Christoph Pausch, secrétaire exécutif de l’European Microfinance Platform. (Photo: European Microfinance Platform)

Christoph Pausch, secrétaire exécutif de l’European Microfinance Platform. (Photo: European Microfinance Platform)

Comment se porte la microfinance à la veille de la Semaine européenne?

Christoph Pausch. – «Globalement, elle est en bonne santé, mais il reste d’importants domaines à améliorer. Nous avons développé des outils extrêmement utiles pour comprendre les risques au niveau du marché. Aux niveaux institutionnel et commercial, la technologie est en train de quasiment tout changer, ce qui pose d’énormes défis, mais offre aussi des opportunités. Au cours des 10 dernières années, la protection des clients a fait l’objet d’un énorme travail. On peut désormais s’appuyer sur des faits et des données pour évaluer les initiatives et services. Néanmoins, il reste difficile de prédire l’avenir. Quels services basés sur la technologie auront le plus grand impact? Connaîtra-t-on une consolidation des plus grandes institutions, rendant les plus petites institutions de microfinance obsolètes? Tous ces thèmes seront abordés au cours de cette Semaine de la microfinance entre experts présents au Luxembourg pour l’occasion.

Dans les thèmes de la semaine, vous abordez le lien entre microfinance et technologie. Pourquoi la technologie est-elle importante pour le secteur?

«La technologie est au centre des préoccupations de cette semaine, ainsi que du European Microfinance Award 2018, coorganisé par e-MFP, et dont le lauréat sera annoncé le 15 novembre. Le processus de sélection des prix de cette année a révélé, parmi les candidats, un large éventail d’initiatives innovantes opérées par des fournisseurs de services financiers et axées sur la technologie. Certains se concentrent sur le côté client: comment amener la technologie dans des régions isolées et des communautés peu desservies pour faire progresser l’éducation financière, réduire le temps de déplacement, offrir de nouveaux services à ces segments.

La technologie financière n’est pas un monolithe, il existe un très grand nombre de projets différents.

Christoph Pausch, secrétaire exécutif de la Plateforme européenne de la microfinance (e-MFP)

Certains se concentrent davantage sur le back-office ou les institutions: comment tirer parti des avantages du big data, des logiciels cloud, des systèmes de gestion de l’information ou des systèmes bancaires centraux pour améliorer l’efficacité, les communications, réduire les coûts et les transférer dans de meilleurs produits et services aux clients qui en ont le plus besoin. La technologie financière n’est pas un monolithe, il existe un très grand nombre de projets différents. Cependant, si elle est mise en œuvre avec attention, elle peut être véritablement transformatrice et amener de nouveaux fournisseurs, ainsi que de nouveaux clients sous-desservis dans le secteur des services financiers formels.

Vous envisagez aussi l’accès aux services financiers pour les réfugiés. La microfinance peut-elle être une solution pour eux aussi?

«Oui, c’est possible. On recense 68,5 millions de personnes déplacées à cause de conflits ou de persécutions dans le monde, dont 25,4 millions de réfugiés. Ils ont été largement ignorés en tant que segment viable du secteur des services financiers, qui les a estimés trop à risque. Mais le secteur de l’inclusion financière peut intervenir. Nous savons que les réfugiés remboursent au moins aussi bien que les non-réfugiés.

Nous savons que les services financiers numériques sont particulièrement utiles pour les réfugiés.

Christoph Pausch, secrétaire exécutif de la Plateforme européenne de la microfinance (e-MFP)

Nous savons que les services financiers numériques sont particulièrement utiles pour les réfugiés, car ils ont besoin d’un accès à des services en ligne. Un accès abordable aux services financiers peut aider les réfugiés à faire face aux chocs difficiles, à réduire leur exposition aux risques et à stimuler l’activité économique au niveau des communautés. Au-delà du crédit et de l’épargne, les envois de fonds constituent un service particulièrement important pour les réfugiés, qui tentent de vivre une nouvelle vie avec leur famille, mais qui doivent aussi pouvoir envoyer de l’argent chez eux.

Quelles sont les pistes du futur pour encore développer le secteur de la microfinance?

«Il n’y a pas de réponse unique. Si vous examinez le programme de la Semaine européenne de la microfinance, vous constaterez que les groupes d’action, les ateliers et les séances plénières couvrent un éventail de sujets plus vastes que jamais. Il faut renforcer la protection des clients sans imposer une charge déraisonnable aux institutions, ce qui devrait passer par les fintech, aller vers des segments difficiles à atteindre, comme les petits exploitants agricoles, accueillir de nouveaux clients sans porter atteinte à la protection des clients existants, desservir de nouveaux segments (tels que les réfugiés) qui ont désespérément besoin d’avoir accès à des services financiers de qualité et, enfin, continuer d’innover afin que l’inclusion financière soit à même de favoriser d’autres indicateurs du développement humain: accès à l’éducation, à un logement abordable, promotion de la population féminine. L’inclusion financière est devenue plus qu’un simple accès financier, elle fait partie d’un écosystème intégré d’amélioration des conditions de vie.»