Damien Petit, head of portfolio management, Banque de Luxembourg. (Photo: Banque de Luxembourg)

Damien Petit, head of portfolio management, Banque de Luxembourg. (Photo: Banque de Luxembourg)

Les autorités monétaires ont ainsi procédé au quatrième relèvement de taux depuis décembre 2015, en dépit, d’une part, de l’échec actuel de l’administration Trump à redynamiser la croissance, et, d’autre part, d’une inflation toujours très modérée. Le déflateur des prix à la consommation hors énergie et alimentation - la mesure d’inflation privilégiée par la Fed - affichait en effet une hausse limitée de 1,4% sur base annuelle en mai, soit la plus faible progression depuis fin 2015.

À l’issue de la dernière réunion de politique monétaire, deux éléments importants doivent toutefois être relevés. Premièrement, les membres de la Fed ont laissé inchangées leurs prévisions concernant la trajectoire des taux directeurs, tablant sur trois hausses sur l’ensemble de l’année 2017 et trois nouveaux relèvements en 2018, marquant ainsi un décalage (très) important par rapport aux attentes du marché, nettement plus prudentes. Deuxièmement, les autorités monétaires américaines ont explicité les modalités du processus de réduction de la taille du bilan de la Banque centrale. Ce dernier débutera très probablement avant fin 2017. Le montant des obligations échues non réinvesties s’élèvera dans un premier temps à $10 milliards sur base mensuelle ($6 milliards d’obligations gouvernementales et $4 milliards d’obligations adossées à des créances hypothécaires). Tous les trois mois, ce montant sera augmenté de $10 milliards, et ce jusqu’à ce que soit atteint un montant de $50 milliards, rythme final de croisière (soit $600 milliards sur base annuelle, dont $360 milliards d’obligations souveraines). Janet Yellen, la présidente de la Fed, a en outre clairement précisé qu’au terme de l’opération, la taille du bilan restera supérieure à celle prévalant avant la crise financière. Dans l’hypothèse d’un objectif de bilan fixé à $2.000 milliards (contre $4.500 milliards actuellement), ce processus de réduction s’étalerait sur une période de l’ordre de 5 ans.

En zone euro, son homologue Mario Draghi a évoqué «un élargissement et un approfondissement de la reprise» lors d’une intervention au forum annuel de la Banque centrale européenne. Toujours selon le président de la BCE, les «forces déflationnistes sont dorénavant remplacées par des forces réflationnistes». Les marchés ont interprété ces propos comme le signal de l’annonce prochaine par la BCE d’une réduction des achats d’actifs, entraînant une envolée de l’euro et une nette remontée des rendements obligataires. 

Certes, la dynamique économique est toujours favorable en zone euro. De plus, contrairement aux USA, les statistiques de conjoncture continuent de surprendre positivement. Néanmoins, la croissance des prix - 1,3% sur base annuelle en juin - reste très éloignée de l’objectif de la BCE. La faiblesse des prix pétroliers et l’absence de pression sur les salaires limitent tout potentiel d’accélération nette de la croissance des prix à brève échéance. Dans ce contexte, s’il est raisonnable d’anticiper une réduction progressive du volume d’obligations achetées par la BCE, les autorités monétaires devraient se montrer prudentes et conserver très probablement un biais sensiblement accommodant.

La remontée des rendements obligataires en zone euro a pesé sur les marchés actions européens. Il est pour le moins hâtif d’envisager une remontée brutale et significative des taux à long terme au sein de la zone euro, et plus généralement au niveau des pays développés. D’une part, le potentiel de croissance des économies a fortement reculé durant la dernière décennie. D’autre part, le niveau d’endettement actuel ne permet pas d’envisager ce scénario, sous peine d’un retour rapide en récession. Enfin, les tendances désinflationnistes (digitalisation…) restent d’actualité. Un tel environnement (croissance molle, couplée à une inflation très modérée) reste favorable aux actions, faute d’alternatives. L’investisseur se doit toutefois de reconsidérer ses attentes de rendement à la baisse, compte tenu des niveaux de valorisation actuellement plus tendus.