«Nous soutenons et nous exigeons la poursuite d’une politique ambitieuse de développement économique, car tous les paramètres sociaux en dépendent», René Winkin, directeur de la Fedil. (Photo: Sébastien Goossens / archives Paperjam)

«Nous soutenons et nous exigeons la poursuite d’une politique ambitieuse de développement économique, car tous les paramètres sociaux en dépendent», René Winkin, directeur de la Fedil. (Photo: Sébastien Goossens / archives Paperjam)

Comme toutes les organisations patronales, la Fedil a fait part de ses recommandations préélectorales aux candidats. Le scrutin législatif passé, le second gouvernement DP-LSAP-Déi Gréng formé, la fédération représentant les intérêts des industries veut à présent se mettre au travail avec les ministres concernés.

Tour d’horizon des quelques priorités pour 2019 avec René Winkin, directeur de la Fedil, en prélude à la réception de Nouvel An organisée ce soir à Luxexpo par l’organisation patronale.

  • La politique industrielle

«La politique industrielle a pris un coup durant la campagne électorale, notamment autour de deux dossiers, dont un a échoué (l’implantation de l’usine de laine de roche de Knauf en Moselle. Le dossier de l’usine de yaourt de Fage à Bettembourg est toujours en cours, ndlr). Au-delà de dossiers particuliers, nous devons savoir quel type d’activité nous voulons, quelle est la stratégie industrielle du gouvernement.

Cela passe par des critères objectifs et transparents qui doivent donner une visibilité à l’investisseur et lui éviter une déconvenue après plusieurs mois ou années d’attente. Tout en évitant que les administrations soient les boucs émissaires en raison d’une volonté politique. Les déconvenues que nous avons vécues donnent aussi une mauvaise image du pays. Ces critères objectifs devront aussi concerner la question de la disponibilité des terrains, et si, in fine, une activité ne peut s’établir au Luxembourg, pourquoi ne pas envisager une politique industrielle à l’échelle de la Grande Région?» 

Si l’État est ambitieux, cela va booster le processus dans le secteur privé.

René Winkin, directeur de la Fedil

  • La digitalisation

«Le projet de Xavier Bettel (DP) de digitalisation de l’État (le Premier ministre a aussi en charge le digital, en lien avec son ministre délégué, Marc Hansen (DP), ndlr) nous intéresse, car il va pousser les utilisateurs de services administratifs à aller dans le sens de la digitalisation, en particulier les entreprises, car elles ont beaucoup d’interaction avec l’État. Si l’État est ambitieux, cela va booster le processus dans le secteur privé, qui devra aussi faire ses devoirs. J’ajoute que la digitalisation représente des opportunités pour les fournisseurs locaux de services IT, qui pourront fournir leurs services aux entreprises et, pourquoi pas, faire rayonner leur savoir-faire à l’international.»

  • De nouvelles aides aux entreprises? 

«Les aides sont encadrées par le régime des aides d’État. Je pense plutôt aux moyens de soutenir l’innovation, par exemple en matière de digitalisation. Nous sommes occupés, avec Luxinnovation, à identifier comment nous pouvons faciliter l’accès aux instruments généraux existants et les rendre plus visibles.»   

  • Le temps de travail

«Les possibilités en matière de travail à la carte pour les employés vont encore être étendues, alors que les possibilités pour les entreprises de s’organiser en réponse à ces changements ne figurent pas dans le programme gouvernemental. Il est de la responsabilité du gouvernement et des ministres du Travail (Dan Kersch (LSAP), ndlr) et de la Famille (Corinne Cahen (DP), ndlr) de dire comment ces mesures peuvent être complétées pour permettre aux entreprises de réagir à cette nouvelle donne, synonyme de coûts.»

Il s’agit à la fois d’attirer des entreprises venant de l’extérieur ou d’aider les entreprises sur place à se développer.

René Winkin, directeur de la Fedil

  • L’environnement et l’énergie

«Nous devons poursuivre le dialogue constructif avec le gouvernement autour de la politique climatique et des énergies renouvelables et la manière de combiner les obligations découlant des objectifs climatiques avec le développement économique. Une analyse des sites industriels les plus exposés aux nouvelles règles environnementales est en cours.

