Bertrand Schmeler, senior portfolio manager chez CBP Quilvest: «Les taux directeurs de la Fed pourraient en effet monter plus rapidement que ne l’anticipent actuellement les marchés.» (Photo: paperJam / Archives)

Bertrand Schmeler, senior portfolio manager chez CBP Quilvest: «Les taux directeurs de la Fed pourraient en effet monter plus rapidement que ne l’anticipent actuellement les marchés.» (Photo: paperJam / Archives)

Dans le jeu des prévisions de fin d’année dernière, la plupart des commentateurs de marché anticipaient une remontée des taux longs américains en 2014. Alors qu’il avait commencé l’année juste au-dessus de 3%, le taux de rendement de l’obligation à 10 ans du Trésor américain s’établit aujourd’hui à 2,32%, après avoir atteint un point bas à 1,86% le 15 octobre dernier.

Cette évolution est due à une conjonction de facteurs, au premier rang de laquelle figure une révision à la baisse continuelle des perspectives de croissance mondiale, et ce, en dépit d’une économie américaine plutôt robuste. L’autre élément essentiel réside dans les injections de liquidités des banques centrales: bien que la Fed ait graduellement ralenti ses interventions au cours de l’année, le programme de la banque du Japon et les anticipations liées à la BCE ont soutenu les marchés obligataires. Les investisseurs finaux, largement sous-investis en début d’année, n’ont pas eu d’autre choix que de «suivre» la tendance, accentuant le mouvement de baisse de taux.

Des taux à 2,32% sur 10 ans US semblent aujourd’hui mal refléter la vigueur de la reprise américaine. Certes, les prix des matières premières ont fortement baissé au cours des derniers mois, mais ce phénomène semble être plutôt lié à une amélioration des conditions de l’offre qu’à une baisse significative de la demande – notamment en ce qui concerne le pétrole.

Les taux directeurs de la Réserve fédérale (Fed) pourraient en effet monter plus rapidement que ne l’anticipent actuellement les marchés: le taux de chômage américain (5,8% en octobre) s’approche du niveau «normal» de 5,7%, tel que défini par le Congressional Budget Office et devrait baisser sous ce point d’équilibre dès le début 2015. C’est précisément sous ce niveau que les pressions salariales, dont les premiers effets se font ressentir, devraient s’accentuer. Le contexte d’abondance de liquidités est aujourd’hui tel que les investisseurs sous-estiment les propres projections de la Fed en matière de taux d’intérêt, si on en juge le niveau des marchés de futures. Si la Fed devait se montrer plus restrictive, le marché serait sans doute pris à revers.

L’impact d’une normalisation des taux d’intérêt plus rapide que prévu sur les taux longs pourrait être massif, d’autant plus que la prime de terme (prime de risque requise par l’investisseur pour investir à long terme) a pratiquement disparu. Si celle-ci devait graduellement être à nouveau prise en compte par les marchés, les taux à 10 ans US pourraient très bien remonter au-delà de 3,5% fin 2015.

Les marchés actions, qui ont largement bénéficié de la détente des taux longs cette année, pourraient s’en trouver affectés; c’est probablement là un des risques principaux pour 2015, souvent ignoré par les marchés, aveuglés par une apparente abondance de liquidités.