Le protectionnisme n’est-il pas parfois un mal nécessaire? «Non. En aucun cas le protectionnisme ne peut être la solution. Au contraire, il ajoute une couche de problèmes. Mais je vois bien comment cette solution, qui n’est pas la bonne, peut de plus en plus convaincre. Est-ce alors tenable de résister à la vague, ou est-ce qu’à un moment, la vague deviendra trop grande?», s’interroge André Sapir, consultant du think tank Bruegel et professeur d’économie à l’Université libre de Bruxelles, lors d’un entretien avec Paperjam, pendant la Journée de l’économie, jeudi 28 février.
Une combinaison toxique
Ce dernier constate que la globalisation a produit de grandes divisions entre les pays et au sein même des pays, créant des perdants et des gagnants de cette globalisation. «La montée des populismes n’est pas un accident. C’est le résultat d’une combinaison toxique entre les transformations économiques et la grande crise que nous avons vécues», a ajouté André Sapir.
L’économiste pose au final la question suivante: «La globalisation est-elle durable? Je suis un peu moins optimiste aujourd’hui qu’il y a 10 ans, car le système est moins résilient, et la crise a laissé des traces.»
Mettre à jour des règles de l’OMC
Pour l’économiste, la transformation digitale, le changement climatique, associés au vieillissement de la population, nécessitent aussi de recourir à de nouveaux modèles de croissance.
Et André Sapir ne laisse pas son auditoire sans solution: il préconise de redéfinir certaines règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). D’abord pour que ses règles intègrent les problématiques de l’économie digitale: en effet, en 1994, l’accord de Marrakech créant l’OMC ne prenait pas en compte les ressorts de cette économie.
Selon l’économiste, l’autre mise à jour majeure doit concerner la Chine, entrée à l’OMC en 2001. «À l’époque, elle était déjà grande, mais il s’agit aujourd’hui du premier exportateur au monde. Certes, c’est encore un pays au niveau de revenu plus faible que l’Allemagne ou les États-Unis. Mais ce n’est plus un pays pauvre. La Chine ne peut pas continuer à dire qu’elle est un pays en voie de développement et qu’elle a encore besoin de règles spéciales», assène André Sapir. Celui-ci pointe notamment du doigt les transferts de technologie imposés par les entreprises chinoises à leurs partenaires: «On ne peut plus l’accepter aujourd’hui. Les entreprises chinoises doivent se comporter selon des règles compatibles avec celles de l’OMC.»