Georges Bock invite l’industrie des fonds à réagir face à BEPS. (Photo: Julien Becker / Archives)

Georges Bock invite l’industrie des fonds à réagir face à BEPS. (Photo: Julien Becker / Archives)

Je me sens obligé d’écrire cet article tant qu’il nous reste du temps pour agir. L’initiative OCDE connue sous le nom de BEPS prend de l’ampleur. Après avoir disséqué, discuté et digéré le rapport BEPS de l’OCDE sur le sujet, je crains que certains dégâts collatéraux ne se soient cachés dans cette initiative. L’objectif principal est de s’assurer que les grandes multinationales paient leurs justes parts des taxes, mais une des clauses en particulier devrait donner un signal d’alarme. Celle-ci n’affecte pas seulement les compagnies internationales, mais également les petits investisseurs.

Cette clause a pour objectif de combattre le «treaty shopping», c’est à dire lorsque certaines multinationales choisissent elles-mêmes les taxes à payer sur leurs bénéfices. Tout cela est rendu possible par la création de structures qui profitent des traités fiscaux entre les États: l’argent est envoyé à travers des pays ou des États qui ont des traités offrant des taxes très basses, ou éventuellement pas de taxes du tout. Les règles proposées sur le «treaty shopping» cherchent à empêcher cette pratique, en vérifiant si une compagnie a une raison valable d’avoir un pays X ou Y dans sa structure. Si c’est le cas, le taux fiscal le plus bas ne pourra pas être appliqué.

Les fonds et le treaty shopping

En quoi cela concerne-t-il les investisseurs? Hé bien, mes inquiétudes viennent du fait que – avec les propositions actuelles – la même logique sera appliquée aux fonds d’investissement. Les autorités chercheront à savoir si les fonds ont une raison valable de se trouver dans certains pays. Les recherches se porteront sur le pays de domiciliation des investisseurs du fond, en sachant que 50% doivent se trouver dans le pays de celui-ci. Mais ici, la logique ne s’applique pas et ne doit pas s’appliquer: dans un marché européen unique, est-ce que les fonds d’investissement ne sont pas transfrontaliers par nature? Voulons-nous vraiment limiter les investissements au pays de domiciliation?

C’est ce que les nouvelles règles vont faire, en appliquant un droit de regard sur l’origine des investisseurs, et en l’utilisant afin de décider de la taxe à appliquer. Le résultat final pourrait forcer des milliers, voire des millions d’investisseurs, voyant l’augmentation des taxes sur leurs fonds, à choisir leurs investissements en fonction de leur domicile plutôt qu’en fonction du potentiel du fond. Si le projet BEPS continue plus en avant, les investisseurs ne placeront plus leur argent que dans des fonds durables – fonds qui leurs assureront une solide retraite – par peur d’être punis fiscalement.

La règle mystère

Une telle règle est également un mystère pour l’industrie européenne des fonds qui joue un rôle mondial en tant que centre d’excellence, d’expertise et de connaissances, spécialement dans la distribution transfrontalière. Il semble logique pour des fonds d’être vendus par un pays ou une ville qui possède une grande expertise et un environnement économique et social stable: le Luxembourg, l’Irlande, Paris et Londres sont des choix naturels pour la distribution. La proposition BEPS pénalisera les fonds transfrontaliers qui attirent l’argent de toute l’Europe, puisque la plupart n’ont pas 50% d’investisseurs dans le pays du fond. D’une façon ou d’une autre, une injustice est en préparation. Est-ce qu’il ne serait pas temps d’agir?