Jean-Marc Chiaradia: «Grâce à des prévisions de croissance supérieures aux estimations et une maîtrise des coûts, le profil des marges des sociétés européennes peut enfin s’améliorer.» (Photo: Luc Deflorenne / archives)

Jean-Marc Chiaradia: «Grâce à des prévisions de croissance supérieures aux estimations et une maîtrise des coûts, le profil des marges des sociétés européennes peut enfin s’améliorer.» (Photo: Luc Deflorenne / archives)

L’écueil d’un second tour de la présidentielle française entre candidats eurosceptiques a été évité. Les sondages se sont finalement révélés assez précis, et à en croire les derniers publiés, Emmanuel Macron devrait devenir le nouveau président de la République. À moins que les enquêtes ne se révèlent inexactes et que Marine Le Pen ne devienne le chef du gouvernement, nous pouvons nous pencher sur les perspectives positives.

Quelle est la situation économique?

L’indice des directeurs d’achat de l’Institut de gestion des approvisionnements, appelé PMI manufacturier, permet d’évaluer le sentiment de confiance des entrepreneurs. Un résultat au-dessus de 50 indique une expansion de l’industrie, un niveau en dessous signale une contraction. L’indice du secteur manufacturier de la zone euro continue d’accélérer sa progression sur les derniers mois, et atteint un plus haut sur 71 mois en mars. À l’exception de la Grèce, tous les pays sondés par l’agence Markit se situent en zone d’expansion. La reprise européenne touche aussi une grande partie des secteurs, la dispersion entre les taux de croissance de ceux-ci est en effet la plus faible depuis l’introduction de l’euro.

L’Europe profite de la bonne tenue des importations chinoises, du plan de relance Juncker, et, plus globalement, de l’amélioration de la conjoncture mondiale. Les dépenses en investissements, longtemps mises en attente, devraient profiter de la vigueur de l’économie industrielle. La spirale vertueuse pourra ensuite permettre une réappréciation des salaires et une reprise de l’activité de crédit.

Sans surprise négative, la persistance d’un PMI supérieur à 55 pour la région euro plaide pour une croissance du PIB réel d’un niveau proche de 2%.

Quelles sont les conditions de financement?

Même si la reprise de l’activité économique en zone euro est sur de bons rails, Mario Draghi continue de privilégier une politique monétaire hyper-expansionniste. Le programme d’achats d’obligations de la BCE a été prolongé jusqu’à la fin de l’année, certes diminué de 80 à 60 milliards par mois, mais son champ d’action a été augmenté. Les résultats sont satisfaisants, les taux étatiques restent bas et les conditions de crédit aux entreprises commencent à s’assouplir. Selon la dernière enquête de la BCE, le quantitative easing améliore la position de liquidité des banques, ainsi que leurs conditions de financement sur les marchés. En concomitance, les grandes entreprises demandent moins d’opérations d’ingénierie financière, telles que le refinancement, le rachat d’actions propres ou des fusions et acquisitions. Dans un tel cadre, le flux de financement se dirige plutôt vers les PME, tissu essentiel à la santé économique européenne.

Les écarts de taux entre les emprunts d’État et les obligations d’entreprises restent comprimés, les obligations high yield européennes affichent une performance positive sur 12 mois, grâce à une compression de la prime de risque pour cette classe d’actifs. Le marché monétaire montre aussi une possibilité de financement à un coût extrêmement bas.

Le spectre de la déflation semble s’éloigner de plus en plus, les dernières statistiques montrent un indice des prix à la consommation en hausse de 2% sur un an. Les effets de base sur les prix du pétrole y sont pour beaucoup. En conséquence, le directeur de la Banque centrale européenne a décidé de relever ses prévisions d’inflation de 1,3% à 1,7% pour 2017.

Dans ce contexte, le taux allemand 10 ans semble complètement déconnecté de ses fondamentaux. Le différentiel avec le taux américain reste substantiel, présentant un écart de 2% pour les taux 2 ans comme pour les taux 10 ans.

L’expansion des multiples de valorisation pour les actions européennes est possible vu la faiblesse des taux face à une croissance nominale potentielle largement supérieure.

Quels sont les leviers sur la rentabilité?

La faiblesse de l’euro face au dollar permet aux entreprises d’être à nouveau compétitives. En parité de pouvoir d’achat, la devise commune est sous-évaluée d’une quinzaine de pour cent face au billet vert. Par ailleurs, les chiffres d’affaires des sociétés cotées sur le Vieux Continent profitent pour la plupart d’une forte exposition à l’internationale. La comptabilisation du chiffre d’affaires en dollar apporte un effet positif de traduction en euro.

Alors que les Américains flirtent avec le plein emploi, la réserve de main-d’œuvre en Europe semble abondante. Le taux de chômage est proche de 10%. Certes, il y a des pénuries de personnes qualifiées dans certains secteurs. Aussi, plusieurs économies de la zone commencent à ressentir des pressions sur les salaires, c’est le cas notamment de l’Allemagne. Mais, en général, le potentiel d’inflation des coûts salariaux reste tout de même modéré pour les entreprises du continent.

Malgré des prix de l’énergie qui ont doublé en l’espace d’un an et une dépendance énergétique importante, l’Europe n’est pas désavantagée face aux autres puissances économiques. Le coût du pétrole se situant près de son coût marginal, l’entrepreneur ne sera pas désavantagé sur sa facture énergétique par rapport à ses compétiteurs extérieurs.

En ce qui concerne les prix de l’immobilier, la plupart des prix ont stagné en Europe continentale, voire diminué. En plus du Grand-Duché de Luxembourg, l’Allemagne fait figure d’exception: alors que les résidences étaient très bon marché, les prix se sont redressés grâce à des conditions de financement ultra avantageuses. En général, s’établir en Europe ne coûte pas plus cher qu’il y a 10 ans. Relativement, le Vieux Continent présente donc un avantage.

Grâce à des prévisions de croissance supérieures aux estimations et une maîtrise des coûts, le profil des marges des sociétés européennes peut enfin s’améliorer.

Tout en respectant le suffrage universel, les élections françaises et allemandes pourraient tourner en faveur d’un duo Macron–Schulz, un scénario qui permettrait plus de souveraineté et plus de fédéralisme à l’Europe. Cela devrait permettre un retour de flux de capitaux vers les actions européennes, davantage en ligne avec les fondamentaux économiques positifs de la zone euro.