Maggy Nagel avait pris Daniel Miltgen en grippe après la coupure intempestive des crédits au FDL par la banque ING. (Photo: Charles Caratini)

Maggy Nagel avait pris Daniel Miltgen en grippe après la coupure intempestive des crédits au FDL par la banque ING. (Photo: Charles Caratini)

Le 26 février dernier, le ministère du Logement faisait une communication inhabituelle au sujet d’une rencontre entre la ministre de tutelle, Maggy Nagel, et la délégation du personnel du Fonds du logement (FDL). La ministre, explique le communiqué de presse, «tenait à l’informer par voie directe, sur la situation actuelle auprès du Fonds du logement et notamment de l’information donnée au Parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, concernant une convention conclue entre le Fonds du logement et un promoteur privé».

On a aussi parlé de l’audit interne en cours réalisé par la firme PwC en vue d’une réforme du FDL «dans un esprit d’équipe» et du fait que «de nombreux membres du personnel se sont mis à disposition pour participer aux entretiens avec l’auditeur», lit-on aussi. «La ministre a rassuré la délégation quant à la confiance qu’elle a envers les collaborateurs du Fonds du logement», souligne encore le communiqué du ministère, qui évoque l’«atmosphère constructive» dans laquelle cette réunion serait intervenue. Elle a eu lieu en dehors du cadre conventionnel puisque le seul interlocuteur de la ministre au FDL doit être, en principe, son dirigeant et non pas les délégués du personnel. La question est de savoir si une telle défiance préexistait à cette rencontre entre Daniel Miltgen et les employés de l’établissement public. Quoi qu’il en soit, c’est Nagel qui avait demandé à voir la délégation.

Les termes utilisés dans la communication du gouvernement, après cette réunion, avaient été bien pesés, sans doute dans le but de creuser le fossé entre le président du FDL, Daniel Miltgen, depuis longtemps dans le collimateur de Maggy Nagel – sans doute bien avant qu’elle arrive au gouvernement, du temps de son mandat de bourgmestre de Mondorf, l’une des rares communes du Grand-Duché à n’avoir aucun logement social –, et l’établissement public qu’il dirige depuis 25 ans, avec ses 60 employés.

En faisant part, le 6 mars, à Miltgen, de son intention de le révoquer pour perte de confiance, la ministre entend reprendre la main sur l’établissement public et placer à sa tête une personne qui épouse mieux les vues du gouvernement sur une question aussi cruciale que celle de l’accès au logement à des prix raisonnables.

Au cœur d’une chasse à l’homme?

Les points de friction entre Maggy Nagel et Daniel Miltgen n’ont pas manqué ces derniers mois, entre les heures supplémentaires indues du chef de la comptabilité à la coupure intempestive d’une ligne de crédit de la banque ING en passant par les libertés que le patron du FDL s’étaient permises pour l’acquisition de terrains à Leudelange-Gare en vue d’y faire construire des logements sociaux.

L’audit commandité par la ministre a sans doute contribué à mettre le feu aux poudres, sans doute parce que Miltgen a dû le ressentir comme la volonté de Nagel de trouver là un prétexte commode pour l’écarter de la direction du Fonds. Il en avait d’ailleurs pris ombrage et il l’interprétait comme un «acharnement», comme en témoigne une de ses notes circulant au FDL.

S’il ne remettait pas en cause le principe de l’audit («il s’inscrit», écrivait-il, «dans les missions attribuées au ministre de surveiller toutes les activités du Fonds et il peut en tout temps contrôler ou faire contrôler la gestion»), il faisait connaître en revanche ses réticences sur la manière dont il a été mené («sur base d’interrogatoires des salariés» relevant du statut d’employés privés) et qui ont sans doute fait croire à Miltgen qu’il était au cœur d’une chasse à l’homme. «Sur base de ces entretiens», notait-il, «les auditeurs escomptent obtenir des informations sur des éventuelles défaillances de la direction dans le management de cette entreprise publique.»

Miltgen a alors cru bon de rappeler aux collaborateurs du FDL les dispositions de leurs contrats de travail leur interdisant de fournir des «informations quelconques» à des tiers, en l’occurrence à PwC, et à la ministre du Logement. Il a jugé que les «interrogatoires» de PwC se sont faits «à défaut d’une autorisation de l’autorité compétente», c’est-à-dire lui.

Base légale de l’audit en question

Il y avait toutefois pire à ses yeux. «Madame la Ministre, lors d’une entrevue ordonnée au personnel du Fonds, au siège social de celui-ci, avant le commencement des travaux d’audit, a expressis verbis défendu à la direction de s’immiscer dans l’audit ou de participer à ces interrogatoires.» «Par cette action», poursuit la note, «Madame la Ministre a quasiment forcé les employés du Fonds à participer à des interrogatoires et à enfreindre ainsi leur propre contrat de travail. De ce fait, elle a exposé les salariés interpellés à d’éventuelles sanctions disciplinaires de la part de leur employeur, à savoir le Fonds du logement.» 

Daniel Miltgen posait dès lors la question de savoir si Maggy Nagel n’avait pas fait là un abus de pouvoir, renvoyant ainsi l’ascenseur à la ministre qui le soupçonnait, lui, des mêmes griefs dans le dossier de Leudelange. On ignore à ce stade si le président du comité directeur du FDL a été jusqu’à prendre des sanctions disciplinaires contre les salariés qui auraient été s’épancher devant les auditeurs de PwC.

Miltgen pose en tout cas dans sa note la question de la validité d’un audit qui aurait été élaboré sur la base d’informations et d’indications illicitement acquises.

Pour sa part, Maggy Nagel avait également remis en cause la légalité d’une autre mission d’audit (pour défaut de contre-signature par deux membres du comité directeur et défaut d’information), également attribuée à PwC pour examiner le dossier des heures sup du chef comptable. La ministre a évoqué cette défaillance dans le dossier de révocation du président du Fonds.

À se demander jusqu’où, désormais, ira le déballage de linge sale.