Alex Panican, Jelena Baric, Daniel Calderai, Dan Gray, Romain Iovalone (au second plan), Fred Weimerskirch, Manon Loison, Nasir Zubairi, Emilie Allaert, Antony Martini, Dilek Ayaydin-Batal (au premier plan). (Photo: Eric Devillet / Lhoft)

Alex Panican, Jelena Baric, Daniel Calderai, Dan Gray, Romain Iovalone (au second plan), Fred Weimerskirch, Manon Loison, Nasir Zubairi, Emilie Allaert, Antony Martini, Dilek Ayaydin-Batal (au premier plan). (Photo: Eric Devillet / Lhoft)

Trois ans après sa création, la Lhoft, ou «Luxembourg Hyper Occupied Fintech Team», a accéléré cette année dans sa recherche des meilleures technologies à apporter aux acteurs de la place financière. Et s’apprête encore à accélérer en 2020 en les intégrant dans ses opérations extérieures.

Un entrepreneur portugais, repéré à l’occasion d’un des «side events» luxembourgeois au Web Summit de Lisbonne, attend pour parler au responsable des partenariats et de l’écosystème, . Dans la salle Elon Musk, casque autour du cou comme le Premier ministre aurait enroulé sa traditionnelle écharpe, le responsable des solutions digitales pour la finance de Proximus, , a lui aussi un rendez-vous qui se fait attendre. Deux entrepreneurs travaillent dans une ambiance où le design se mêle à la décoration de Noël dans un silence de Bibliothèque nationale…

L’année se termine. Une année folle pour la Luxembourg House of Fintech.

Dans son bureau, le CEO de la Lhoft, , a réuni son équipe. La coordination est devenue encore plus essentielle parce qu’il a lâché la bride à son équipe. Sur tous les sujets de ce facilitateur, créé par l’écosystème financier pour l’écosystème financier, et sur tous les terrains du monde, le Britannique n’est plus le seul à écouter, à repérer, à tester et à tenter de séduire.

«Nous devons explorer!»

«Ils sont meilleurs que moi», lâche-t-il avec une pointe d’humour, qu’il rectifie aussitôt pour être sûr de ne pas être mal compris. «L’équipe est très bien formée. Ils savent ce qu’ils font. Et je suis très fier de voir qu’ils prennent leur autonomie. Je suis content de leur donner cette responsabilité d’aller un peu partout. J’ai beaucoup voyagé dans le monde pendant mes 25 années dans les services financiers… Aller à Hong Kong, à Singapour et partout où il peut exister des développements de fintech, aller partout où notre business se développe doit être une part de notre activité.»

«C’est exploratoire», ajoute le numéro 1, qui a au début occupé toute la place médiatique de la structure. «Nous devons explorer! Plus nous pourrons aller voir et tester des solutions et comprendre si elles font du sens pour les acteurs de la place financière, plus nous pourrons aider le Luxembourg. Peut-être que nous ne retournerons pas dans certains endroits parce que cela ne fait pas de sens. Il y a un win-win, nous pouvons aider les fournisseurs de solutions à venir au Luxembourg et le Luxembourg à trouver les solutions dont il a besoin.»

Les envoyer dans différents endroits, «cela nous permet de faire plus. Si je suis à Dubaï, Manon est à Ouagadougou tandis qu’Alex était à Toronto. Je ne peux pas être à trois endroits en même temps!»

Le début des «exportations»

Les banques embrassent la technologie à des vitesses et avec des ambitions très variables. «La transformation digitale n’est forcément pas la même dans un grand groupe bancaire international que dans une structure plus petite», explique la CEO du Hub@Luxembourg, émanation du Crédit Agricole, Amélie Madinier, «et puis il faut du temps pour convertir les salariés à partir du moment où des décisions sont prises par le management. Cela durera encore un moment!»

La Spuerkeess travaille avec ses IT sur le développement de nouvelles solutions, la Banque internationale à Luxembourg a une équipe de 200 personnes sur 20 axes de projets, ING, la Banque générale du Luxembourg ou la Société Générale ont chacune leur structure d’innovation, mais quelqu’un doit bien s’occuper de surveiller le marché à la fois de manière globale et précise. Le Luxembourg ne peut pas passer à côté des prochaines révolutions, vu le poids du secteur financier dans le PIB et dans le nombre d’emplois.

