LSK est domiciliée boulevard Royal. (Photo: Luc Deflorenne)

LSK est domiciliée boulevard Royal. (Photo: Luc Deflorenne)

La holding financière Leyne Strauss-Kahn (LSK) cherche à faire taire la presse luxembourgeoise et a assigné l’éditeur de paperJam.lu, MM Publishing and Media, devant le tribunal des référés pour empêcher la publication d’un article relatant un litige commercial avec l’assureur Bâloise.

L’affaire, fixée ce mercredi 3 septembre à 14h30 au Tribunal de Luxembourg, devrait faire date. Il est en effet très rare qu’une société financière luxembourgeoise et l’un de ses actionnaires, en l’occurrence LSK et Thierry Leyne, saisissent la justice par voie de référé pour faire interdire la publication d’un article sous prétexte que celle-ci «ne sera justifiée par aucun motif d’intérêt public», comme veut le faire croire l'assignation envoyée à MM Publishing and Media.

Or, paperJam.lu et son éditeur voient justement un grand intérêt à faire la lumière sur un litige commercial engageant deux sociétés d’importance au Grand-Duché. Mike Koedinger, CEO et fondateur de Maison Moderne (marque principale de MM Publishing and Media), a donc décidé de faire publier l’article incriminé, désapprouvant «cette tentative d’intimidation sur une maison d’édition qui revendique tous les jours, par son travail, son indépendance».

Pierre Hurt (Lutgen & Associés), avocat de Maison Moderne assisté dans ce dossier par Marc Kohnen, de la même étude, voit lui aussi dans la manœuvre «une tentative inacceptable de nuire à la liberté d’expression et à la liberté de la presse».

La rédaction de paperJam.lu a bien sûr été surprise par cette assignation. Les journalistes sont convaincus d'avoir dûment fait leur travail pour obtenir une vue équilibrée du litige, en contactant notamment toutes les parties en cause. Aussi, après que l’affaire a été appelée publiquement devant le Tribunal des référés, les dirigeants de LSK ont été contactés pour offrir leur point de vue sur la procédure.

De multiples contacts entre la rédaction et la société

Thierry Leyne, administrateur de LSK, a d’ailleurs contacté à plusieurs reprises les journalistes de la rédaction, d’abord pour minimiser l’importance du litige avec Bâloise, ensuite pour évoquer la riposte «forte» qu’il entendait donner à l’assureur.

Or, cette réponse passe visiblement par une volonté de limiter la liberté de la presse. «Compte tenu de l’intérêt médiatique suscité par les personnes physiques et morales impliquées dans le litige que l’article entend commenter et rendre public, il y a (…) tout lieu de craindre à un réel préjudice pour l’honneur et la réputation de ces personnes», souligne l’assignation de LSK – nom donné au groupe Anatevka après l’arrivée en 2013 de l’ancien directeur général du FMI – contre Maison Moderne.

Selon le texte de l’assignation, «même si l’information publiée devait s’avérer véridique ou même précise, les conséquences seront les mêmes, car il ne s’agirait pas moins le cas échéant d’une divulgation susceptible de tomber sous l’article 449 du Code pénal dans la mesure où toute publication concernant cette affaire ne sera justifiée par aucun motif d’intérêt public ou privé et n’aura aucun autre but que de nuire aux requérants».

Maximum de 2,5 millions d'euros

La holding financière demande au juge que l’article ne soit pas publié jusqu’au jugement définitif sous peine d’une astreinte de 50.000 euros par infraction constatée, avec un maximum de 2,5 millions d’euros.

Les avocats de Maison Moderne considèrent que l'affaire concerne des personnages publics de premier plan, qu’elle a trait à un litige commercial et ne concerne donc pas la vie privée. Maison Moderne estime, elle, qu’il existe un intérêt public à connaître cette affaire qui sera de surcroît débattue en audience publique. Rien ne justifie donc une restriction à la liberté d'expression.

Le litige initial porte sur le rachat de titres de sociétés du groupe LSK que Bâloise Vie Luxembourg avait en portefeuille et que l’assureur considérait comme une surexposition non souhaitée. Un accord avait été signé en septembre 2013 avec LSK et la société Assya Asset Management, une de ses filiales, pour le rachat des titres. Or, un prétendu non respect d’échéances du calendrier a poussé Bâloise a assigné le groupe de Thierry Leyne en justice.