Selon Laurent Schummer, partner chez Arendt & Medernach, la position de «first mover» du Luxembourg dans le space mining est un véritable atout pour la Place. (Photo: Arendt & Medernach)

Selon Laurent Schummer, partner chez Arendt & Medernach, la position de «first mover» du Luxembourg dans le space mining est un véritable atout pour la Place. (Photo: Arendt & Medernach)

Monsieur Schummer, en se positionnant comme hub financier pour les activités spatiales, le Luxembourg espère attirer à lui de nouveaux fonds sur la Place. De quel volume potentiel serait-il question?

«C’est très difficile à dire. Quand on parle de capital raising ou de véhicules d’investissement, c’est une activité pour le moment limitée, dans le sens où très peu de personnes le font. Et ceux qui le font sont surtout aux États-Unis, que ce soit dans la Silicon Valley ou à New York. Ces acteurs investissent en fait dans le secteur de la tech et dans le sous-secteur qu’est encore le ‘new space’. Même aux États-Unis, ces fonds sont encore très très peu nombreux finalement et mélangent encore les types d’investissement entre nouvelles technologies et new space.

C’est pourquoi, en termes de volume, il est assez difficile de parler de cela. Ceci dit, quand on regarde les besoins de financement des acteurs qui sont dans le ‘new space’, on parle rapidement de plusieurs dizaines, voire de plusieurs centaines de millions. Et cela peut aller, pour certains, à des sommes qui dépassent le milliard. Les fonds associés devront donc être adaptés à ces sommes assez substantielles.

Le gouvernement évoque, pour le développement de cette nouvelle activité, un horizon à long terme. Pour la mise en place de fonds spécifiques, la vision devra-t-elle forcément être à une échéance plus rapprochée?

«Il y a deux impacts à définir. D’une part, bien évidemment, une activité à construire qui amène des acteurs à s’implanter au Luxembourg pour développer leurs activités comme elles ont été annoncées, et de l’autre, la nécessité de financer ces activités. C’est donc quelque chose de nouveau et sur lequel le Luxembourg doit se positionner. Car même si le gouvernement a annoncé la création d’un fonds, on voit se développer, à côté des acteurs classiques du secteur spatial, des fonds d’investissement qui regardent vers le Grand-Duché à la recherche d’opportunités.

Nous sommes encore dans une phase très précoce, mais si le Luxembourg joue son rôle de plateforme pour lancer des fonds, nous avons une belle carte à jouer. Dans un premier temps, les acteurs sont principalement composés de start-up et de tech companies qui ont besoin de dizaines de millions et dans ce cadre-là, des structures de fonds peuvent apparaître assez rapidement. Et c’est en train de se faire. Après, ces fonds ont une durée de vie un peu plus lente, car ces projets prennent un peu plus de temps à se développer, comme c’est le cas pour les fonds d’infrastructure.

Une vraie volonté du gouvernement et de la Place d’accompagner le ‘new space’.

Laurent Schummer, partner chez Arendt & Medernach

La nouvelle législation, adoptée au début de l’été, a attiré de nouveaux acteurs au Luxembourg. Est-ce également le cas au niveau des fonds?

«Ce qui se joue en ce moment, c’est que le pays se positionne dans un contexte où il existe pour le moment des fonds américains qui ciblent des sociétés américaines, mais avec pas grand-chose en Europe. Avec un environnement juridique propice pour les acteurs qui veulent financer leurs activités, un cadre juridique réglementaire fiscal et un ‘know-how’ qui permet de faire des levées de fonds à travers des structures d’investissement, la loi en tant que telle signale au marché que nous sommes ouverts à attirer les acteurs du secteur spatial.

Et donc que les financiers de ce secteur vont aussi se retrouver rapidement sur la Place parce qu’il y a soit des pépites, soit des cibles potentielles qui y opèrent. Ensuite, et comme toujours dans les fonds d’investissement, ils vont trouver au Luxembourg les structures nécessaires et intéressantes pour lever des capitaux en Europe ou à travers le monde.

Les activités autour du space mining aiguisent les appétits, notamment de la part d’autres États qui souhaitent également se placer sur cette niche. Les arguments classiques du Luxembourg sont-ils suffisants?

«Les fondamentaux – stabilité politique, rapidité d’action et proximité avec les acteurs – fonctionnent toujours, mais nous avons en plus, sur ce sujet, un vrai ‘first mover advantage’. Il existe une vraie volonté du gouvernement et de la Place d’accompagner ce ‘new space’ et c’est la raison pour laquelle nous sommes vraiment sur la carte. Cela joue énormément. Outre la crédibilité apportée par SES qui démontre que ce n’est pas une lubie temporaire, on voit qu’avec l’université et les centres de recherche, il y a un vrai potentiel de développer ce secteur et d’attirer des talents. Tout cela crée un environnement favorable.

Ce à quoi il faut ajouter la neutralité du pays au sein de l’Union européenne, ce qui signifie que des opérateurs de pays différents peuvent faire du business ensemble au Luxembourg. Les défis du Luxembourg, au final, consistent à démontrer que différentes capacités de financement existent et peuvent être en partie assemblées via des structures luxembourgeoises qui sont d’ailleurs connues de ces acteurs au travers du private equity ou de l’immobilier.

Est-ce que l’arrivée espérée de ces nouveaux fonds peut avoir des conséquences concrètes en termes d’emplois sur la Place?

«Je pense qu’il y aura un impact, mais dire qu’il sera massif, c’est probablement exagéré. Mathématiquement, tout nouveau business qui voit le jour crée de nouveaux emplois, même si la majorité d’entre eux se feront parmi les acteurs du ‘new space’ eux-mêmes, qui vont recruter au Luxembourg.

Il devrait toutefois y avoir des capacités au niveau des fonds et des équipes de gestion d’attirer de nouveaux talents. C’est une nouvelle niche, une nouvelle classe d’actifs qui est mondialement toute nouvelle et donc avec possibilité de créer un ‘know-how’ extrêmement spécifique sur cette matière qui n’existe pas encore. Et donc d’être précurseur.»