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Pierre-Alexandre Degehet, partner chez Bonn Steichen & Partners. 

Tout financement requiert une analyse des besoins et des conséquences y relatives, tant pour le start-upper que pour l’investisseur.

Face à la multitude de situations pouvant conduire le start-upper à intégrer un investisseur externe, trois raisons principales peuvent être avancées: (i) une volonté de renforcement de son positionnement sur le marché, (ii) l’accélération de sa croissance, ou encore (iii) le lancement d’un nouveau produit.

Pour l’investisseur, le facteur temporel varie essentiellement au regard du type d’investissement: amorçage (crowdinvesting)? Développement? Transmission? Retournement?

L’analyse des critères se fait en fonction du secteur d’activité exploité: pour le start-upper, le secteur devra se montrer «scalable» avant d’entrevoir une rentabilité. Tandis que pour l’investisseur, ils requerront une analyse prédictive pour optimiser au mieux l’intégration dans la start-up.

Quant aux modes de financement, malgré l’absence de règle fixe, chaque période dispose de différentes alternatives qui sont fonction de l’avancement de la start-up: (i) au-delà de la période de bootstrapping, de nombreux moyens extérieurs existent, (ii) les aides publiques, (iii) le crowdfunding, ou encore (iv) la love money seront favorisés en phase de lancement, tandis que (v) les business angels, ou (vi) autres incubateurs interviendront en cours de développement. Enfin, (vii) les venture capitalists ou capital-développement seront privilégiés lors de la croissance ou de l’arrivée à maturité de la start-up.

Les conditions de levées de fonds et l’intégration au capital social par un pacte d’actionnaires joueront un rôle essentiel.

Pierre-Alexandre DegehetPierre-Alexandre Degehet, Partner (Bonn Steichen & Partners)

Le start-upper devra impérativement veiller au risque majeur de ces méthodes de levées de fonds relevant de l’equity crowdfunding qui est la dilution pure et simple au sein du capital; le start-upper devra conséquemment identifier avec précision ses besoins et l’économie générale entourant ces levées de fonds. Les conditions de levées de fonds et l’intégration au capital social par un pacte d’actionnaires joueront un rôle essentiel.

Les investisseurs s’intéresseront à la viabilité du projet au travers du business model, des objectifs chiffrés, du plan d’action stratégique et du dossier financier qui seront réalisés par les start-uppers. À cet égard, la valorisation reste un élément-clé de toute décision, car elle dépendra de nombreux critères d’appréciation, tenant compte de la difficulté de valoriser une start-up sur des marchés souvent incertains.

Les erreurs traditionnelles et légitimes sont la crainte de dilution pour les dirigeants.

Pierre-Alexandre DegehetPierre-Alexandre Degehet, Partner (Bonn Steichen & Partners)

Les méthodes existantes (discounted cash flow, méthode des multiples, etc.) sont toutes imparfaites pour les start-up, mais néanmoins utiles. Les erreurs traditionnelles et légitimes sont la crainte de dilution pour les dirigeants; or, dans une phase de démarrage, les investisseurs sont réticents à prendre le contrôle, alors qu’ils ont besoin des fondateurs autant que ces derniers ont besoin des premiers.

Inversement, les ratios financiers ne sont guère pertinents contrairement à d’autres indicateurs, comme le burn rate de la start-up qui détermine la durée pendant laquelle elle va tenir avec la levée de fonds réalisée.

Ceci étant, ces modes de financement traditionnels risquent d’être dépassés par les initial coin offerings (ICO), sorte d’hybridation entre levée de fonds et crowdfunding, mais par l’intermédiaire de crypto-actifs tels que les bitcoins, le tout basé sur la technologie de la blockchain.

Des avantages et inconvénients coexistent: les montants sont potentiellement plus élevés qu’en moyenne, sans commission d’intermédiaire ni risque de dilution du capital social. Par contre, le corpus légal et réglementaire est totalement instable, car non existant, le tout oscille entre liberté quasi absolue (et les risques d’abus) et souhait de protection et donc de rigueur.

Malgré le caractère attractif, les dangers restent présents avec l’absence de quelconque garantie puisqu’en dehors de tout cadre légal.

Pierre-Alexandre DegehetPierre-Alexandre Degehet, Partner (Bonn Steichen & Partners)

L’ICO constitue bien une alternative de financement, et les acteurs du capital-risque initialement réticents consentent désormais à s’y aventurer. Cependant, les ICO ne sont pas destinées à toutes les start-up, mais uniquement à celles dont le jeton (token) aura une utilité intrinsèque qui pourra être monnayée.

Malgré le caractère attractif, les dangers restent présents avec l’absence de quelconque garantie puisqu’en dehors de tout cadre légal, le manque de transparence derrière lequel se cachent certains leveurs de fonds, ainsi que l’extrême volatilité de ce marché qui peut conduire à perdre des sommes significatives aussi vite qu’elles ne furent levées pendant l’ICO.

Face aux ICO, aucune initiative luxembourgeoise n’a encore vu le jour sauf deux avertissements de la CSSF visant à mettre le public en garde. En France, par contre, un volet ICO a été intégré dans la loi Pacte, suivant ainsi les recommandations de l’AMF. La France connaîtra donc bientôt un régime de visa optionnel à décerner par l’AMF aux émetteurs d’ICO, qui devront pour l’obtenir apporter des gages de sécurité nécessaires: (i) une information utile et transparente, (ii) des mécanismes de sauvegarde des fonds en cas de fraude (compte séquestre?), et (iii) se prémunir contre le risque de blanchiment. Espérons que le Luxembourg s’en inspire rapidement, afin de rester dans la course.