La place financière luxembourgeoise peut respirer: le relèvement de la note du Luxembourg par le Forum mondial sur la transparence de l'OCDE va avoir pour effet de faciliter les relations financières avec les institutions comme la BEI ou la BERD. (Photo: Licence C.C.)

La place financière luxembourgeoise peut respirer: le relèvement de la note du Luxembourg par le Forum mondial sur la transparence de l'OCDE va avoir pour effet de faciliter les relations financières avec les institutions comme la BEI ou la BERD. (Photo: Licence C.C.)

«Aujourd'hui est un bon jour pour le Luxembourg, car notre réputation est rétablie», entame tout de go Pierre Gramegna devant la presse avec une joie non contenue. «Le Luxembourg a réussi la phase II, il est maintenant 'largement conforme'», au même titre que «la majorité des grands pays comme les États-Unis, l'Allemagne, la France ou les Pays-Bas».

Le Luxembourg avait été jugé «non conforme» lors du précédent examen par le Forum mondial sur la transparence en novembre 2013. À l'époque, il avait passé sans encombre la phase I, pouvant justifier d'un cadre légal propice à l'échange d'informations avec les administrations fiscales des autres pays. Mais il avait été recalé lors de la phase II visant à évaluer les pratiques concrètes d'échanges de renseignements.

«Bien que son cadre juridique et réglementaire assure que les informations bancaires, comptables ou relatives à la propriété sont disponibles, le Luxembourg n'a pas utilisé ses capacités de récolte de l'information et d'application de la loi pour obtenir dans tous les cas les informations demandées», avait jugé le forum, soulignant tout de même que «malgré ces faiblesses, le Luxembourg échange de fait des quantités considérables d'informations, et ce dans le respect des délais».

C'est cette phase II qui faisait l'objet d'un réexamen accéléré accordé au Grand-Duché en janvier dernier. «Normalement, le délai [entre deux examens] est plus long qu'un an», se réjouit Pierre Gramegna. Il faut dire qu'il n'a pas ménagé ses efforts depuis son arrivée au ministère des Finances. «C'était le sujet prioritaire de notre tout premier Conseil de gouvernement, le 4 décembre 2013», une semaine après l'annonce tonitruante de la «non-conformité» du Luxembourg.

Il y avait en effet péril en la demeure puisque «les institutions financières telles que la BEI ou encore la BERD menaçaient de ne plus utiliser la place financière luxembourgeoise pour leurs opérations si le Luxembourg ne négociait pas une période de grâce avec ces institutions, et ce sur la base d'un calendrier rigoureux avec leur panoplie de mesures législatives».

Les règles sont en train de changer pour tout le monde.

Pierre Gramegna, ministre des Finances

L'année 2014 sera consacrée à un véritable marathon pour faire rentrer le Luxembourg dans les clous de l'OCDE. En mars, il abandonne officiellement le secret bancaire dans le contexte de la mise en œuvre de l'échange automatique d'informations pour les résidents de l'Union européenne et signe le traité Fatca qui concerne les ressortissants américains. Une série de lois vient compléter l'arsenal du Luxembourg: approbation de la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale datant de 2013 (26 mai), réglementation des actions au porteur (29 juillet), procédure applicable à l'échange de renseignements sur demande (25 novembre)... Et le 29 octobre, le Luxembourg signe avec ses partenaires européens la déclaration de Berlin quant à l'introduction de l'échange automatique d'informations sur la base des nouveaux standards établis par l'OCDE. Le Grand-Duché fait d'ailleurs partie des premiers à la transposer dans son droit national puisqu'elle sera appliquée dès 2017.

«Ça n'a pas été un chemin simple», juge Pierre Gramegna, mais «notre réputation est rétablie». Cela devrait faciliter la «promotion du pays» par les banques et les institutions financières après «des années difficiles tant le Luxembourg était stigmatisé».

Mais le combat n'est pas terminé. Au-delà de la conformité aux nouvelles règles internationales, le Luxembourg a mené «une politique active pour trouver un cadre réglementaire international équitable» (level playing field) que ce soit au niveau européen ou mondial. Il a profité de la présidence du Conseil de l'UE pour faire des questions fiscales une priorité. L'aboutissement de cette politique est, le 6 octobre, l'accord politique au niveau de l'UE pour l'échange automatique d'informations. La semaine dernière, le Luxembourg a signé au nom de l'UE un accord bilatéral avec le Liechtenstein adoptant l'échange automatique selon les nouvelles règles de l'OCDE.

«Nous sommes à un moment où le contexte change», souligne le ministre des Finances. «Les règles sont en train de changer pour tout le monde. Les esprits critiques disaient que cela nous rendrait moins compétitifs, mais le fait que la plupart des pays aient consenti des efforts montre que nous avons agi dans l'intérêt du pays.» Et de rappeler que le Luxembourg restera «prudent» à l'avenir, tant dans la mise en œuvre des nouvelles règles que dans l'observation de ses pairs «pour s'assurer que les autres participent aussi».

Concernant le dossier Fiat - le ruling accordé par le Luxembourg au constructeur vient d'être épinglé par la Commission européenne -, Pierre Gramegna a réitéré son désaccord. Une «analyse substantielle» est en cours afin de déterminer si l'État luxembourgeois fera appel ou non. Il avance que la Commission a soulevé de «nouveaux arguments» jamais utilisés auparavant concernant le prix de transfert - une interprétation qui pourrait faire jurisprudence si elle n'est pas contrée. «C'est une question qui concerne tous les rulings en Europe», avertit le ministre des Finances.