«Nous sommes là pour encadrer nos membres dans la préparation de leurs évolutions», indique Nicolas Buck. (Photo: Maison Moderne)

«Nous sommes là pour encadrer nos membres dans la préparation de leurs évolutions», indique Nicolas Buck. (Photo: Maison Moderne)

M. Buck, quelles sont les grandes priorités de la Fedil pour cette année? 

«Nous travaillons sur toute une panoplie de sujets, mais pour l’année 2017 nous avons distingué trois axes thématiques prioritaires. Premièrement la promotion de tous nos secteurs auprès des jeunes et la recherche de (jeunes) talents pour l’industrie et les entreprises. Ce sujet est au premier plan de notre agenda, voilà pourquoi nous avons lancé le projet HelloFuture en partenariat avec le gouvernement, Luxinnovation et la Chambre de commerce.

Il a pour objectif de passionner nos jeunes pour les professions de l’industrie et de leur montrer toute sa richesse. Deuxièmement, la transformation technologique: automatisation, digitalisation, nouvelles formes de travail, recherche et développement, voilà autant de sujets d’importance cruciale, des sujets d’avenir qui concernent le Luxembourg, donc la Fedil avec ses entreprises, au plus haut degré. Et en dernier lieu, le développement durable: avec la transformation énergétique et l’économie circulaire comme sujets phares.

Pourquoi avoir choisi d’inviter le professeur Schmidhuber cette année pour la réception de nouvelle année?

«Jürgen Schmidhuber travaille sur un sujet d’avenir: l’intelligence artificielle (IA), un sujet qui deviendra de plus en plus important, et cela non seulement dans le secteur spatial, mais dans tous les domaines de l’industrie. Il est aussi tout simplement un personnage intéressant. Il a fait un travail pionnier dans son domaine et il est capable d’expliquer une matière aussi complexe que l’IA d’une manière simple et captivante.  

Un peu plus d’un an après le message «pour une 'start-up nation'» lancé en tant que président de Nyuko, quelles évolutions mesurez-vous sur ce sujet?

«C’est un processus qui va prendre du temps. Un rythme que l’on peut mesurer à l’échelle d’une vingtaine d’années en observant ce qui s’est passé à l’étranger, en Israël ou à Londres par exemple. Le vrai bilan devra se faire au minimum en 2018. Nous sommes donc dans une démarche avec une perspective longue. Nyuko n’est qu’une partie de l’équation. Chaque acteur détient une partie des cartes. Il faut donc poursuivre le travail en confiance entre les différents acteurs privés et publics qui s’occupent du sujet.

La période qui s’ouvre est propice aux collaborations entre les grandes entreprises et les start-up capables de les aider à se réinventer.

Nicolas Buck, président de la Fedil

Il faut donc semer pour récolter…

«Ce sont souvent des petits éléments qui permettent d’avancer pas à pas. Nous ne devons pas forcément attendre une révolution, mais bien des évolutions. Il faut en effet semer à beaucoup de niveaux en se posant la question du sens de l’action en faveur d’une start-up nation. La réponse à cette question tient dans la double révolution que nous allons vivre, qui est à la fois technologique et de consommation avec les consommateurs qui deviennent producteurs, et la digitalisation qui modifie profondément les canaux économiques et les modèles de production. Nous l’avons vu dans l’hôtellerie. Nous le verrons dans d’autres secteurs. Cette période qui s’ouvre peut être propice aux collaborations entre les grandes entreprises qui ont besoin de start-up pour développer de nouveaux services, et ces start-up capables d’aider les grandes à se réinventer.

Ressentez-vous ces défis lorsque vous visitez les entreprises en tant que président de la Fedil?

«Je peux le constater sur le terrain, les membres de la Fedil vivent ces enjeux au quotidien. Et nous sommes là pour les encadrer dans la préparation de leurs évolutions, tout en valorisant leur rôle pour le Luxembourg. Et nos services aux membres ont d’ailleurs aussi une retombée à une échelle plus étendue. En assistant nos membres de manière efficace, quel que soit leur secteur d’activité, nous voulons, au final, contribuer, avec engagement et passion, à la prospérité du Luxembourg.

En ce qui concerne notre communication, il s’agira de soigner le «Made in Luxembourg» en mettant l’accent sur l’énorme potentiel des secteurs et des entreprises regroupées au sein de notre fédération.

Nous voulons miser sur l’information plutôt que sur la revendication.

