En se projetant dans un modèle « Rifkinien », le Luxembourg n’aurait plus besoin de croissance expansive, mais fonctionnerait selon un modèle repensé autour des nouvelles technologies et, idéalement, d’un développement durable. (Photo: Christophe OIinger / archives)

En se projetant dans un modèle « Rifkinien », le Luxembourg n’aurait plus besoin de croissance expansive, mais fonctionnerait selon un modèle repensé autour des nouvelles technologies et, idéalement, d’un développement durable. (Photo: Christophe OIinger / archives)

Le Luxembourg serait-il le premier pays au monde à vouloir délibérément freiner sa croissance? Ce débat est en haut de l’agenda politique, patronal et syndical en ce début d’année 2018, d’ores et déjà marqué par une campagne électorale bien avant son début officiel. Bien avant que les programmes n’aient été couchés sur papier.

En se projetant dans un Luxembourg «Rifkinien» qui n’aurait plus besoin de croissance expansive, mais qui fonctionnerait selon un modèle repensé autour des nouvelles technologies et, idéalement, d’un développement durable, les décideurs politiques ouvrent plusieurs boîtes de Pandore. Oseront-ils les maintenir jusqu’au scrutin du 14 octobre prochain, sans refermer trop vite le couvercle par peur d’échauder l’électeur avec des mesures impopulaires, voire des notions difficiles à expliquer le temps d’une interview?

Difficile en effet d’imaginer une voie alternative pour financer un – généreux – système social et les caisses de l’État dans une société qui sera davantage automatisée, dans laquelle certains emplois disparaîtront ou se transformeront. Les trois partis gouvernementaux (DP-LSAP-Déi Gréng) se réfèrent aux travaux menés avec le futurologue Jeremy Rifkin comme feuille de route. Le CSV, pour sa part, parle de «croissance sélective». Et dans le même temps, le directeur du Statec, Serge Allegrezza, rappelle que la croissance ne peut pas être freinée, au risque de retomber dans un Grand-Duché ressemblant à son passé moyenâgeux.

L’étude Rifkin a permis d’engager un débat impérieux. Mais il ne doit pas se traduire durant la campagne par des mouvements de balancier trop forts, comme on a pu l’observer sur la place financière où, durant cette mandature, la régulation a été appliquée avec un certain zèle, quitte à surprendre les opérateurs les plus avertis.

En ce début d’année, le Luxembourg a besoin d’une approche «pragmatique et visionnaire» pour réaliser sa transition économique. Deux caractéristiques employées autrefois pour décrire le Premier ministre CSV Pierre Werner, mais qui ne sont pas l’apanage d’un camp.

Pragmatique pour poursuivre et amplifier les efforts entamés autour de problèmes concrets, en particulier de mobilité. Pragmatique pour prendre des mesures courageuses dans le logement, pourquoi pas avec le secteur privé. L’impasse sociétale que représente la difficulté de se loger pour de nombreux ménages devient difficile à expliquer. Visionnaire pour emmener la population et les forces vives vers le Luxembourg de demain. Visionnaire pour faire bénéficier de l’innovation à tous afin d’éviter une quelconque forme de repli sur soi.

Plutôt que d’être le premier pays où la croissance serait remise en cause, le Luxembourg doit poursuivre sa modernisation, soutenir les acteurs historiques et redoubler d’efforts de promotion. Le space mining, les investissements industriels ou encore le data center de Google sont des case studies vendeurs à l’étranger et porteurs ici. Les pays concurrents – en premier lieu nos voisins – ne rechigneraient pas à attirer ces projets, qui, par définition, ne se présentent qu’une fois.

Dans un monde globalisé, même la tonalité des discours de campagne du «petit» Luxembourg sera entendue d’une manière ou d’une autre par les acteurs économiques étrangers…