Antonio Corpas, CEO de OneLife, et Frédéric Sauvage, directeur commercial au sein de Bâloise Vie. (Photo: Matic Zorman)

Antonio Corpas, CEO de OneLife, et Frédéric Sauvage, directeur commercial au sein de Bâloise Vie. (Photo: Matic Zorman)

Selon les chiffres du Statec, l’assurance-vie reste le premier produit d’assurance au Luxembourg. Toutefois, la nature des contrats d’assurance-vie a quelque peu varié au cours des dernières années. Jusqu’il y a peu, les avantages fiscaux offerts par une assurance-vie ainsi que la promesse de rendements sûrs et confortables suffisaient à convaincre le plus grand nombre de placer une partie de leurs revenus dans des produits à rendement garanti.

Aujourd’hui, ce n’est cependant plus le cas. Les rendements des assurances-vie à taux garanti sont en effet au plus bas et les épargnants se tournent de plus en plus massivement vers des produits plus risqués, mais plus rémunérateurs. Les compagnies d’assurances luxembourgeoises ont ainsi vu le montant des contrats d’assurance-vie en unités de compte – où les primes sont placées dans des fonds d’investissement, des actions, etc. – augmenter de 30 millions d’euros en 2017. «Les investisseurs ont à présent compris que, face à la diminution des rendements, il faut prendre plus de risques, confirme Antonio Corpas, CEO de The OneLife Company (OneLife). C’est une évolution de fond que l’on constate sur de nombreux marchés. En France, par exemple, nous accompagnons de nombreux clients qui découvrent les contrats d’assurance-vie en unités de compte.»

Pour d’autres assureurs, le raisonnement n’est pourtant pas si mécanique. «Il est clair que cette situation pousse plus de personnes à choisir des contrats en unités de compte plutôt qu’à rendements garantis, abonde Frédéric Sauvage, directeur commercial au sein de Bâloise Vie. Mais nombre d’investisseurs continuent à vouloir limiter au maximum les risques au détriment de la performance. La finance comportementale a démontré le peu de rationalité dans le choix d’un investissement et nous voyons que nos clients optent pour des stratégies d’investissement très différentes.»

Des taux élevés perdus à jamais?

Cela dit, les rendements des produits d’assurance-vie à taux garanti pourraient très bien remonter à terme et susciter à nouveau les convoitises des investisseurs. «Certains signaux venus des États-Unis indiquent qu’une augmentation des taux est enclenchée. En Italie, les taux sont aussi en légère hausse en raison, notamment, de la situation politique instable, indique Frédéric Sauvage. L’augmentation des rendements renforcerait à long terme l’attrait des polices d’assurance-vie à taux garanti, aux dépens du marché des actions. Un tel mouvement aura un impact sur la valorisation des autres actifs…» Du côté de la compagnie OneLife, on ne croit toutefois pas trop à ce scénario. «Les taux d’intérêt sont encore bas et la Banque centrale européenne ne devrait pas les relever avant la fin de l’été prochain, explique Antonio Corpas. Et même si c’était le cas, on ne retrouvera quand même jamais les rendements d’il y a quelques années.»

L’attrait grandissant pour les produits d’assurance-vie plus risqués, mais offrant une rentabilité supérieure, devrait demeurer.

Antonio Corpas, CEO de OneLife

L’attrait grandissant pour les produits d’assurance-vie plus risqués, mais offrant une rentabilité supérieure devrait demeurer. Dans ce contexte, les produits luxembourgeois peuvent faire valoir quelques atouts non négligeables pour séduire une clientèle tant locale qu’internationale. «Lors du salon Patrimonia qui se tenait dernièrement à Lyon, j’ai pu constater que les produits luxembourgeois sont de mieux en mieux connus des investisseurs français, illustre Antonio Corpas. Les compagnies de l’Hexagone n’offrent pas les mêmes perspectives en termes de flexibilité des actifs sous-jacents, de rentabilité et de sécurisation.

