Anabel Witry: «Nous voulons privilégier la vie en communauté autour de différentes surfaces, comme un atrium ou des salles qui peu­vent être louées, par exem­ple, pour des fêtes de famille.» (Photo: Romain Gamba)

Anabel Witry: «Nous voulons privilégier la vie en communauté autour de différentes surfaces, comme un atrium ou des salles qui peu­vent être louées, par exem­ple, pour des fêtes de famille.» (Photo: Romain Gamba)

Fille d’architectes, elle avait commencé à tracer sa voie, paral­lèle à celle de l’entreprise familiale Witry & Witry. La transition d’une génération à l’autre permet à Anabel Witry d’apporter sa vision, nourrie par une expérience dans la communication. Une approche qu’elle partagera sur la scène du 10 × 6 Green Architecture, ce mardi soir.

Avec des parents architectes, fondateurs de leur propre bureau, vous n’avez pourtant pas choisi de les rejoindre au début de votre carrière…

Anabel Witry. – «J’ai toujours baigné dans l’architecture, mais je ne voulais pas forcément faire la même chose... bien que j’aie réalisé mon travail de fin d’études en communication sur la réglementation entourant la publicité des architectes, à l’époque où les interdictions étaient en train d’être levées en Allemagne. Par la suite, j’ai travaillé pour différents bureaux pour assurer leur communication, au Luxembourg et en Allemagne.

L’histoire de la famille vous a ensuite rattrapée…

«Mon conjoint est aussi architecte. Mon père a pensé à la relève il y a quelques années. Il nous a demandé si nous voulions reprendre la direction, à terme. On s’est lancé. Dans une structure de 30 personnes, il y a de la place pour que chaque talent puisse s’exprimer. De mon côté, je me place au niveau des concepts généraux, mais pas des détails techniques. Je ne suis pas architecte.

Le fait qu’il y ait une équipe a-t-il joué en faveur de votre envie de poursuivre l’aventure familiale?

«Absolument. Sans une équipe, cela n’aurait pas été possible. Il faut compter sur le savoir-faire des architectes. Sans ça, je serais restée en charge de la communication pour un bureau ou une biennale… [rires]

Comment se passe le processus de transmission, ou de transition?

«Chacun doit faire preuve de patience, c’est un processus continu. Nous devons trouver de nouveaux modes de fonctionnement. Nous expérimentons. Il nous faudra encore probablement cette année pour trouver notre nouveau modus operandi.

Nous avons voulu apporter une autre approche, plutôt que de penser le projet autour d’une voiture par habitant.
Anabel Witry

Anabel WitrypartenaireWitry & Witry

Quels sont les écueils à éviter pour faire en sorte que l’entreprise fonctionne bien?

«Sur le plan architectural: ne pas choisir des fenêtres en plastique, ou préconiser une petite tour pour la construction d’une maison! Je privilégie plutôt la construction en bois, qui a toujours été très présente chez nous, de même qu’une approche très réfléchie vis-à-vis des matériaux.

Quant à notre structure, nous devons adapter notre manière de travailler aux changements induits par la réglementation ou les innovations technologiques. Mais nous pouvons profiter d’une structure déjà rodée et de collaborateurs expérimentés pour les aborder avec une certaine sérénité.

Connaissez-vous les mêmes difficultés à recruter que les autres entreprises du pays?

«Nous accueillons régulièrement des stagiaires pour nous assurer un certain pool de collaborateurs potentiels. D’une manière générale, le fait que nous ne soyons pas basés en ville, mais à Echter­nach, représente un avantage pour les candidats, d’un point de vue de la mobilité. Beaucoup de gens postulent chez nous, car ils ne veulent plus passer du temps dans les bouchons autour de la capitale.

Vous présenterez votre réalisation au quartier Kiem du Kirchberg lors du 10×6 Green Architecture, organisé par le Paperjam Club, ce mardi. Un projet ­ – encore en phase d’étude ­ – qui a été conduit avec une approche collabo­rative voulue par le Fonds Kirchberg. Quels enseignements tirez-vous de cette méthode?

«Nous sommes partis sur la base d’un PAP qui datait de 2008, très contraignant sur certains points et conçu avec une place encore importante dédiée à la voiture. Nous avons eu l’opportunité de formuler des modifications ponctuelles au PAP, elles sont en cours. Elles vont nous aider, le cas échéant, à faire des adaptations qui don­nent plus de qualité au projet.

Un socle de règles pour la vie en com­munauté sera défini, mais ces règles pourront être adaptées au fil du temps par les habitants eux-mêmes.
Anabel Witry

Anabel WitrypartenaireWitry & Witry

Nous ne demandons pas des changements énormes, mais leur impact peut être important. Peut-on parler d’une nouvelle approche vis-à-vis de la voiture?

«Nous avons voulu, en effet, apporter une autre approche, plutôt que de penser le projet autour d’une voiture par habitant. Nous pensons davantage à des solutions comme le carsharing, qui sera utilisé par la communauté d’habitants que nous imaginons. Ce qui enlèverait aussi l’obligation, pour tous les candidats propriétaires, d’acheter un parking. C’est un changement de paradigme.

Vous nous disiez avoir comme projet initial de construire des serres sur le toit…

«Nous l’avons abandonné, car les serres seraient rentrées dans la mesure de la surface constructible brute, ce qui aurait impacté le projet dans son ensemble. Nous gardons la porte ouverte si la réglementation en question évolue. En alternative, nous avons pensé à un 'jardin vertical', qui doit encore être confirmé par une phase d’étude.

Quelle est l’approche retenue pour les espaces communs?

«Nous voulons privilégier la vie en communauté autour de différentes surfaces, comme un atrium ou des salles qui peu­vent être louées, par exem­ple, pour des fêtes de famille. Ce qui permet aussi d’agir sur la densité des logements, en réduisant un peu leur surface.

Nous voulons aller dans un sens nouveau.
Anabel Witry

Anabel WitrypartenaireWitry & Witry

Un socle de règles pour la vie en com­munauté sera défini, mais ces règles pourront être adaptées au fil du temps par les habitants eux-mêmes. Le mieux serait qu’ils participent au développement des règles pour favoriser leur appropriation. Nous prévoyons, par ailleurs, certains espaces multifonctionnels dont l’usage pourra être défini par la suite par les habitants, en fonction des besoins exprimés par la com­munauté.

L’architecte a donc aussi un rôle d’animateur de la vie sociale ou en société au sein du bâtiment…

«Dans ce projet, en tout cas, nous voulons l’assumer. Si on parle d’un bâtiment durable, nous sommes convaincus que le facteur social est un des facteurs les plus importants. Les bâtiments appréciés par leurs occupants durent le plus longtemps.

Dans ce cas, nous voulons aller dans un sens nouveau. Peut-être que chacun n’a pas besoin d’une table pour 20 personnes dans son propre appartement. Mais mettre à disposition une salle multifonctionnelle disponible pour organiser une fête avec la famille ou des amis fait du sens.

On pourrait craindre une sorte de réflexe conservateur vis-à-vis de l’usage de ce genre de surface commune, mais c’est à nous de proposer, de montrer de nouvelles solutions, pour provoquer un nouvel usage.»

Retrouvez la suite de ce grand entretien .