Lynn Zoenen relaie les inquiétudes de la Chambre de commerce face à la politique commerciale et même fiscale de Donald Trump. (Photo: Chambre de Commerce)

Lynn Zoenen relaie les inquiétudes de la Chambre de commerce face à la politique commerciale et même fiscale de Donald Trump. (Photo: Chambre de Commerce)

Donald Trump avait multiplié les annonces en matière de politique commerciale. A-t-il été aussi actif que promis?

«La situation est un peu biaisée. Plusieurs retraits ont été annoncés ou sont en cours. Le premier a été celui du Trans-pacific parternship (TPP) qui avait été signé par 12 pays de l’Asie pacifique en 2015. C’est une décision difficile à comprendre du point de vue économique surtout que M. Trump a quand même été sévère envers la Chine avec une série de sanctions. Or, ce retrait redonne à la Chine une marge de manœuvre pour assumer un rôle central dans la région.

Il a également stoppé les négociations sur l’accord TTIP (Tafta), en projet avec l’UE, qui n’est plus vraiment discuté. Du côté de la Chambre de commerce, nous espérons quand même pouvoir retravailler là-dessus parce que les États-Unis sont quand même une destination d’exportation importante pour le Luxembourg en dehors de l’UE. C’est regrettable.

Donald Trump a aussi lancé de nouvelles négociations sur l’accord de libre-échange nord-américain avec le Mexique et le Canada. C’est un accord qui éliminait complètement les droits de douane sur la plupart des produits. Il a introduit une clause de résiliation qui mettrait fin à l’accord au bout de cinq ans si les trois pays ne le renouvellent pas. Idem pour l’accord de libre-échange avec la Corée du Sud: il a laissé entendre qu’il envisageait un retrait.

À l’exception du TPP, ces annonces sont toujours pour le président américain un moyen de tenir ses promesses de campagne. Il veut tenir ses promesses tout en sachant qu’elles pourraient avoir des effets néfastes. C’est pourquoi il essaie de renégocier ces accords plutôt que se retirer unilatéralement. Sans oublier que ses promesses phares comme la construction d’un mur à la frontière mexicaine ou le démantèlement de la réforme de l’assurance santé Obamacare sont très loin être accomplies - pour Obamacare, il a même complètement échoué.

On voit très bien qu’il s’agit d’un agenda quand même assez protectionniste.

Lynn Zoenen, conseillère à la Chambre de commerce

Ce qu’on peut observer, c’est que la politique commerciale de cette administration est vraiment basée sur des rapports de force. Ceux-ci s’avèrent plus compliqués avec la Chine.

Plus récemment, les États-Unis ont annoncé qu’ils souhaitaient imposer des droits antidumping entre 97 et 162% sur les importations de feuilles en aluminium provenant de Chine. Mais cela ne concerne pas que la Chine. Le département américain au Commerce a laissé entendre son intention d’imposer une taxe de 3 à 148% sur les importations d’acier et de produits sidérurgiques provenant d’Autriche, d’Italie, de Belgique, de France, d’Allemagne et du Japon. On voit très bien qu’il s’agit d’un agenda quand même assez protectionniste. C’est une approche qui va à l’encontre de tout ce qui a été convenu en matière de règles multilatérales. Il s’agit d’une tendance à attaquer le multilatéralisme qui est assez dangereuse si l’on tient compte des leçons que l’on aurait dû tirer des guerres commerciales des années 1930.

Qu’en est-il de la politique fiscale de Donald Trump?

«Il a récemment présenté son projet de réforme fiscale. Il prévoit de faire plonger l’impôt sur les sociétés de 35% à 20% (au lieu de 15% annoncé lors de sa campagne). Il faut quand même dire que 35% correspondent à un des taux les plus élevés au monde. Si ce taux s’établit à 20% à partir de 2018, il se trouvera en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE (autour de 22,5%). C’est un taux à surveiller d’autant que le taux nominal global au Luxembourg va passer de 29 à 26%.

Une autre disposition du projet de réforme fiscale s’avère particulièrement inquiétante. La taxe aux frontières (border adjustment tax) a été abandonnée en raison de son impact nocif sur les consommateurs, mais elle ressurgit sous la forme d’une taxe sur les paiements à l’intérieur d’un groupe international. C’est-à-dire que les produits vendus aux États-Unis par une entreprise et fabriqués dans une usine à l’étranger seraient taxés à 20% alors que ceux fabriqués sur le sol américain ne le seraient pas.  

Cela pose problème, car ces paiements sont déjà taxés par les autorités locales. Cette disposition rompt avec les accords de non double imposition en vigueur et va potentiellement nuire aux entreprises européennes qui font du commerce avec les États-Unis.

Le président américain avait annoncé cette réforme pour fin 2017 pour une entrée en vigueur en 2018. Et il semble assez déterminé à la faire passer, aussi pour convaincre les entreprises qu’il prend des mesures en leur faveur.

L’économie américaine se trouve désormais quasiment en plein emploi, mais en même temps la rémunération horaire moyenne a calé.

Lynn Zoenen, conseillère à la Chambre de commerce

La volonté du président américain de rapatrier les bénéfices réalisés à l’étranger par les multinationales américaines peut-elle avoir des effets sur le Luxembourg?

«Il s’agit clairement d’une barrière au commerce international. Avec l’introduction de mesures pareilles, il existe toujours un risque que les entreprises relocalisent à un endroit où elles auraient plus d’avantages. Il faut voir si cela vraiment entrer en vigueur sous la forme proposée.

Quel est le bilan de Donald Trump en matière de chômage?

«Le taux de chômage s’établit à 4,1% - et 7,9% au sens large, en comptant toutes les personnes considérées comme inactives, mais désireuses de reprendre un emploi. C’est le taux le plus bas depuis presque 17 ans. L’économie américaine se trouve désormais quasiment en plein emploi, mais en même temps la rémunération horaire moyenne a calé. Et la création d’emplois va ralentir à l’avenir.

Donald Trump avait aussi multiplié les déclarations climatosceptiques durant sa campagne. Comment cela s’est-il traduit depuis son élection?

«Il a annoncé en juin le retrait américain de l’accord de Paris, ce qui est une nouvelle assez néfaste puisque les États-Unis pèsent 14% des émissions mondiales de CO2. En même temps, il ne pourra enclencher le processus de retrait qu’à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur de l’accord, soit pas avant novembre 2019. Et il s’est produit plusieurs revirements depuis le mois de juin: en septembre, le président américain a indiqué que les États-Unis souhaitaient de nouveau passer en revue les termes de l’accord.»