Le 15 juillet, alors que le Kamakura est encore les pieds dans l’eau, son patron historique, Hajime Miyamae, s’entretient avec le Premier ministre Xavier Bettel depuis sa fenêtre.  (Photo: Maison Moderne) 

Le 15 juillet, alors que le Kamakura est encore les pieds dans l’eau, son patron historique, Hajime Miyamae, s’entretient avec le Premier ministre Xavier Bettel depuis sa fenêtre.  (Photo: Maison Moderne) 

Deux mois après les inondations historiques qui ont touché le Luxembourg le 14 juillet dernier, certains des restaurateurs les plus touchés pansent encore leurs plaies, entre réouverture, résignation et attente d’indemnisations...

Pour beaucoup de restaurants, la soirée du 14 juillet dernier avait pourtant bien commencé: nous sommes un mercredi, il y a certes une alerte aux orages, mais en ce début d’été «post-Covid», les réservations vont bon train. Mais comme pour toute une partie de la population luxembourgeoise ce soir-là, les pluies diluviennes vont changer la donne pour un bon moment...

Si certains établissements touchés ont pu rouvrir rapidement grâce au soutien de leurs proches et à un travail acharné – comme ce fut le cas pour les restaurants De Pefferkär à Huncherange ou Mosconi en ville, d’autres qui le furent plus durement n’ont toujours pas la possibilité de rouvrir leurs portes aujourd’hui, deux mois après les inondations.

En attente de matériel et d’indemnisations

Pour ces restaurants très impactés lors de cette soirée du 14 juillet, c’est souvent le besoin de changer une grosse partie du matériel et des installations endommagés par la montée des eaux – et donc, le manque de moyens – qui freine la réouverture. C’est ce que confie Dominique Colaianni, dont les deux restaurants situés sur la place Dargent se sont vus envahis par les eaux: «Nous estimons nos pertes à 140.000€ pour La Mirabelle, et à 470.000€ pour Sapori, où l’on a vraiment tout perdu. La Mirabelle est plus élevée, on a donc déjà pu rouvrir, notamment grâce à la solidarité de notre fournisseur de matériel Weyland et à celle de nos clients, qui sont tout de suite revenus pour nous soutenir. Les assurances ne nous ont pour l’instant octroyé que 20.000€ par établissement, car nous sommes en zone inondable. Notre recours est donc à présent un dossier d’expert adressé au ministère suite à l’état de catastrophe naturelle.»

La vue de la place Dargent, sous les eaux au lendemain des pluies diluviennes du 14 juillet, rappelle à quel point certains restaurants ont tout perdu…  (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

La vue de la place Dargent, sous les eaux au lendemain des pluies diluviennes du 14 juillet, rappelle à quel point certains restaurants ont tout perdu…  (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Autre problème: le manque à gagner de l’été, qui aurait dû, de plus, renflouer les caisses suite à la pandémie, n’est pas pris en compte dans les procédures d’indemnisation... «Je ne rouvrirai pas le Sapori à la place Dargent, c’est trop dangereux. Je cherche un nouvel endroit pour l’y déplacer», conclut M. Colaianni.

Résilience

Même situation pour l’emblématique restaurant japonais du Grund, le Kamakura, où le propriétaire Hajime Miyamae refuse pourtant de se laisser abattre par cette nouvelle épreuve: «Je suis à un an de la retraite, je pourrais baisser les bras... Mais il est hors de question que je termine ma carrière sur une note aussi triste, ce n’est pas dans ma nature! J’espère pouvoir rouvrir d’ici le mois de novembre, je suis toujours en attente d’indemnisations pour remplacer le matériel perdu lors de la crue.» Le Comptoir Bohème, nouvelle adresse du groupe Maison Mazelier (Strogoff...), qui avait ouvert ses portes et ses 270 couverts quelques semaines à peine avant ces inondations, n’a pas pu rouvrir ses portes pour le moment non plus, mais sa direction assurait il y a peu sur la page du restaurant: «Nous avons hâte de vous (re)voir! Cela demandera encore un peu de temps, mais nous gardons le sourire grâce à l’espoir de rouvrir sous peu!»

Du retard dans la procédure

Si des rapports d’experts sont donc déjà envoyés aux ministères compétents, d’autres semblent cependant se faire attendre, faute de visite des experts. C’est une difficulté supplémentaire que rencontre, par exemple, Nicolas Gruber, directeur de l’Hôtel-Restaurant Gruber à Steinheim, non loin de Rosport, qui confie à Paperjam: «Nous avons été très touchés lors de ces inondations, et nous avons fait notre maximum pour pouvoir rouvrir fin août afin de pouvoir encore travailler un minimum pendant la fin de la saison estivale, notre plus grande source de revenus. Mais nous avons dû le faire avec nos propres moyens financiers, car, malgré nos relances presque quotidiennes, les experts des assurances n’ont toujours pas rendu leur avis final, plusieurs semaines après avoir constaté les dégâts…»

Or, pas d’expertise, pas d’indemnisation par les assurances, et donc pas de rapport à envoyer aux pouvoirs publics par la suite, puisque c’est la procédure. «Je suis complètement bloqué, je ne peux pas avancer comme il le faudrait, puisque tout dépend de ce rapport final des experts. Sans cela, je ne peux même pas m’adresser aux ministères. J’espère sincèrement que les assurances vont vite nous aider en activant les choses pour que nous puissions avancer et aborder la suite de manière plus sereine», conclut le jeune directeur. Affaire à suivre...

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