Nicolas Buck, président de la Fedil  

C’est donc aussi une manière de se réinventer pour la Fedil…

«Absolument. Afin de mieux représenter nos membres et d’arriver à instaurer un meilleur dialogue avec le public ainsi que ses partenaires, la Fedil est passée par un processus de réorganisation autocritique, se remettant en question de fond en comble. Pour ajuster notre tir, il fallait traverser une phase de questionnement fondamental de notre positionnement tout en y impliquant nos membres, mais aussi une entité que nous avons trop souvent laissée pour compte: le grand public. Un repositionnement d’une telle envergure va de pair avec un changement d’attitude de notre part. Nous souhaitons dès à présent mettre l’accent sur les opportunités et la positivité, mais cela sans aucunement perdre de vue des menaces potentielles pour nos membres. Nous voulons miser sur l’information plutôt que sur la revendication, sur l’«ensemble» et le côté fédérateur plutôt que sur la division. 

De même, en ce qui concerne notre communication envers le grand public, nous estimons qu’il existe un réel besoin d’information sur la richesse de l’industrie, besoin qui dépasse de loin la disposition du public à se trouver confronté à nos doléances. En fait, notre nouvelle identité visuelle ne constitue que le pic de l’iceberg.

Quel est le premier défi pour vos membres dans ce contexte?

«Le souci numéro un des membres est de trouver les collaborateurs de demain... Les entreprises nous demandent de l’aide pour trouver des jeunes gens qualifiés. On pourrait parler d’une véritable course aux talents qualifiés. Cette problématique nous rappelle le besoin d’attirer aussi des talents de l’étranger et de rendre le pays attrayant. Et nous allons nous outiller afin d’assister nos entreprises dans la recherche des meilleurs talents. Il s’agit là d’un de nos projets prioritaires.

Après quelques mois en tant que président de la Fedil, quels enseignements en tirez-vous?

«J’ai véritablement découvert la richesse industrielle du pays et je ne cesse de le faire.  Ce mandat me permet de constater combien les entreprises sont inscrites dans une démarche d’exportation, d’innovation et de recherche. Et nous travaillons au quotidien à tous nos outils pour leur offrir le meilleur encadrement possible. 

Il faudra toujours avoir une prévisibilité et une stabilité pour répondre aux investisseurs.

Nicolas Buck, président de la Fedil 

L’été 2016 a été marqué par des annonces d’investissements ou d’arrivées dans l’industrie. Comment expliquez-vous cette réussite?

«Il y avait déjà un écosystème existant, sinon les entreprises ne croiraient pas au Luxembourg. Je dois dire ensuite que le ministère de l’Économie est bien organisé pour les attirer. Sans le flatter outre mesure, je dois dire aussi que l’implication directe du ministre Étienne Schneider dans les dossiers aide grandement à finaliser ou débloquer les dossiers.

Peut-on dire que la stabilité demeure aussi un atout-clé?

«Il faudra toujours avoir une prévisibilité et une stabilité pour répondre aux investisseurs, dans n’importe quelle industrie. Les acteurs économiques savent que nous sommes un pays qui peut être comparé à un petit bateau, mais il est stable. L’enjeu est de maintenir l’équilibre des finances publiques. Nous avons parfois sur ce sujet une lecture différente de celle du gouvernement.

Aucun pays au monde avec ce niveau de population n’arrive à générer autant de recettes fiscales.

Nicolas Buck, président de la Fedil

Il est régulièrement question d’un Luxembourg à un million d’habitants. Croyez-vous à cette vision?

«C’est une bonne question. J’invite chaque lecteur lorsqu’il atterrit à Luxembourg à regarder par le hublot. On y voit beaucoup d’arbres et peu de maisons. Ce qui me fait dire qu’on a encore de la place. Si nous poursuivons selon cette vision, nous allons devoir continuer à créer de l’emploi avec plus de productivité tout en réfléchissant aux infrastructures et à leur avenir.

Quel bilan tirez-vous de la présentation de «l’étude Rifkin» par son auteur voulant transposer le concept de 3e révolution industrielle au Luxembourg?

«Le processus menant à cette étude a été intéressant. À nous de trouver le mode de gouvernance pour poursuivre la démarche. L’une des thématiques qui m’intéresse particulièrement est l’énergie. Nous ne devrons pas perdre de vue que les quelque deux milliards d’euros de recettes fiscales sont liées au commerce du carburant, un milliard pour le carburant en tant que tel et 800 millions en alcool et cigarettes. Quelle transition envisageons-nous sur base de ce modèle? Il faut toujours se rendre compte qu’aucun pays au monde avec ce niveau de population n’arrive à générer autant de recettes fiscales. Nous sommes dans une autre galaxie et nous arrivons encore à maîtriser les dépenses publiques. Tout le monde a basé son modèle économique sur cette mécanique du pays qui pourrait pourtant être remise en cause.»