Le directeur général de la CSSF ne veut pas «dramatiser», même s’il émet des réserves quant à l’opportunité d’une réforme de la supervision des fonds, alors que cette industrie a montré sa solidité et sa résilience. (Photo: Sébastien Goossens)

Le directeur général de la CSSF ne veut pas «dramatiser», même s’il émet des réserves quant à l’opportunité d’une réforme de la supervision des fonds, alors que cette industrie a montré sa solidité et sa résilience. (Photo: Sébastien Goossens)

Claude Marx s’exprimait lundi devant près de 200 professionnels de la gestion de fortune et de family offices, lors de la conférence organisée par Step Benelux, et n’a pas manqué de faire allusion à la récente proposition de Bruxelles.

Celle-ci prévoit de soumettre les activités des fonds d’investissement qui dépassent les frontières de l’UE à la supervision des autorités européennes, en l’occurrence l’autorité européenne des marchés financiers, l’European Securities and Markets Authority (Esma), dont le siège est à Paris. Une supervision assurée actuellement au Luxembourg par la Commission de surveillance du secteur financier.

«Le Brexit a accéléré l’agenda en faveur d’une intégration plus poussée», remarquait Claude Marx lundi après-midi, tout en refusant de partager la fébrilité qui étreint la Place depuis près d’une semaine. «Les propositions qu’on a maintenant sont beaucoup plus détaillées que la consultation qui a eu lieu, et des questions de détail, comme la délégation ou la sous-traitance, sont maintenant détaillées dans ces papiers, ce qui n’a pas été le cas plus tôt», précise-t-il à Paperjam.lu, alors que le gouvernement luxembourgeois semblait dire la semaine dernière ne pas avoir été averti des visées de Bruxelles. Ce qui a été, depuis, démenti par la Commission.

Il n’y a pas tant de pouvoirs qui vont passer à l’Esma.

Claude Marx, directeur général de la CSSF

«Je pense qu’il ne faut pas non plus dramatiser ce qui est en train de se passer», estime le directeur général de la CSSF. «Il n’y a pas tant de pouvoirs qui vont passer à l’Esma. Si je parle, par exemple, de la délégation ou de la sous-traitance, nous sommes déjà aujourd'hui, suite à la publication d’opinion de l’Esma, dans un système de consultation de l’Esma sur les arrangements de sous-traitance et de délégation. Et on continue à autoriser des nouveaux gestionnaires de fonds d’investissement.»

Certes, «il y aurait dans le domaine des prospectus de pays tiers un transfert de souveraineté vers l’Esma, qui, c’est clair, pourrait aussi avoir un impact sur le Luxembourg». Même si le Grand-Duché ne serait pas forcément le plus concerné. «Il y a des fonds d’investissement qui opèrent de manière forte dans d’autres juridictions, qui ont également une activité ‘cross-border’ importante et pour lesquelles il y a des arrangements de délégation vers d’autres pays, comme l’Angleterre ou les États-Unis ou le Japon. Finalement, ce modèle de délégation et d’outsourcing existe maintenant depuis presque 30 ans, en fait depuis Ucits I, et a fait ses preuves. Et je vois mal une maison de fonds internationale répliquer, par exemple, ses capacités de gestion qui existeraient pour les fonds asiatiques en Asie ou des fonds américains aux États-Unis dans l’Union européenne des 27 à l’avenir.»

Il faut vraiment se demander si on a besoin de réformer ce système vers un autre qui, sans aucun doute, va entraîner plus de coûts.

Claude Marx, directeur général de la CSSF

S’il «soutient pleinement l’initiative de l’Union des marchés de capitaux», M. Marx tient tout de même à émettre une réserve quant à la démarche de Bruxelles. «De manière générale, on a aujourd’hui une répartition des tâches entre les autorités de surveillance prudentielle nationales et les autorités européennes dans le domaine notamment des fonds d’investissement et des prospectus. Le système a traversé la crise financière de 2007-2008 et, jusqu’à maintenant, n’a pas mis en évidence de risques systémiques ni de problèmes d’efficience de marché.» Un argument également soulevé par l’Alfi.

«Dans ce sens, il faut vraiment se demander si on a besoin de réformer ce système vers un autre qui, sans aucun doute, va entraîner plus de coûts, qui seraient supportés par les acteurs directement. Au lieu de payer une contribution aux autorités nationales pour le fonctionnement des autorités nationales, à l’avenir, les entités surveillées paieraient également pour une surveillance rapprochée par les autorités européennes.»

La CSSF n’a pas besoin d’un chaperon

Il faut dire que ce mouvement de la Commission vise surtout à prévenir un effet secondaire néfaste du Brexit, rappelle Claude Marx. «Ce qui est visé, c’est de s’assurer qu’il n’y a pas de société vide, ce que les Anglais appellent les ‘letter-box entities’, à Luxembourg. Et là, je pense qu’on peut faire le constat, et nous sommes bien placés pour le savoir, que tel n’est pas le cas. Il n’y a pas de société de gestion de fonds dénuée de substance au Luxembourg, tout comme à notre connaissance, il n’y a pas de telles sociétés dans d’autres pays européens.»

Et de souligner la «vigilance» de la CSSF en la matière, «mais indépendamment de toute pression extérieure». Autrement dit, la CSSF n’a pas besoin de Bruxelles ou de l’Esma pour «exiger qu’au Luxembourg, il y ait l’infrastructure suffisante au niveau de la direction autorisée, au niveau des fonctions de gestion de risques, au niveau IT».