La réglementation luxembourgeoise, à travers le triangle de sécurité qui fait de l’assuré le premier créancier de la compagnie sur les actifs représentatifs en cas de problème, n’a pas d’équivalent en France et est de nature à rassurer les épargnants. Elle a d’ailleurs été renforcée dernièrement pour octroyer à l’assuré la priorité en cas de faillite de l’assureur, non pas sur l’ensemble des actifs ségrégués, mais bien sur son propre actif individuel.»

En haut de l’affiche

Contrairement au chanteur au complet bleu qui, comme le chantait le regretté Charles Aznavour, avait longtemps attendu pour se voir en haut de l’affiche, le succès international des contrats luxembourgeois d’assurance-vie en unités de compte est pour le moins fulgurant. «Au-delà des dispositions réglementaires propres au Luxembourg, les compagnies d’assurances luxembourgeoises ont également développé une expertise unique qui leur permet de comprendre et de répondre aux besoins d’une clientèle internationale exigeante, explique Frédéric Sauvage. Qu’il s’agisse d’un ‘familiy office’ italien, d’une banque portugaise ou d’un CGP français, nous sommes en capacité de nous adapter à toutes les demandes. En outre, pour les personnes qui déménagent régulièrement et vivent dans plusieurs pays, les compagnies luxembourgeoises sont les mieux outillées pour fournir un contrat d’assurance adapté.» 

Le produit d’assurance-vie luxembourgeois se trouve déjà dans la boîte à outils institutionnelle française.

Antonio Corpas, CEO de OneLife

Ceci explique que «le produit d’assurance-vie luxembourgeois se trouve déjà dans la boîte à outils des gestionnaires de patrimoine en France, mais aussi dans la plupart des pays européens», selon Antonio Corpas, qui rappelle en outre que OneLife est capable d’assurer la portabilité du contrat d’assurance-vie et donc d’accompagner le souscripteur quand celui-ci change de pays de résidence. «Malgré tout, il reste encore du travail à faire pour que le public international prenne conscience de toutes les potentialités et de tout l’intérêt du Luxembourg en matière d’assurance-vie. L’Association des compagnies d’assurances mais aussi chacune des compagnies présentes sur le territoire multiplient les efforts dans ce sens.»

Digitalisation et réglementation

Garantir le succès de l’assurance-vie luxembourgeoise exige de bien appréhender certains défis. Les acteurs grand-ducaux peuvent cependant déjà se féliciter d’en avoir relevé plusieurs avec brio. Parmi ceux-ci, la traversée d’une impressionnante vague de réglementations qui a déferlé sur l’ensemble du monde de l’assurance. Les directives IDD et Priips ont en effet demandé un important effort de transformation interne. À cet égard, tous les assureurs ne sont pas égaux. «Étant très présents sur le marché belge, nous avions déjà dû adapter notre offre à la réglementation Twin Peaks II, indique Antonio Corpas.

Une partie essentielle de IDD, qui vise principalement à renforcer l’information des preneurs d’assurance et s’assurer que l’offre des assureurs est en adéquation avec les besoins du public, avait donc déjà été intégrée. Au-delà, la directive nous a conduits à travailler de manière beaucoup plus étroite avec nos divers partenaires, qui constituent le principal canal de distribution de nos produits et de communication auprès de nos clients.» La réglementation Priips a, quant à elle, donné plus de fil à retordre aux compagnies d’assurances. «Pour nous y conformer, nous avons développé, en partenariat avec EY, un outil entré en fonction depuis 2018, poursuit Antonio Corpas. Il permet à nos distributeurs d’obtenir les informations requises facilement grâce à un formulaire numérique disponible en ligne.»

Le corollaire de cette vague de réglementations est l’impact positif qu’elle a eu sur la digitalisation des compagnies d’assurances luxembourgeoises.

Frédéric Sauvage, directeur commercial au sein de Bâloise Vie

Le lien entre réglementation et digitalisation apparaît alors assez clairement. «On peut sans doute dire que le corollaire de cette vague de réglementation est l’impact positif qu’elle a eu sur la digitalisation des compagnies d’assurances luxembourgeoises», embraye Frédéric Sauvage. La culture de la confidentialité propre au monde de l’assurance luxembourgeois a en effet retardé la mise en place d’une vraie politique de digitalisation dans les différentes compagnies.

