Sur le papier, la proposition de règlement émise par la Commission «visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur» a de quoi séduire. Lundi, pourtant, Étienne Schneider (LSAP), ministre luxembourgeois de l’Économie - tout comme ses homologues autrichien et polonais - a voté contre.

Bien que le texte affiche pour objectif que «les clients qui cherchent à acheter des produits et services dans un autre État membre, que ce soit en ligne ou en personne (hors-ligne) ne fassent pas l’objet de discriminations injustifiables en ce qui concerne l’accès aux prix, aux ventes ou aux conditions de paiement», il ne serait qu’«un échec» selon le ministre luxembourgeois qui estime qu’«il crée plus de problèmes qu’il n’en résout».

Contraindre les entreprises à se faire représenter devant 28 tribunaux nationaux.

Étienne Schneider, ministre de l'Économie

«Nous traitons les symptômes et pas la maladie», a assuré lundi Étienne Schneider devant ses homologues européens, réunis en conseil compétitivité. «La proposition repose sur l’existence de 28 marchés nationaux et paraît donc en contradiction avec les stratégies de marché unique et de marché unique numérique, car l’absence de géoblocage devrait être la conséquence de la disparition des barrières et non de leur confirmation.»

Au cœur du problème, du point de vue luxembourgeois, la volonté de la Commission d’obliger les entreprises européennes à respecter l’obligation de vendre à tous les citoyens installés au sein de l’Union, tout en les contraignant à se soumettre aux spécificités des lois des différents États membres. Autrement dit, mettre en place une incertitude juridique qui va «contraindre les 25 millions d’entreprises européennes à respecter tous les détails des 28 législations nationales et à devoir se faire représenter devant 28 tribunaux nationaux».

80% des résidents achètent sur le net

Car en cas de litige entre un consommateur et une entreprise, le texte de la Commission prévoit le règlement du conflit par voie judiciaire, en vertu des lois en vigueur dans le pays du consommateur. Ce qui risque, selon Étienne Schneider, de limiter les possibilités de désenclavement souhaité notamment par les consommateurs du Grand-Duché en n’accordant pas de règles juridiques européennes communes aux entreprises. Et donc rendre obligatoire la vente dans tous les pays, mais pas la livraison.

Avec 80% des internautes ayant effectué des achats sur internet en 2015 selon les données du Statec, le Luxembourg apparaît comme l’un des pays les plus intéressés par l’e-commerce, puisqu’il se classe en quatrième position européenne, derrière le Royaume-Uni (87%), le Danemark et l’Allemagne (82%). Mais la pratique, bien que répandue, se heurte fréquemment à des limitations. Selon la dernière étude de l’institut statistique luxembourgeois sur la question, publiée en février 2016, plus de la moitié des internautes (54%) ont déclaré avoir rencontré un problème lors de leur achat en ligne, alors qu’ils ne sont que 30% au niveau européen.

Les petits États sont clairement pénalisés.

Étienne Schneider, ministre de l'Économie

Principal écueil rencontré: l’impossibilité de faire livrer le produit acheté majoritairement dans un pays européen au Grand-Duché. Une situation qualifiée par le Statec de «problème luxembourgeois» car 32% des résidents adeptes du commerce électronique se sont plaints de cette situation en 2015. Contre 3% au niveau européen.

Contacté lundi soir par Paperjam.lu, Étienne Schneider estime que «cette décision n'est pas une bonne chose, aussi bien pour les PME que pour les consommateurs» et mise sur le Parlement européen afin de «tenter d'infléchir la situation pour le bien des petits États qui sont clairement pénalisés». Pour cela, il compte notamment sur Mady Delvaux (LSAP), eurodéputée «qui connaît le dossier et les enjeux du blocage géographique.»