Valérie Messika a créé la marque Messika en 2005 et vient d’ouvrir une boutique à Luxembourg-ville, à deux pas de la Place d’Armes. (Photos: David Ferrura; Paperjam. Photomontage: Maison Moderne)

Valérie Messika a créé la marque Messika en 2005 et vient d’ouvrir une boutique à Luxembourg-ville, à deux pas de la Place d’Armes. (Photos: David Ferrura; Paperjam. Photomontage: Maison Moderne)

À l’occasion de l’ouverture de la boutique Messika à Luxembourg, nous avons posé quelques questions à la fondatrice et CEO de cette entreprise spécialisée dans la création de bijoux en diamants, Valérie Messika.

Le diamant, c’est une histoire de famille puisque votre père, André Messika, était déjà diamantaire. Le fait de marcher sur ses pas était-il une évidence pour vous?

«Oui et non. Mon père a effectivement monté une entreprise diamantaire et la question de sa succession s’est posée. Il se trouve que mon frère est handicapé et ne peut pas reprendre les rênes de l’entreprise. J’étais donc un peu désignée comme étant l’enfant qui pourrait reprendre le flambeau. J’ai quand même choisi de faire d’autres études, en communication et marketing, dans le secteur du luxe, et j’ai travaillé un an chez Chanel. Puis mon père m’a demandé de lui donner un an de ma vie pour l’accompagner dans son travail.

Cette année a finalement été multipliée par cinq pour découvrir toutes les facettes de son métier. J’ai beaucoup appris à ses côtés, j’ai fréquenté les bourses du diamant en Israël, en Belgique, en Inde, visité les salons professionnels, été dans les banques, chez des clients. J’ai eu un aperçu de sa profession à 360°, mais j’ai aussi découvert que ce qui me fascinait dans le diamant était plutôt le volet création et tout le potentiel qui pouvait encore être développé pour désacraliser cette pierre tout en la respectant pleinement.

Effectivement, le diamant est une pierre statutaire, dont j’imagine qu’il n’est pas aisé de changer l’image. Quel caractère cherchez-vous à donner à vos bijoux?

«Je voulais apporter un côté ludique au diamant. Depuis toute petite, j’ai baigné dans ce milieu, j’ai touché les pierres, les ai beaucoup observées, triées. Je les ai senties sur la peau et j’ai aussi été conditionnée à les voir sans monture. Tout cela a construit l’approche que je développe autour du diamant, sa sensualité et son énergie, ainsi que sa pureté, et aussi sa légèreté. Mon idée était de faire du diamant un accessoire de mode, d’obtenir un effet seconde peau, comme un tatouage.

Les bijoux Messika se portent avec un effet seconde peau. (Photo: Isabelle Bonjean)

Les bijoux Messika se portent avec un effet seconde peau. (Photo: Isabelle Bonjean)

Comment arriver à ne pas perdre en créativité en se concentrant sur une seule pierre?

«Mon père m’a effectivement suggéré comme règle de me concentrer sur cette seule pierre. J’avais cette grande chance d’observer son expertise incroyable et accès à des pierres d’exception. Il m’a aussi appris que plus on est clair dans son positionnement, plus on est monoproduit, et plus le client identifie aisément le travail. Cela faisait du sens et j’ai accepté de développer ma marque avec ces contraintes. Mais c’est un défi au quotidien. J’ai la chance de travailler avec mon cousin, avec qui j’échange beaucoup autour des créations. Nous nous nourrissons mutuellement.

Juste avant le Covid, nous avons décidé de lancer une collection qui introduit la couleur: tout en conservant le diamant au cœur de notre approche, nous l’avons associé à des pierres dures comme la nacre, la malachite ou l’onyx. La confrontation avec ces nouveaux matériaux permet de donner un autre éclat au diamant. C’est aussi dans cette même logique que nous avons développé des collections qui associent le diamant et le cuir coloré. En procédant ainsi, il est possible de créer différents styles, d’avoir une autre lecture de la pierre, mais en conservant toujours le diamant au centre de la création.

Vos bijoux se portent aussi très différemment des autres créations avec des diamants que l’on trouve sur le marché.

«Effectivement, nos bijoux se portent comme un accessoire qui complète une tenue. Ils habillent les mouvements de la femme, lui apportent de la confiance en elle, l’accompagnent dans ses gestes quotidiens. Tout comme une femme n’a pas la même attitude si elle porte des talons hauts ou une paire de baskets, elle se comportera différemment si elle porte des diamants ou non. Nous avons une approche très féminine du diamant, qui est plus une question de personnalité que de statut social.