«Aujourd’hui, la transformation numérique de nos métiers n’est plus une option, mais une obligation qui est menée au pas de charge. Pour encadrer le processus de souscription des clients et la masse de documentation qui l’accompagne, il faut obligatoirement automatiser le processus, poursuit Frédéric Sauvage. En outre, tous les clients – toutes générations confondues – veulent aujourd’hui avoir un accès direct et aisé à l’information relative à leurs contrats et aux sous-jacents financiers. Toutes ces raisons expliquent que le processus de digitalisation sera complètement réalisé au sein de la Bâloise d’ici six à neuf mois. Et ce sera certainement le cas pour l’ensemble des compagnies dans les deux ans, si pas plus tôt.»

Digitaliser l’expérience client

L’urgence de mettre en place une vraie démarche digitale au sein des compagnies d’assurances dépasse désormais la seule exigence de se mettre en conformité réglementaire. «Le digital est un ‘must have’, d’abord parce qu’il n’est simplement pas possible de travailler correctement avec certains distributeurs, notamment des plates-formes de CGPI ou des institutionnels, par exemple, si l’on ne dispose pas des outils numériques adaptés, ajoute Antonio Corpas. Notre volonté, avec le digital, est d’aller plus loin et d’offrir une expérience client numérique optimale et unique, tout au long de la vie du contrat et de la relation que nous entretenons avec le client.

Ainsi, au-delà de l’outil Priips que nous avons mis en place, nous avons aussi développé des outils, des sites web et des applications qui permettent de consulter à tout moment l’état de sa police, de son portefeuille d’actifs et de ses transactions. Par ailleurs, nous offrons la possibilité de signer électroniquement des contrats et de réaliser des versements additionnels. La digitalisation de l’ensemble de la documentation est également effective. Dès lors, celle-ci est entièrement accessible, de manière sécurisée, pour nos clients. Enfin, nous proposons en France une offre 100% digitale avec la plate-forme Advize.»

Notre approche numérique est donc globale: elle concerne tant les clients que les équipes internes.

Antonio Corpas, CEO de OneLife

Il reste à voir si le personnel, lui, parvient à s’adapter aux nouvelles tendances exigences numériques. «Nous sentons nos collaborateurs motivés à l’idée de s’inscrire dans cette démarche, poursuit Antonio Corpas. Nous pensons qu’il est très important de les sensibiliser à ce sujet et de les impliquer fortement dans cette transformation digitale. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà organisé de nombreux événements internes, sous forme de journées numériques et d’animations portant sur ce sujet. Pour nos équipes commerciales comme pour les autres métiers présents dans l’entreprise, des outils numériques ont été mis en œuvre afin de les accompagner dans le développement commercial et de les rendre plus performants. Notre approche numérique est donc globale: elle concerne tant nos clients que nos partenaires et les équipes internes. 

Un excès de réglementation?

Si le renforcement de la réglementation, qui fait suite à la crise financière de 2008, a de nombreuses vertus, elle peut toutefois, selon Frédéric Sauvage, peser fortement sur la rentabilité des acteurs de l’assurance-vie et entraîner d’autres difficultés. «Il est clair que les intentions des législateurs qui ont mis au point ces différentes réglementations sont louables, puisqu’il s’agit d’abord de mieux protéger le souscripteur, explique-t-il. Toutefois, nous avons atteint un tel niveau de complexité de la législation que le consommateur n’est peut-être finalement pas mieux informé. Ce qui est clair, c’est qu’il a plus besoin que jamais d’un conseil professionnel pour bien comprendre l’investissement qu’il effectue.»

L’autre conséquence de cette inflation de réglementation réside dans la tentation, pour des compagnies présentes sur des marchés importants comme la France ou l’Italie, de limiter leurs offres ou du moins de les standardiser. «En travaillant de la sorte, ces compagnies ne peuvent plus répondre aux besoins particuliers d’une partie de la clientèle, poursuit Frédéric Sauvage. C’est précisément là que les assureurs luxembourgeois ont un rôle à jouer. Nous devons absolument viser ce marché de niche composé de personnes qui recherchent encore des produits d’assurance personnalisés et qui ne trouvent plus de réponses à leurs besoins auprès des acteurs locaux…»