La conférence de Deloitte abordant le thème de Beps s’est déroulée au Mudam. (Photo: Maison Moderne Studio)

La conférence de Deloitte abordant le thème de Beps s’est déroulée au Mudam. (Photo: Maison Moderne Studio)

Dans les médias et dans les réunions des Big Four, l’acronyme se fait omniprésent. Beps, pour Base erosion and profit shifting ou, en français, érosion de la base d’imposition et transferts des bénéfices, figure sur tous les agendas. Cette semaine, Deloitte organisait sa conférence Trust and Corporate Services. Le sujet y avait droit à son créneau horaire. La semaine dernière, un autre cabinet d’audit et de conseil, PwC, avait convié la presse à faire un état des lieux.

Mais dans les colonnes des journaux comme dans les conversations de cabinets, l’on s’aperçoit que la volonté des pays riches d’harmoniser leurs règles fiscales pour taxer dûment les groupes internationaux ne représente pas de menace à court terme, mais fournit surtout l’occasion d’adresser un message au gouvernement, récemment installé et pas forcément élu pour ses engagements, à défendre les intérêts de la place financière.

Ainsi, pour l’associé en charge des questions de fiscalité chez PwC, si elle ne constitue pas une bonne nouvelle, la mise en œuvre du plan d’action de l’OCDE dévoilé en 2013 participera à renforcer la tendance actuelle des entreprises à consolider au Luxembourg leurs fonctions dévolues au financement et à la prise de participations. «Pour de nombreuses sociétés, ceci pourrait s’accompagner par une augmentation des fonctions liées à la gestion de leurs activités européennes afin de renforcer la réalité économique objective de leurs structures», indique Wim Piot.

Substance: vers un contrôle efficient

La question de la substance continue d’interpeller. L’intensité de l’inquiétude dépend cependant de l’origine du client. Du fait de la pression de leur gouvernement sur la «desoffshorization», les Russes accordent, par exemple, une importance toute particulière à la problématique. Mais un consensus est en train de naître pour que celle-ci soit liée à la nature des décisions prises dans le lieu où la société a élu domicile. On parle dorénavant de «contrôle efficient», à en croire Éric Chinchon, panéliste d’un jour pour Deloitte et, quotidiennement, administrateur indépendant. Pas forcément besoin donc de charger le payroll aveuglément. Il convient de viser juste et de donner les responsabilités idoines aux représentants du groupe sur place.

Outre la question de la substance, c’est la problématique de l’imposition générale des entreprises qui transpire dans le débat sur Beps. Car, comme le confirme l’organisation de coopération et de développement économiques dans un rapport publié le 30 avril, l’ambition est, à terme, d’abolir les déductions et les niches fiscales… un terrain sur lequel le Luxembourg s’était fait champion, mais où ses tours de passe-passe sont en train de devenir hors-la-loi, comme le régime TVA sur le e-commerce ou, très probablement à moyen terme, le régime IP.

Rapprocher le taux facial du taux effectif

On préconise dorénavant un rapprochement du taux facial et du taux effectif. Selon les études, le taux d’impôt effectif appliqué aux sociétés internationales oscille entre 2,4 et 4,1%. Pour Wim Piot, tax leader chez PwC, le Luxembourg devrait sérieusement considérer l’abaissement du taux global d’imposition des sociétés qui, aujourd’hui à 29,2%, se situe dans la moyenne haute des pays européens, et de l’impôt sur le revenu, dont la tranche la plus élevée est passée à 43,6%.

Et la tendance haussière de l’imposition est bien évidemment aussi stigmatisée à travers le débat. Pour les professionnels de la Place, il est temps d’adresser un message positif aux banques, aux multinationales et aux gestionnaires qui envisageraient de transférer leur direction au Grand-Duché. Surtout après avoir lâché sur l’échange automatique d’informations fiscales.

Tous s’inquiètent de voir la stabilité vantée à l’étranger pendant deux décennies s’effriter avec la conjugaison des coups de boutoir des instances internationales et du changement de gouvernement. Le message est donc passé.