Même la Bourse de Luxembourg, autrefois si feutrée et lisse de l’extérieur, a mis un ticket dans le projet de Gaëlle Haag (Startalers) ou .

«Cette année», assure Alex Panican, «on a compris que les fintech ont atteint un niveau de maturité, que ce soit ici ou à l’étranger. Et à l’étranger, c’est plutôt à Luxembourg For Finance de les attirer au Luxembourg. Si nous essayons de le faire, nous aussi, nous avons également une vocation à exporter nos solutions.» C’est ce qui a changé. Le travail des 12 forcenés de la Lhoft va dans les deux sens. «À Hong Kong, nous avions embarqué cinq fintech, dont Apla Blockchain, qui en a profité pour nouer des contacts intéressants, par exemple. À Singapour, elles étaient même huit, et là, c’est plutôt Tokeny qui a exploité ses possibilités.»

À Montréal, les Luxembourgeois auront même une fintech américaine dans leurs bagages. À quoi bon? «Hydrogen a remporté . Et à ce titre, elle a la possibilité de faire partie de nos délégations. Elle va venir avec nous au Canada pour aller au-delà des États-Unis. Pourquoi c’est intéressant au Luxembourg? Parce que si cette start-up se développe correctement, un jour ou l’autre, elle cherchera à poser un pied en Europe…»

À Singapour, raconte le responsable de l’écosystème, «nous devions même être le seul pays à avoir la Lhoft, LFF, le régulateur, le ministère, l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement… À un moment, une fintech asiatique me demande comment le régulateur pourrait considérer son projet, je l’ai emmené avec moi poser la question directement au régulateur!»

Catapult, l’Afrique, l’Asie et les États-Unis dans le viseur

«Quand nous allons à droite ou à gauche, tous les services diplomatiques ou consulaires pointent ce que nous devons faire ou voir, vers qui nous devons aller», complète la responsable du marketing, Manon Loison, qui a pris en main . La première édition de cet accompagnement de start-up qui travaillent dans l’inclusion financière a été un succès: 8 des 12 ont levé des fonds depuis leur passage au Luxembourg, signe que la sélection avait été pertinente. La deuxième édition aura lieu la première semaine de mars.

«Nous avons plus de 157 membres à l’étranger, nous travaillons avec des gens de plus de 15 nationalités», explique-t-elle. 

2020 les verra insister un peu sur l’Asie, sans perdre de vue les États-Unis ou le Moyen-Orient. La Lhoft devrait être bien présente à Abu Dhabi, avec le ministre des Finances Pierre Gramegna, autour de sujets comme la blockchain. Outre le Canada, une sortie à New York ou Boston est en cours de discussion.

Et la Lhoft a aussi une stratégie européenne. «Quand des Américains arrivent en Europe, ils se retrouvent face à un marché fragmenté, avec différentes langues, différentes cultures, différentes manières d’approcher le business, ce n’est plus possible!», précise Alex Panican. «Nous sommes en train de construire, événement après événement, un écosystème européen. Que nous ne soyons plus Luxembourgeois, Belges, Français ou Néerlandais, mais Européens!»

Les digital assets à l’heure du boom

L’an prochain, la Lhoft emmènera non seulement les start-up qui veulent aller discuter à l’étranger, mais aussi des représentants de ses partenaires, pour que tout le monde profite de la force de l’écosystème. Que regardent-ils? «Les digital assets, la tokenisation. Si le Luxembourg avait traditionnellement une image de pays d’accueil des solutions de paiement, aujourd’hui, nous regardons aussi avec attention les regtech, parce que ça permettrait de faire baisser les coûts des acteurs du marché. Mais tout dépend des solutions et des besoins qu’ont nos sociétés. Nous regardons aussi les technologies utiles aux fonds d’investissement.»

Pour un peu, à force de voir ce qui émerge, ces ambassadeurs du Luxembourg pourraient presque trouver que la blockchain est «so 60s». Ce qu’ils ne diront pas, alors que cinq acteurs institutionnels majeurs viennent de s’allier pour créer un centre d’excellence. Parce qu’ils maîtrisent déjà parfaitement les codes de la diplomatie internationale.

Pour les remercier, Nasir Zubairi leur a offert le 27 décembre. Le vendredi qui fait le pont entre Noël et le week-end. La Lhoft a trop de travail pour s’offrir le luxe de fermer.