Cinq ministres européens ont décidé d’aller plus loin que les discussions lors du Conseil Écofin du 5 décembre dernier en interpellant le secrétaire américain du Trésor. (Phto : Consilium)

Cinq ministres européens ont décidé d’aller plus loin que les discussions lors du Conseil Écofin du 5 décembre dernier en interpellant le secrétaire américain du Trésor. (Phto : Consilium)

Si le président américain Donald Trump – et les entreprises qu’il cherche à flatter – compte beaucoup sur la réforme fiscale soumise au Congrès à l’automne pour redorer son bilan à la tête des États-Unis, celle-ci fait trembler les capitales européennes. Le sujet a d’ailleurs été mis à l’ordre du jour du Conseil Écofin la semaine dernière, réunissant les ministres de l’Économie et des Finances de l’UE28.

Ce n’est pas tant la perspective de voir le taux d’imposition des sociétés passer de 35 à 20% (ou 22% selon les négociations au sein du Congrès) qui empêche les ministres européens de dormir. Cette mesure s’inscrit dans une tendance mondiale qui a vu la moyenne des taux d’imposition au sein de l’OCDE atteindre 23%. Même la France compte atteindre un taux de 25% d’ici 2022.

La réforme fiscale révolutionne surtout la taxation des multinationales américaines. Donald Trump vise à faire tomber la règle en vigueur depuis John Fitzgerald Kennedy qui veut que les profits des multinationales réalisés à l’étranger ne soient taxés aux États-Unis seulement si ces profits y sont rapatriés. Washington passerait ainsi à une imposition territoriale en taxant tous les profits, rapatriés ou non, à 14%. Tout en imposant des garde-fous pour empêcher ces profits de partir sous les cocotiers d’une juridiction plus attractive. Des mesures qui pourraient, selon les craintes de Paris et Berlin, violer les règles de non-discrimination de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et des conventions fiscales bilatérales vouées à éviter une double imposition.

Étant donné que la moitié de nos échanges commerciaux correspondent à des flux intragroupes, ceci risque d’entraver sérieusement le commerce et les flux d’investissement entre nos deux régions.

Lettre des cinq ministres des Finances européens au secrétaire américain du Trésor

«Certaines règles fiscales peu conventionnelles pourraient entrer en conflit avec les conventions fiscales américaines et risquent d’altérer sensiblement le commerce international», alerte la lettre au Trésor américain signée par les ministres des Finances français, allemand, britannique, espagnol et italien, selon Les Échos.

La réforme fiscale introduit également un droit d’accise (excise tax) de 20% sur les paiements entre une entité américaine et étrangère d’un même groupe. «Étant donné que la moitié de nos échanges commerciaux correspondent à des flux intragroupes, ceci risque d’entraver sérieusement le commerce et les flux d’investissement entre nos deux régions», protestent les ministres européens. Pour échapper à cette taxe, les sociétés devraient déclarer un établissement stable aux États-Unis et donc y payer l’impôt sur les sociétés.

Les transactions financières intragroupes seraient également touchées par un impôt minimum de 10% contre l’érosion de la base fiscale, ce qui est interprété par les ministres européens comme une «discrimination en faveur des opérations intra-américaines».

Une réforme cruciale pour Donald Trump

La réforme fiscale prévoit enfin un taux préférentiel de 12,5% sur les revenus tirés de la propriété intellectuelle à l’étranger, ce qui «revient à subventionner les exportations par rapport à la production locale», s’inquiètent les États européens, qui pointent également une violation des lignes directrices de l’OCDE en matière de lutte contre l’évasion fiscale.

Reste à savoir si les élus du Congrès américain écouteront les mises en garde européennes. Le projet de réforme peut encore évoluer au gré des négociations parlementaires, même s’il faut garder à l’esprit qu’il tient particulièrement à cœur au président américain, soucieux de choyer les grandes entreprises américaines.