à l’origine des révélations LuxLeaks. Raphaël Halet, agent administratif pour le département Fiscalité de PwC à l’époque des faits, avait contacté Édouard Perrin à la suite de l’émission télévisée et lui avait proposé puis transmis une quinzaine de documents, dont des déclarations fiscales et des procès-verbaux d’assemblées générales de multinationales ayant leur siège européen à Luxembourg. Les deux avaient été confondus par une enquête interne du cabinet d’audit.