Fabio De Masi demande à la commissaire Vestager d'obliger Juncker à remettre la version originale du rapport Krecké. (Photo: Die Linke)

Fabio De Masi demande à la commissaire Vestager d'obliger Juncker à remettre la version originale du rapport Krecké. (Photo: Die Linke)

La pression ne se relâche pas sur le Luxembourg et ses engagements de transparence fiscale. Au lendemain de l’audition publique au Parlement européen à Bruxelles par la commission spéciale «taxe» de témoins et acteurs de l’évitement fiscal des multinationales, l’eurodéputé allemand (Die Linke) Fabio De Masi relance l’offensive.

Il n’a pas oublié, lors de la tournée au Luxembourg de la commission spéciale dont il est membre, que les autorités n’avaient pas apporté de réponse à des questions qui n’avaient pas non plus trouvé d’échos lorsque son homologue Justin Turpel, encore député, les avait posées au ministre des Finances, Pierre Gramegna.

C’est à la Commission européenne, et en réclamant un traitement prioritaire de sa question, ce qui implique de fait l’obligation de Bruxelles de lui répondre endéans les trois semaines, que le député européen a posé une question écrite qui risque d’embarrasser à la fois le gouvernement luxembourgeois et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

Une poupée russe

La question de Fabio De Masi est un peu comme une poupée russe, avec plusieurs compartiments.

Il interpelle d’abord la Commission sur la compatibilité du projet de fondation patrimoniale, que le gouvernement luxembourgeois a mis au congélateur après la première affaire LuxLeaks en novembre dernier, avec les nouveaux standards de la directive anti-blanchiment que le Parlement a bouclée le 20 mai dernier. Bruxelles a-t-il visé la conformité du projet de loi luxembourgeois avec la nouvelle réglementation européenne?

Le ministre des Finances, Pierre Gramegna, attend précisément de connaître le verdict de Bruxelles avant de ressortir le projet de loi tant attendu par les opérateurs de la place financière pour donner un peu de punch à la diversification des produits «made in Luxembourg», notamment auprès des investisseurs du Moyen-Orient.

Le second volet de la question de Fabio De Masi remet d’actualité un vieux rapport de 1997 que Jeannot Krecké, encore simple député LSAP, avait remis au Premier ministre Jean-Claude Juncker et à la Chambre des députés sur la fraude fiscale.

Paperjam comme référence

Or, après des consultations avec des agents de l’Administration des contributions directes et de celui qui était déjà le responsable du Bureau 6 sur les rulings, Marius Kohl, Jeannot Krecké avait consacré plusieurs pages aux risques que représentaient alors les accords fiscaux avec des entreprises multinationales.

Toutefois, ces pages disparurent de la version finale publique de son rapport. Seuls trois ou quatre exemplaires en version originale furent imprimés, dont un fut remis à Jean-Claude Juncker, comme le révéla fin 2014 Paperjam.lu.

Toutefois, ce rapport en version originale n’est pas en possession du successeur de M. Juncker.

C’est d’ailleurs sur la base des informations de Paperjam.lu que Fabio De Masi a adressé sa question parlementaire à la commissaire européenne chargée du marché intérieur, Margrethe Vestager. L’eurodéputé demande ainsi à la commissaire danoise libérale de s’adresser à son chef, Jean-Claude Juncker, pour qu’il fouille ses archives et remette une copie du rapport Krecké non censuré de 1997 aux membres de la commission spéciale.

Dans l’idéal, certains membres de cette commission taxe souhaiteraient voir Jean-Claude Juncker comparaître devant eux, mais les groupes politiques sont divisés sur la question qui n’a toujours pas été tranchée.