Vous avez réussi le tour de force de créer un bijou iconique, Move, l’emblème de votre marque, et qui se décline en colliers, bracelets, boucles d’oreilles, bagues, aussi bien pour femme que pour homme. Quelle est l’histoire de ce bijou?

«L’histoire remonte à 2007. Nous travaillions sur un exercice à partir de trois diamants. J’avais dans l’idée d’exprimer l’amour éternel, chaque diamant signifiant ‘je t’aimais hier’, ‘je t’aime aujourd’hui’ et ‘je t’aimerai demain’. Au départ, je voulais enfermer les trois pierres dans une cage en or. Puis j’ai trouvé cela amusant d’imaginer une cage qui puisse bouger. De là a découlé l’idée de placer les diamants dans un cercle d’or et de les faire coulisser sur un rail. C’est comme cela qu’est né Move. Ce mouvement permet d’exprimer l’énergie de la femme, son dynamisme, et aussi une certaine décontraction. Il y a aussi une dimension sonore qui me plaît. Aujourd’hui, nous avons la chance que ce bijou soit devenu la signature de notre marque, et nous le déclinons de différentes manières.

La collection Move rassemble des diamants mobiles qui coulissent sur un rail. (Photo: Messika)

La collection Move rassemble des diamants mobiles qui coulissent sur un rail. (Photo: Messika)

Vos bijoux ont une allure très contemporaine. Touchent-ils une clientèle plutôt jeune?

«En fait, nous avons une typologie de produits et un éventail de prix qui permettent de toucher un large panel de clients, mais toujours en rendant hommage au diamant et en respectant son caractère pur et simple. En tant que nouvel entrant dans le secteur, nous avons pu nous permettre d’apporter ce twist qui a constitué une grande force d’attractivité auprès d’une nouvelle clientèle, plus jeune aussi effectivement.

En 2013, vous avez lancé une collection haute joaillerie. Pourquoi ne pas être restée sur un segment plus «grand public»?

«Comme j’ai la chance d’avoir accès à de très belles pierres, il était logique pour moi d’aller sur ce segment. Mais je ne voulais pas le faire tout de suite, car cela aurait été très prétentieux. Nous avons donc développé nos collections de haute joaillerie plus tard, mais avec la même énergie que ce que nous apportons pour nos plus petits bijoux. Je voulais introduire un porté différent, qui ne soit pas endimanché, conserver cette légèreté et ce côté rock avec des néoportés. Ce sont des collections aux pierres d’exception, mais qui restent abordables dans la manière de les porter.

Vous collaborez avec Kate Moss, non seulement pour votre image, mais aussi pour cosigner deux collections. Le monde de la mode est-il important à vos yeux?

«Je vis à Paris, qui est la capitale de la mode, avec ce très grand savoir-faire artisanal français, les petites mains de Chanel, le rythme et l’énergie incroyables des Fashion Weeks. C’est effectivement un secteur qui me fascine et qui m’inspire beaucoup. Par ailleurs, j’adore co-designer et collaborer avec d’autres personnes. Cette démarche est aussi très répandue dans le milieu de la mode. Donc, oui, tout ceci me convient bien.

Votre entreprise est actuellement dans une phase d’expansion internationale, avec 14 ouvertures de boutiques, dont une à Luxembourg. Quelle est votre stratégie sur ce point et quels sont les marchés principalement visés?

«Nous nous sommes d’abord développés en France, qui est notre marché principal. Puis nous nous sommes exportés en Europe, avant de nous lancer au Moyen-Orient, en Russie et aux États-Unis. Juste avant la crise sanitaire, nous sommes entrés sur le marché asiatique, qui est le plus gros marché pour le monde du luxe. Nous ne souhaitons pas nécessairement avoir beaucoup de boutiques, mais ce sont des espaces qui permettent de découvrir toutes les profondeurs de nos collections et l’éventail de notre offre de services. Nous sélectionnons donc attentivement les points de vente et privilégions les capitales.

Vous êtes assez peu présents sur le segment des bagues de mariage, qui est pourtant un créneau traditionnel pour le diamant. Pourquoi?

«Nous ne l’avons pas encore montré, effectivement, car nous ne sommes pas encore prêts au niveau du marketing. Mais c’est un axe que nous avons beaucoup développé ces derniers mois. C’est un exercice difficile, car plus classique, mais nous essayons d’y apporter la même attitude que dans le reste de nos collections.»

 Boutique Messika – 20, rue de la Poste à Luxembourg