La transition énergétique est un sujet très positif, mais, comme en matière d’environnement, nous devons aussi parler des technologies nécessaires pour la réaliser.» 

  • Attirer de nouvelles entreprises au Luxembourg 

«Il s’agit à la fois d’attirer des entreprises venant de l’extérieur et d’aider les entreprises sur place à se développer. Pour les entreprises existantes, il est important d’accompagner leur croissance par l’accès rapide à de nouveaux terrains, ce qui peut donner lieu à des réaffectations pour du logement – par exemple – sur les sites qu’elles quittent. Ces entreprises vont aussi vouloir profiter de l’investissement que représente un nouveau site pour gagner en productivité, un sujet-clé pour l’avenir.

S’agissant des entreprises étrangères, nous sommes conscients de la friction éventuelle entre économie et environnement, ce qui s’est résumé dans le débat sur le développement qualitatif du pays. Nous devons analyser ce débat sous tous ses aspects et nous demander si l’on veut attirer des entreprises intensives en main-d’œuvre ou d’autres types d’activités, tout en étant conscients que le notre État social repose sur un nécessaire afflux de main-d’œuvre. Dans ce contexte, nous soutenons et nous exigeons la poursuite d’une politique ambitieuse de développement économique, car tous les paramètres sociaux en dépendent.» 

Nous aurions aimé avoir des annonces plus courageuses concernant le taux d’affichage.

René Winkin, directeur de la Fedil 

  • La fiscalité

«Différents crédits d’impôt sont encore orientés sur le matériel. La réalité des besoins d’aujourd’hui est un peu différente avec le digital, mais aussi la transition énergétique ou encore des formes de leasing. Nous devons poursuivre la discussion avec les autorités pour voir comment nous pouvons adapter les outils.

D’une manière générale, nous aurions aimé avoir des annonces plus courageuses concernant le taux d’affichage. Nous savons que dans le cadre du mouvement de Beps, l’harmonisation fiscale est en cours à l’échelle internationale. Notre taux d’affichage se profile comme un désavantage. Nous aurions souhaité un signal vers un rapprochement du taux moyen européen pour montrer aux investisseurs que ce mouvement a été compris, sans pour autant baisser la pression fiscale, qui a tendance à augmenter sur les entreprises. Le programme gouvernemental parle d’une baisse d’un point de pourcentage et d’un suivi de l’évolution de la fiscalité à l’international.

Dans l’état actuel des choses, il est important pour nous de poursuivre le dialogue avec le ministre des Finances pour lui adresser le sentiment des investisseurs et éviter qu’un mécontentement se traduise en départ et pertes fiscales éventuels.» 

Nous devons préserver notre capacité d’attirer des frontaliers, en particulier sur la question fiscale.

René Winkin, directeur de la Fedil

  • Les compétences

«Nous avons rencontré une première fois le nouveau ministre du Travail, Dan Kersch, pour lui expliquer notamment le déficit de main-d’œuvre qualifiée auquel nous faisons face. La réponse réside sur plusieurs chantiers, dont la manière d’attirer des talents de l’étranger. À côté des missions de promotion commerciale ou économique, nous pourrions ajouter des missions de recrutement, voire d’autres modèles de coopération avec des régions du monde, si nous ne sommes plus capables d’accomplir une certaine tâche sur place.

Il est aussi primordial de continuer à sensibiliser les jeunes au Luxembourg sur les métiers de demain qu’offrent les industries. C’est un travail au long cours de rééquilibrer les orientations vers des métiers qui sont pour l’instant clairement en défaveur des branches techniques. Nous devons montrer ce qui se fait dans nos secteurs, alors qu’une vieille image de l’industrie a parfois encore cours.» 

  • Les frontaliers

«Nous devons préserver notre capacité d’attirer des frontaliers, en particulier sur la question fiscale. Nous sommes actuellement contactés par des entreprises qui sont inquiètes d’entendre que le forfait kilométrique va être réformé en relation avec la gratuité des transports publics. Nous sommes rassurés d’entendre que les deux mesures ne sont pas liées, mais ce forfait tendrait tout de même à diminuer. Nous ne devons pas non plus négliger les infrastructures, qui sont essentielles dans le fonctionnement journalier du pays.»