Pour Nicolas Schmit, il s’agit d’un investissement dans l’emploi pour éviter un financement du chômage. (Photo: Mike Zenari / archives)

Pour Nicolas Schmit, il s’agit d’un investissement dans l’emploi pour éviter un financement du chômage. (Photo: Mike Zenari / archives)

La réussite de la digitalisation d’une économie n’est pas qu’une question de technologies. C’est aussi une affaire de personnes. Face à l’impact que promet d’avoir l’intelligence artificielle sur les emplois dans les années à venir – 32% ont une probabilité d’être automatisés de 50% à 70%, selon l’OCDE –, le gouvernement a donc décidé de voir grand.

Mercredi, le ministre du Travail, Nicolas Schmit, a lancé le programme Digital Skills Bridge, qu’il avait brièvement présenté à la presse au mois d’octobre. Bien plus qu’un simple outil de financement, celui-ci propose un nouveau paradigme autour la formation professionnelle.

Ce programme s’adresse à toutes les entreprises.

Nicolas Schmit, ministre du Travail

Il s’agit en effet de faire converger trois acteurs – les entreprises, les salariés et l’État – vers le même objectif: développer un marché du travail plus qualitatif et faciliter la mobilité des travailleurs.

«Ce programme s’adresse à toutes les entreprises, indifféremment de leur taille et de leur secteur», a expliqué Nicolas Schmit. «Nous sommes entrés dans une phase d’accélération du processus de digitalisation, et il est primordial d’anticiper les besoins en compétences.»

Formations et salaires pris en charge

Chaque entreprise souhaitant participer à ce programme devra procéder en interne à une cartographie des compétences disponibles et définir, en collaboration avec ses employés, les formations nécessaires. La mobilité interne, comme externe, devra être évoquée.

Un dossier devra ensuite être envoyé au gouvernement, qui aura la responsabilité de le valider. Des critères d’éligibilité bien précis ont été définis, comme l’«introduction d’un changement technologique important», l’«accord de la délégation du personnel», ou encore l’«engagement de l’entreprise au Luxembourg sur le long terme».

Nous n’allons pas demander aux gens de se requalifier contre leur gré.

Nicolas Schmit, ministre du Travail

En cas d’acceptation, l’État financera à hauteur de 35% les formations visant à une mobilité interne, de 50% celles destinées à une mobilité externe dans le même secteur, et de 80% celles concernant une mobilité externe vers un nouveau secteur. En parallèle, 90% du salaire de la personne à former seront pris en charge durant la période de requalification.

«L’État ne cherche pas à déresponsabiliser les entreprises, mais à les encourager à investir davantage dans leurs employés», expliquait Nicolas Schmit dans une interview accordée à Paperjam.lu, en janvier. «Nous n’allons pas demander aux gens de se requalifier contre leur gré. Il est donc important de les mobiliser et de créer dans chaque entreprise une culture de la formation, notamment dédiée au numérique.»

Digital Skills Bridge vise également à pousser les entreprises à réfléchir sur leur stratégie digitale, en s’ajoutant aux nombreux programmes de formation déjà proposés par la Chambre de commerce, la Chambre des métiers, ou encore le ministère de l’Économie.

Une vingtaine d’entreprises pour un projet pilote

«Il s’agit d’un programme unique en Europe par son ampleur, qui permet d’anticiper les besoins en compétences des entreprises, alors que ceux-ci sont généralement relégués au second plan, derrière l’aspect technologique des projets de digitalisation», a confié un des spécialistes impliqués.

Par son caractère singulier, justement, Digital Skills Bridge sera d’abord testé lors d’un projet pilote. Les entreprises souhaitant y participer devront soumettre leur candidature d’ici au 25 mai pour une mise en place dès l’automne. Entre 15 et 20 dossiers pour environ un millier de personnes à former sont attendus, alors que le coût de cette première phase est estimé par le ministère à plus ou moins 12 millions d’euros.

«Nous allons devoir apprendre, car nous n’avons aucune expérience», a justifié Nicolas Schmit. «Si cela s’avère concluant, nous lancerons une seconde phase au printemps.» Une réunion d’information sera organisée pour les entreprises intéressées d’ici la fin du mois à l’Abbaye de Neumünster.